coeur malade, chaque fois que je la rencontre, d'un frisson presque sacr��, tant cette mince et jolie fille ressemble �� Colette,--une Colette plus us��e, aupr��s de laquelle, depuis trois mois, je suis bien souvent all�� oublier �� la fois et me rappeler l'autre!... Et, ce soir encore, je la reconduisais chez elle vers les deux heures, dans le logement meubl�� qu'elle habite, comme une d��butante, rue de T��h��ran. Il y a l�� une maison qui sert au lan?age des nouvelles recrues du Tout-Cyth��re. J'y ai connu depuis dix ans bien d'autres cr��atures, mais aucune que j'aie serr��e contre moi avec la m��me sauvage ardeur que cette fausse Colette. Dieu! l'��trange sensation que d'avoir �� soi, l��, dans ses bras, une femme qui n'est pas celle que l'on aime, et sur la bouche de laquelle on cherche les baisers de celle que l'on aime, parce que c'est presque le m��me visage, les m��mes yeux, je ne sais quoi de si pareil! Et, pendant ce temps-l��, on se met �� se figurer celle que l'on aime, et qui n'est pas elle, dans les bras d'un homme, et qui n'est pas vous. Et il y a une minute, une seconde, o�� la douleur de cette pens��e, l'amertume de cette substitution, l'ardeur de la chair, se fondent en une volupt�� si triste! Ah! le plaisir sans coeur! Il faudrait, pour le go?ter, n'avoir pas l'ame malade que m'ont faite tant de souffrances. O folie! folie!...
J'��tais assis sur une chaise, pr��s du large lit de cette chambre de prostitu��e, �� la fois riche et pauvre, o�� il tra?ne des bracelets de mille francs sur des tapis tach��s de bougie, et nous fumions des cigarettes de caporal, L��da, couch��e, ses cheveux d��nou��s, un de ses bras pass�� sous sa t��te, et moi, rhabill��, la regardant avant de m'en aller. Je voyais son joli visage, le fr��re de celui qui m'a fait si mal, avec les profonds stigmates d'infinie fatigue dont l'a marqu��e son existence de fille �� cinq louis. Que j'aurais pleur�� facilement, en proie �� l'inexprimable m��lancolie de la d��bauche que je savais si bien devoir trouver l��! L��da m'est devenue, depuis ces trois mois que je la connais, une esp��ce d'amie. Elle sait qui je suis, elle a vu mes pi��ces. Des camarades lui ont racont�� mon histoire.
--?Et ta Colette?? me dit-elle en me voyant si triste. ?Tu y penses toujours??
--?Toujours....? fis-je en haussant les ��paules.
--?Pauvre!? reprit-elle, ?n'est-ce pas que ?a fait mal d'aimer??
Cette fille a une douceur infinie, quelque chose de vaincu, de lass�� et de tendre dans le vice qui me fait comprendre les pires R��demptoristes, ceux qui vont chercher leur ma?tresse--leur femme quelquefois--dans des entresols comme celui-ci, ou dans la susdite maison-m��re et ses succursales. Elle se dressa �� demi pour me donner un baiser, par compassion. Le geste qu'elle fit d��pla?a un petit ruban de velours qu'elle portait au cou. Alors seulement je vis qu'elle y avait une place toute meurtrie, une tache jaune de la grandeur d'un ��cu de cinq francs. On avait d? la pincer avec une violence inou?e et tordre la peau expr��s pour lui faire plus de mal.
--?Ce n'est rien,? r��pondit-elle �� ma question: ?Qu'as-tu l��?? et elle ajouta avec son rire fanoch��: ?C'est Alfred!...?
--?Qui ?a, Alfred?? lui demandai-je.
--?C'est mon amant,? dit-elle, ?tu sais, pas comme toi, mais quelqu'un qui m'aime....?
--?Il te bat?...? lui demandai-je.
--?Quelquefois,? dit-elle simplement.
--?Et tu l'aimes?...?
--?Oh! oui,? fit-elle, ?et lui aussi. Qu'est-ce que tu veux? Il est jaloux, c'est un pauvre employ��. Il ne peut pas me prendre chez lui. C'est tout naturel si ?a le rend m��chant....?
* * * * *
Ce mot de fille--il n'y a qu'elles pour en trouver de si navr��s dans leur na?vet��--s'accordait tellement avec les pens��es qui m'avaient hant�� tout le soir, que je me le r��p��tais encore, ��tendu dans mon lit, �� moi, une heure plus tard, apr��s avoir quitt�� L��da pour ne pas conna?tre l'horreur de la rentr��e en habit �� dix heures du matin. Je ne pouvais pas dormir. La mis��rable luxure d'o�� je sortais avait exasp��r�� mon ��nervement. Je pensais �� Colette avec plus de malaise que jamais. C'��tait comme un jet de bile qui m'inondait toute l'ame. Et puis je reprenais: ?C'est ?a, l'amour....? mais, cette fois, sans les ironies de Boisgommeux. Machinalement, un vieux fonds d'homme de lettres, qui vit en moi et qui me suivra jusqu'�� la mort, me faisait repasser en id��e toutes les d��finitions qui ont ��t�� donn��es de ce mot ?amour?, celles du moins que je me rappelais. Aucune ne correspondait �� ce que je sentais si vivement. Je me souvins alors que mon ma?tre Adrien Sixte parle quelque part avec admiration d'une phrase du dictionnaire de m��decine de Nysten, cit��e d��j�� par Dumas dans une de ses belles pr��faces. Je saute �� bas de mon lit, et,
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