Pile et face
The Project Gutenberg EBook of Pile et face, by Lucien Biart This
eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no
restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it
under the terms of the Project Gutenberg License included with this
eBook or online at www.gutenberg.org
Title: Pile et face
Author: Lucien Biart
Release Date: March 19, 2006 [EBook #18014]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PILE ET
FACE ***
Produced by Carlo Traverso, Eric Vautier and the Online Distributed
Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file was produced
from images generously made available by the Bibliothèque nationale
de France (BnF/Gallica)
PILE ET FACE
PAR
LUCIEN BIART
PARIS J. HETZEL ET Cie, ÉDITEURS TROISIÈME ÉDITION
A TOI
MON CHER LOYNEL
EN TÉMOIGNAGE D'UNE AMITIÉ DE VINGT ANS.
LUCIEN BIART
PREMIÈRE FARTIE
I
LE MARQUIS DE LA TAILLADE.
René-Alexis Baudoin, comte de Valonne et marquis de La Taillade,
naquit en 1796 d'un père ruiné par la Révolution. Sa mère mourut deux
ans plus tard en lui donnant une soeur, et, en 1804, les deux enfants,
devenus orphelins, héritaient chacun de huit cents francs de rente.
La nature est spirituelle comme une Célimène à notre égard; elle se
moque avec malice de nos distinctions sociales. Alexis de La Taillade,
qui ne comptait parmi ses ancêtres que ducs, comtes et marquis, fut,
dès son bas âge, un rustre des mieux réussis. On eût en vain cherché la
race chez ce butor trapu, gauche, au front étroit, à la bouche niaise, au
rire bruyant. Certes, ce n'était pas un méchant garçon qu'Alexis, mais
une de ces organisations dont le moral et le physique sont à l'unisson,
un de ces êtres nés pour l'engrais, comme notre espèce en compte par
milliers. Aujourd'hui que les immortels principes de 89 ont remis
chaque chose à sa place, on rit de certaines phrases autrefois consacrées,
et la noblesse elle-même sait que les belles épaules ne sont pas toujours
duchesses, les jolies jambes marquises, les grands pieds plébéiens.
A vingt et un ans, après une série d'aventures qui désolèrent plus d'une
fois le vieux chevalier de Saint-Louis qui s'était chargé de la tutelle des
deux enfants, Alexis, ne se sentant de disposition pour aucune carrière,
consentit à suivre celle des armes. Son instruction, en dépit des
sacrifices de son brave tuteur, n'atteignait pas jusqu'à l'orthographe.
Sans 89, le jeune homme eût peut-être été d'emblée maréchal de France,
comme plusieurs de ses ancêtres. On lui affirma que le fameux bâton
reposait au fond de la giberne dont on lui fit hommage; il le crut et l'y
chercha vainement pendant un quart de siècle. Cependant il ne maudit
pas trop les réformes amenées par la grande Révolution; car, dès son
entrée au service, il reconnut que ses camarades et ses chefs attachaient
plus d'importance que lui-même à ses titres, ce qui l'aida à vivre selon
ses goûts, c'est-à-dire dans une complète oisiveté. Je me trompe, il
devint très-fort au piquet et acquit un talent hors ligne dans l'art de
préparer une absinthe, talent qui lui valut ses premiers galons.
Vers 1834, Alexis passa sergent-major à l'ancienneté. Il avait alors
trente-huit ans, une face écarlate, des cheveux gris, des yeux atones, des
dents usées par le tuyau d'une pipe noire qu'il ne retirait d'entre ses
lèvres qu'à l'heure des repas,--en un mot, toutes les allures d'un de ces
hommes que l'on qualifie de dur-à-cuire, et dont l'intelligence, comme
une fille de bonne maison, ne fait jamais parler d'elle.
Bien que le rire entr'ouvrît rarement la vaste bouche du sergent, ses
collègues le tenaient pour un joyeux compagnon, bon enfant et pas fier.
La ration journalière d'absinthe de ce descendant des croisés variait de
dix à quinze verres. Entre le douzième et le treizième, sa langue se
déliait un peu, et il donnait son opinion sur le gouvernement avec des
demi-mots et des clignements de paupières que ses interlocuteurs
feignaient de comprendre. Au quatorzième, le sergent parlait de ses
amours, qui n'avaient rien de commun avec le chef-d'oeuvre de
Bernardin de Saint-Pierre, bien qu'il y fût question d'une Virginie.
Enfin, à la quinzième rasade, Alexis devenait insupportable, répétant
d'un ton sinistre les fines plaisanteries qui ont cours dans l'armée sur les
mercantis, ces idiots qui payent les uniformes en temps de paix, qu'on
rançonne en temps de guerre, et qui ruinent et déshonorent la France
comme est prêt à le jurer le moindre porte-épée.
Comment l'idée de marier son frère, qu'elle ne connaissait pas,
germa-t-elle dans l'esprit de Mlle Louise de La Taillade? Comment
surtout cette excellente personne réussit-elle à mener à bien cette rude
entreprise? Toujours est-il qu'un matin, dans la petite ville de Houdan,
vers onze heures, au milieu
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.