Poésies Allemandes | Page 3

Friedrich Gottlieb Klopstock
du
héraut... C'est moi, moi-même qui luttai naguère avec la muse des
Thermopyles, avec celle des collines!»
Elle dit; le moment suprême est venu et le héraut s'approche: «Muse
bretonne, s'écrie, les ardents, la fille de la Germanie, je t'aime, oh! je
t'aime en t'admirant...

» Mais moins que l'immortalité, moins que la palme de la victoire!
Saisis-la avant moi, si ton génie le veut, mais que je puisse la partager
et porter aussi une couronne.
» Et... quel frémissement m'agite!... Dieux immortels!... Si j'y arrivais
la première à ce but éclatant... alors je sentirais ton haleine agiter de
bien près mes cheveux épars!»
Le héraut donna le signal... Elles s'en volèrent, aigles rapides, et la
poussière, comme un nuage, les eut bientôt enveloppées... Près du but
elle s'épaissit encore, et je finis par les perdre de vue.
LES HEURES DE L'INSPIRATION
Je vous salue, heures silencieuses, que l'étoile du soir balance autour de
mon front pour l'inspirer! Oh! ne fuyez point sans me bénir, sans me
laisser quelques pensées divines!
À la porte du ciel, un esprit a parlé ainsi: «Hâtez-vous, heures saintes,
qui dépassez si rarement les portes dorées des cieux, allez vers ce jeune
homme,
» Qui chante à ses frères le Messie; protégez-le de l'ombre bienfaisante
de vos ailes, afin que solitaire il rêve l'éternité.
» L'oeuvre que vous lui allez inspirer traversera tous les âges: les
hommes de tous les siècles l'entendront; il élèvera leurs coeurs jusqu'à
Dieu et leur apprendra la vertu.»
Il dit: le retentissement de la voix de l'esprit a comme ébranlé tous mes
os, et je me suis levé, comme si Dieu passait dans le tonnerre au-dessus
de ma tête, et j'ai été saisi de surprise et de joie!
Que de ce lieu n'approche nul profane, nul chrétien même s'il ne sent
pas en lui le souffle prophétique! Loin de moi, enfants de la poussière:
Pensées couronnées qui trompez mille fous sans couronne, loin de moi:
faites place à la vertu, noble, divine, à la meilleure amie des mortels!

Heures saintes, enveloppez des ombres de la nuit ma demeure
silencieuse; qu'elle soit impénétrable pour tous les hommes; et si mes

amis les plus chers s'en approchaient, faites-leur signe doucement de
s'éloigner.
Seulement, si Schmied, le favori des muses de Sion, vient pour me voir,
qu'il entre... Mais, ô Schmied, ne m'entretiens que du jugement dernier,
ou de ton auguste soeur.
Elle est digne de nous comprendre et de nous juger: que tout ce qui
dans nos chants n'a pas ému son coeur ne soit plus... que ce qui l'a ému
vive éternel!
Cela seul est digne d'attendrir les coeurs des chrétiens, de fixer
l'attention des anges qui viennent parfois visiter la terre.
À SCHMIED,
ODE ÉCRITE PENDANT UNE MALADIE
DANGEREUSE
Mon ami Schmied, je vais mourir; je vais rejoindre ces âmes sublimes,
Pope, Adissons, le chantre d'Adam, réuni à celui qu'il a
célébré, et
couronné par ma mère des hommes.
Je vais revoir notre chère Radikin, qui fut pieuse dans ses chants
comme dans son coeur, et mon frère, dont la mort prématurée fit couler
mes premières larmes et nous apprit qu'il y avait des douleurs sur terre.
Je m'approcherai du cercle des saints anges, de ce choeur céleste où
retentit sans fin l'Hosanna, l'Hosanna!
Oh! bienfaisant espoir! comme il me saisit, comme il agite violemment
mon coeur dans ma poitrine!... Ami, mets-y ta main... j'ai
vécu... et
j'ai vécu, je ne le regrette point, pour toi, pour ceux qui nous sont chers,
pour celui qui va me juger.
Oh! j'entends déjà la voix du Dieu juste, le son de sa redoutable
balance... si mes bonnes actions pouvaient l'emporter sur mes fautes!

Il y a pourtant une noble pensée en qui je me confie davantage. J'ai
chanté le Messie, et j'espère trouver pour moi, devant le trône de Dieu,
une coupe d'or toute pleine de larmes chrétiennes!
Ah! le beau temps de mes travaux poétiques! les beaux jours que j'ai
passés près de toi! Les premiers, inépuisables de joie, de paix et de
liberté; les derniers, empreints d'une mélancolie qui eut bien aussi ses
charmes.
Mais dans tous les temps je t'ai chéri plus que ma voix, que mon regard
ne peuvent te l'exprimer... Sèche tes pleurs: laisse-moi mon courage;
sois un homme, et reste dans le monde pour aimer nos amis.
Reste pour entretenir ta soeur, après ma mort, du tendre amour qui eût
fait mon bonheur ici bas, si mes voeux eussent pu s'accomplir.
Ne l'attriste pas cependant du récit de ces peines inconsolées qui ont
troublé mes derniers jours, et qui les ont fait écouler comme un nuage
obscur et rapide.
Ne lui dis point combien j'ai pleuré dans ton sein... et grâces te soient
rendues d'avoir eu pitié de ma tristesse et d'avoir gémi de mes chagrins!
Aborde-la avec un visage calme, comme le
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