le répète, cela n'est que trop vrai pour ceux qui ont sérieusement
étudié les races indiennes de l'Amérique, septentrionale.--H.-E-C.]
Le Sault-Sainte-Marie a donc une importance historique, considérable,
et dont tout Français a le droit d'être fier.
Les Rapides étant un obstacle à la navigation, on a creusé un canal pour
obvier à cet inconvénient.
«Ce canal, poursuit M. Pisani, a 1,600 mètres de long et une largeur
suffisante pour que les plus gros navires y puissent flotter. La
différence de niveau entre ses deux extrémités est de 8 mètres 37; c'est
précisément la hauteur des Rapides, et la moitié de celle des eaux du
lac Supérieur au-dessus des eaux du lac Michigan, le premier étant à
193 mètres et le second à 482 mètres 65 au-dessus du niveau de la mer.
Deux écluses suffisent pour faire franchir aux bâtiments la différence
du niveau.
«Le canal n'est ouvert que depuis six ans. Avant sa construction, un
chemin de fer de 1,600 mètres de parcours longeait les Rapides et
aboutissait à deux quais de débarquement, l'un en amont, l'autre en aval
de l'obstacle à franchir. Les marchandises apportées par les Lacs de
l'Est et du Midi et destinées à passer dans le lac Supérieur étaient
déchargées à l'entrée des Rapides, transbordées sur le chemin de fer,
embarquées de nouveau sur les bâtiments faisant le service spécial des
lacs. Telle a été jusqu'à ces dernières années, l'insuffisance des
ressources de toute espèce dans ces contrées reculées, que les bateaux à
vapeur ou à voiles, naviguant sur le lac Supérieur, n'étaient pas
construits sur ses rives, au-dessus des Rapides [9]. On les apportait, par
pièces, des ateliers de New-York ou de Cleveland; le chemin de fer leur
faisait franchir le saut et on les montait au-delà de Sainte-Marie. On
comprend que, dans de pareilles conditions, la navigation intérieure du
lac ne pouvait pas recevoir un bien grand développement.
[Note 9: Le premier navire de quelque importance construit au
Sault-Sainte-Marie fut le schooner ou goélette John Jacob Astor, lancée,
si je ne me trompe, en 1835.--H.-E. C.]
«Il y a une huitaine d'années, le Congrès, de concert avec la législature
de l'état de Michigan, décida que le chemin de fer serait remplacé par
un canal. Ce qui était difficile, ce n'était pas de s'entendre avec
Washington et Lansing, mais de trouver des entrepreneurs qui, en
échange d'une énorme avance de fonds, consentissent à recevoir des
terrains sans valeur actuelle et susceptibles d'en acquérir seulement par
suite de l'ouverture même du débouché. On ne doit pas perdre de vue
qu'à cette époque, le bassin du lac Supérieur, sans communication autre
que celle de la rivière Sainte-Marie avec le continent américain, était un
vrai pays perdu, tout à fait sauvage, d'un avenir très-problématique. On
y exploitait déjà, des mines de cuivre, mais il était encore fort douteux
que l'industrie métallurgique réussît jamais à faire entrer cette contrée
isolée dans le cercle de l'activité américaine. Il n'y avait certainement
pas six mille habitants travaillant aux mines ou vivant d'un commerce
de pacotilles sur les rives du lac. Par le fait, il ne s'agissait pas de créer
un débouché pour une population déjà existante, mais de créer une
population par l'ouverture d'un débouché; méthode générale aux
États-Unis, et inverse de celle que nous employons en Europe.
«Dans cette affaire, comme dans tant d'autres, le génie des entreprises
hasardeuses, qui fait la passion et la force des États-Unis, n'a pas reculé
devant le calcul des mauvaises chances. Une compagnie de Boston a
accepté les termes et s'est engagée à construire le canal. Le marché,
conclu sur ces bases, a été rapidement exécuté. Au mois de juin 1855 la
Compagnie a fait remise du canal à l'État, qui l'exploite à son profit.
«Ce magnifique ouvrage a coûté environ sept millions de francs. En
contemplant les vastes solitudes qui l'entourent, la nature sauvage,
grandiose et glaciale, dont il constate la puissance vaincue, semblable à
un sceau mis par l'industrie humaine sur sa nouvelle conquête, on ne
peut s'empêcher d'admirer l'audace du peuple qui ne craint pas de se
lancer dans de pareilles entreprises aux extrémités perdues de son
immense territoire.
Il faut une heure et demie ou deux heures à un bateau à vapeur pour
traverser les écluses et faire le chargement et le débarquement des
marchandises appartenant au commerce de Sainte-Marie.
«Sainte-Marie est plutôt une bourgade qu'une petite ville. Les maisons,
presque toutes à un seul étage, sont en bois et isolées les unes des
autres, double caractère propre à tous les centres de population des pays
situés vers l'extrême nord, soit dans le nouveau, soit dans l'ancien
monde [10]. Les habitants sont au nombre de deux mille environ. Le
fond de cette population, la partie fixe et attachée au pays de père en
fils, provient d'un croisement d'anciens colons français avec la
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