Pauline

George Sand
讔Pauline

The Project Gutenberg eBook, Pauline, by George Sand
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Title: Pauline
Author: George Sand
Release Date: May 26, 2004 [eBook #12447]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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GEORGE SAND
PAULINE

NOTICE
J'avais commencé ce roman en 1832, à Paris, dans une mansarde où je me plaisais beaucoup. Le manuscrit s'égara: je crus l'avoir jeté au feu par mégarde, et comme, au bout de trois jours, je ne me souvenais déjà plus de ce que j'avais voulu faire (ceci n'est pas mépris de l'art ni légèreté à l'endroit du public, mais infirmité véritable), je ne songeai point à recommencer. Au bout de dix ans environ, en ouvrant un _in-quarto_ à la campagne, j'y retrouvai la moitié d'un volume manuscrit intitulé Pauline. J'eus peine à reconna?tre mon écriture, tant elle était meilleure que celle d'aujourd'hui. Est-ce que cela ne vous est pas souvent arrivé à vous-même, de retrouver toute la spontanéité de votre jeunesse et tous les souvenirs du passé dans la netteté d'une majuscule et dans le laisser-aller d'une ponctuation? Et les fautes d'orthographe que tout le monde fait, et dont on se corrige tard, quand on s'en corrige, est-ce qu'elles ne repassent pas quelquefois sous vos yeux comme de vieux visages amis? En relisant ce manuscrit, la mémoire de la première donnée me revint aussit?t, et j'écrivis le reste sans incertitude.
Sans attacher aucune importance à cette courte peinture de l'esprit provincial, je ne crois pas avoir faussé les caractères donnés par les situations; et la morale du conte, s'il faut en trouver une, c'est que l'extrême gêne et l'extrême souffrance, sont un terrible milieu pour la jeunesse et la beauté. Un peu de go?t, un peu d'art, un peu de poésie ne seraient point incompatibles, même au fond des provinces, avec les vertus austères de la médiocrité; mais il ne faut pas que la médiocrité touche à la détresse; c'est là une situation que ni l'homme ni la femme, ni la vieillesse ni la jeunesse, ni même l'age m?r, ne peuvent regarder comme le développement normal de la destinée providentielle.
GEORGE SAND.
20 mars 1859

PAULINE

I.
Il y a trois ans, il arriva à Saint-Front, petite ville fort laide qui est située dans nos environs et que je ne vous engage pas à chercher sur la carte, même sur celle de Cassini, une aventure qui fit beaucoup jaser, quoiqu'elle n'e?t rien de bien intéressant par elle-même, mais dont les suites furent fort graves, quoiqu'on n'en ait rien su.
C'était par une nuit sombre et par une pluie froide. Une chaise de poste entra dans la cour de l'auberge du _Lion couronné_. Une voix de femme demanda des chevaux, _vite, vite!_... Le postillon vint lui répondre fort lentement que cela était facile à dire; qu'il n'y avait pas de chevaux, vu que l'épidémie (cette même épidémie qui est en permanence dans certains relais sur les routes peu fréquentées) en avait enlevé trente-sept la semaine dernière; qu'enfin on pourrait partir dans la nuit, mais qu'il fallait attendre que l'attelage qui venait de conduire la patache f?t un peu rafra?chi. --?Cela sera-t-il bien long? demanda le laquais empaqueté de fourrures qui était installé sur le siège. --?C'est l'affaire d'une heure, répondit le postillon à demi débotté; nous allons nous mettre tout de suite à manger l'avoine.
Le domestique jura; une jeune et jolie femme de chambre qui avan?ait à la portière sa tête entourée de foulards en désordre, murmura je ne sais quelle plainte touchante sur l'ennui et la fatigue des voyages. Quant à la personne qu'escortaient ces deux laquais, elle descendit lentement sur le pavé humide et froid, secoua sa pelisse doublée de martre, et prit le chemin de la cuisine sans proférer une seule parole.
C'était une jeune femme d'une beauté vive et saisissante, mais palie par la fatigue. Elle refusa l'offre d'une chambre, et, tandis que ses valets préférèrent s'enfermer et dormir dans la berline, elle s'assit, devant le foyer, sur la chaise classique, ingrat et revêche asile du voyageur résigné. La servante, chargée de veiller son quart de nuit, se remit à ronfler, le corps plié sur un banc et la face appuyée sur la table. Le chat, qui s'était dérangé avec humeur pour faire place à la voyageuse, se blottit de nouveau sur les cendres tièdes. Pendant quelques instants il fixa sur elle des yeux verts et luisants pleins de dépit et de méfiance; mais peu à peu sa prunelle se resserra et s'amoindrit jusqu'à n'être plus qu'une mince raie noire sur un fond d'émeraude. Il retomba dans le bien-être égo?ste de sa condition, fit le gros dos, ronfla sourdement en signe de béatitude, et finit
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