m��lancolique qui montrait ses dents toujours blanches, et saluant de la t��te et du regard pauvres et riches, vieillards et enfants. Elle ��tait de toutes les f��tes de famille; le maire, le notaire, le cur��, le receveur des contributions, ces autocrates des petites villes, la consultaient. Quant aux jeunes gens des deux sexes, ils raffolaient de Mademoiselle, qui pourtant ne cherchait jamais �� les marier.
Un mariage! y songer d'abord, le caresser, le pr��parer, le m?rir, le voir tomber �� plat, le relever et enfin le conclure: c'est l�� le r��ve de toute femme oisive qui a d��pass�� la quarantaine, et Mademoiselle, malgr�� sa sagesse, ne devait pas ��chapper �� la loi commune. Elle avait v��cu ��loign��e de son fr��re, et son tuteur, le seul homme qui conn?t �� fond le sergent, ��vitait de le nommer ou r��p��tait qu'il ne fallait pas plus songer �� ce gar?on que s'il n'e?t jamais exist��. Un matin, pour la premi��re fois de sa vie, Mademoiselle re?ut une lettre de M. Alexis de La Taillade, lettre fort bien tourn��e, ma foi, d'une ��criture aussi irr��prochable que l'orthographe, et dont le v��ritable auteur ��tait un jeune caporal, bachelier ��s lettres. Cette missive, pleine de coeur, se terminait par un post-scriptum, o�� M. de La Taillade priait incidemment sa soeur de lui pr��ter une centaine de francs. Ce fut les larmes aux yeux que la bonne Mademoiselle porta elle-m��me au bureau de poste la lettre charg��e qu'elle envoyait �� son fr��re. Une correspondance assez suivie s'��tablit, et, de plus en plus convaincue que M. de La Taillade avait ��t�� calomni�� ou m��connu, Mademoiselle choisit son amie, Eug��nie de Varangue, pour r��parer les injustices du sort �� l'��gard du pauvre sergent, et se pr��para ainsi des remords ��ternels.
Appel�� �� Houdan par sa soeur qu'il croyait riche, Alexis renon?a au service et accourut accompagn�� de son secr��taire. La vue de son cher fr��re d��sappointa grandement Mademoiselle.
?Le fond chez lui vaut mieux que la forme?, se dit-elle en songeant aux lettres si bien tourn��es qu'elle avait re?ues.
Au bout de huit jours, toutes ses illusions ��taient envol��es; mais comment rompre l'union projet��e? Eug��nie de Varangue devint donc marquise de La Taillade.
Mademoiselle ne d��sesp��ra pas d'abord de l'avenir et tenta de transformer son fr��re en gentilhomme campagnard. Elle e?t voulu lui voir conqu��rir peu �� peu ce qu'elle avait su s'assurer �� elle-m��me, une grande consid��ration. Elle dut renoncer bien vite �� ce r��ve. D��s le lendemain du d��part de son ami le caporal, que l'expiration de son cong�� for?ait �� rejoindre son r��giment, Alexis alla s'attabler au _Soleil d'or_. Un mois plus tard, il tutoyait le cabaretier, qui accueillait sa noble pratique en lui frappant sur le ventre.
Une fois convaincue de l'inutilit�� de ses efforts, Mademoiselle tenta de d��barrasser au plus vite son logis et la ville du soudard qu'elle y avait attir��. Elle se heurta contre un obstacle inattendu. Eug��nie, ��lev��e loin du monde par une grand'm��re d��vote, s'��tait ��prise de son mari, dans lequel son imagination lui montrait un h��ros victime de la jalousie de ses chefs. Ne sachant rien refuser �� son noble ��poux, la pauvre femme, enceinte de six mois, marcha vers une ruine imminente. Mademoiselle, tout en d��plorant la faiblesse de son amie, respecta quelque temps cet amour. Mais �� mesure que la grossesse d'Eug��nie se dessina, elle songea plus s��rieusement �� la petite cr��ature qui allait na?tre et sentit s'��veiller en elle de v��ritables instincts de maternit��. Devant les d��sordres croissants de son fr��re, elle consid��ra une plus longue condescendance comme une lachet�� et r��solut de pr��cipiter les ��v��nements.
La tache ��tait difficile; car de tous les maux que l'on peut infliger �� son prochain, le mariage est le plus irr��parable. Mademoiselle ne trouva qu'une solution au probl��me qu'elle voulait r��soudre:--renvoyer son noble fr��re au r��giment. Mais comment s'y prendre, comment surtout vaincre l'opposition d'Eug��nie? Catherine, confidente des pr��occupations de sa ma?tresse, proposait de temps �� autre de pousser M. de La Taillade dans le puits, �� l'heure �� laquelle, par suite de ses habitudes de caserne, il se bichonnait �� grande eau dans le jardin. On se haterait de lui porter secours... mais trop tard. La brave fille, large d'��paules et plant��e sur des poteaux, offrait encore de provoquer l'ex-militaire et de l'assommer; elle r��pondait du r��sultat, et peut-��tre n'avait-elle pas tort. C'��tait le d��vouement incarn�� que cette servante de la vieille roche, qui, depuis quinze ans qu'elle servait Mademoiselle, caressait le r��ve de lui sauver la vie. Taill��e comme un cuirassier, Catherine m��prisait trop la vigueur tant vant��e des hommes pour les aimer. Si Mademoiselle n'avait pas repouss�� avec indignation l'offre h��ro?que de sa femme de chambre, M. de La Taillade aurait, contre toutes les r��gles, m��lang�� son absinthe d'eau de puits.
Un soir, Mademoiselle, apr��s avoir embrass�� sa belle-soeur, envoya Catherine se reposer et
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