Varangue, ang��lique cr��ature qui, en somme, m��ritait un meilleur sort.
Mlle de La Taillade avait alors trente-six ans. Vive, spirituelle sans m��chancet��, avec un bouche aux dents ��clatantes, de grands yeux noirs et doux, elle ��tait, par bonheur pour elle, l'antipode de son cher fr��re, ��lev��e chez son tuteur, puis dans un couvent, elle fut ensuite adopt��e par une parente ��loign��e, v��n��rable chanoinesse qui la prit en affection. Sa jeunesse s'��coula calme et paisible, au milieu de vieux amis qui fr��quentaient le salon de sa nouvelle tutrice. Jusqu'�� l'age de dix-huit ans, la jeune fille, gaie comme le printemps, demeura convaincue que la vie consistait, selon la saison, �� pr��parer des confitures ou des conserves, �� faire ses paques, �� confectionner des layettes pour les enfants pauvres, �� broder le soir pr��s d'une table de jeu, �� entendre raconter les splendeurs de la cour de Marie-Antoinette ou les catastrophes de la R��volution. Cette existence, qui ressemblait au bonheur, fut subitement troubl��e. Sans y rien comprendre, Mlle de La Taillade s'��prit d'une fa?on s��rieuse des graces d'un procureur du roi, le seul homme au-dessous de la cinquantaine qui visitat la chanoinesse. Le grave fonctionnaire, accoutum�� �� lire dans les consciences, et qui aimait �� causer avec la jeune fille, ne se douta jamais de la chaste passion qu'il avait inspir��e. Elle n'avait pas de dot et par cons��quent pas de sexe,--du moins pour un procureur du roi pris en dehors de ses fonctions.
Les Fran?aises, si vives, si spirituelles, ne se laissent-elles pas persuader un peu trop facilement qu'elles sont les femmes les plus s��duisantes de la terre? On ��pouse une Anglaise pour son teint, une Allemande pour ses yeux bleus, une Espagnole pour sa d��sinvolture, une Russe pour on ne sait quoi. Les Fran?aises, si elles souhaitent devenir m��res de famille, doivent encadrer leurs qualit��s morales ou physiques d'un certain nombre de billets de banque et payer comptant leur mari. Si encore, pour le prix qu'elles y mettent, elles obtenaient des ��poux de premier choix, on s'expliquerait �� la rigueur la chevaleresque coutume de la dot. Mais non, en ��change de leur beaut��, de leur innocence, de leurs illusions, de leur argent, les mieux partag��es se voient pourvues d'un mari blas��, qu'elles traitent plus tard en cons��quence. De l�� nos moeurs qui, tout en valant mieux que leur r��putation, ne valent certes pas grand'chose. Apr��s le mariage, les Fran?aises sont �� n'en pas douter les plus s��duisantes des femmes; avant, ce sont les Fran?ais qui sont s��duisants, puisqu'on les ach��te. Nous rions des Am��ricains, qui mesurent les sentiments au poids des dollars, sans nous apercevoir que nous-m��mes nous faisons intervenir les napol��ons dans l'unique contrat d'o�� fr��re Jonathan les a bannis,--le contrat de mariage. Nous vendons nos filles, et nous nous ��tonnons ensuite qu'elles se donnent, comme s'il n'��tait pas de r��gle de r��colter ce qu'on a sem��.
Louise de La Taillade apprit �� l'improviste le mariage de celui qu'elle aimait. Elle assista d��faillante �� la b��n��diction nuptiale et rentra chez sa tante en proie �� une fi��vre c��r��brale. La force de ses dix-huit ans triompha de la maladie et la condamna �� vivre. Sa convalescence fut longue; enfin elle surmonta les douleurs de cette crise dont nul ne connut jamais la cause, et r��solut de rester fille. A la mort de la chanoinesse, qui lui laissa quinze cents livres de rente, Mlle Louise d��passait d��j�� la trentaine; elle alla vivre successivement chez des parents ��loign��s, et acquit ainsi une triste exp��rience du monde. Bless��e par l'orgueil des uns, indign��e de la servilit�� des autres, rebut��e par la sottise de tous, elle revint un beau jour frapper �� la porte de son ancien tuteur, ��tabli �� Houdan. L��, prenant d'elle-m��me le titre de vieille fille, elle se consacra tout enti��re �� l'ami qui avait veill�� sur son enfance, et lui rendit avec usure les soins qu'elle et son fr��re en avaient re?us. Sur les conseils du pr��voyant vieillard, Mlle de La Taillade pla?a son petit capital en viager, ce qui lui produisit trois mille livres de rente. Elle commen?ait �� croire qu'on peut vivre heureux en ce monde, lorsqu'elle perdit son tuteur, qui lui l��gua la maison qu'il habitait.
Ce nouveau chagrin la jeta dans la d��votion; mais son esprit ��tait trop juste pour qu'elle dev?nt jamais une bigote. Elle poss��dait dans Catherine, l'ancienne servante de la chanoinesse, une femme de chambre, une cuisini��re, un ��conome et une jardini��re, car la petite maison, derri��re sa fa?ade de briques, cachait un splendide jardin. Grace �� cet intendant femelle, Mademoiselle put vivre confortablement avec la moiti�� de son revenu, dont les pauvres de Houdan absorb��rent l'autre moiti��. Il fallait voir les bonnets de coton mettre �� l'air les chevelures incultes lorsque Mademoiselle se rendait �� la promenade ou �� l'��glise, l��g��re, souriant de ce beau sourire
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