Paris nouveau et Paris futur | Page 8

Victor Fournel
lui.
Ainsi partout l'��meute est d��bout��e et r��duite en vasselage; partout ses quartiers g��n��raux sont traqu��s dans leurs repaires et pris entre deux feux. Les nouvelles voies, larges, d��gag��es, d��couvertes, s'allongent en lignes droites au lieu de s'arrondir en lignes courbes comme les anciennes, et ce qu'on prend pour un simple amour de la sym��trie est de plus un profond calcul strat��gique. Celles m��mes qui paraissent trac��es sans but direct, cette multitude d'avenues g��om��triques qui vont �� l'aventure, d'ici, de l��, �� droite, �� gauche, se poursuivant, se croisant, partant tout �� coup comme des fus��es sous vos pieds et courant �� perte de vue n'importe o��, d'une allure aussi intr��pide que si elles allaient quelque part; ces gigantesques boulevards, en particulier, qui rayonnent par douzaines autour de l'Arc de Triomphe et vont t��te baiss��e, �� travers ravins et montagnes, aboutir aux endroits les plus extravagants et se jeter dans le vide, concourent encore indirectement �� la r��alisation du m��me plan.
�� ces causes de d��route pour l'insurrection, joignez-en une autre, qui a sa valeur: c'est que le macadam a supprim�� le pav��, cet ��l��ment essentiel de la barricade. Voil�� ce qui prot��ge le macadam contre les plus vives et les plus justes r��criminations.
D'ailleurs, je ne suis pas de ceux pour qui c'est l�� de tous points une invention damnable, et je le trouve pr��cieux aux jours de soleil, du moins pour les gens qui ont cinquante mille livres de rentes. Comme la plupart des transformations de Paris nouveau, il tend �� favoriser le d��veloppement du luxe, en n��cessitant l'emploi et en multipliant par l�� m��me le nombre des ��quipages. Quant aux pi��tons assez mal avis��s pour ne pas comprendre les n��cessit��s d'une ville de luxe, c'est �� eux �� se garer de la poussi��re; et quant aux arbres, ils ont d��j�� tant d'autres chances d'asphyxie, qu'une de plus ne signifie pas grand'chose: il serait bon seulement de les faire ��pousseter matin et soir. Si donc il n'y avait que des voitures �� Paris et s'il y faisait toujours beau, il faudrait ��lever des statues �� Mac-Adam. Mais le climat parisien est aussi variable que la physionomie d'une jolie femme: il n'use du soleil que dans les occasions solennelles, en guise de distraction au brouillard et d'antith��se �� la pluie, et l'on sait quelle chose hom��rique, in��narrable et sans nom, devient le macadam par les jours de pluie.
Le macadam a, de plus, le tort grave d'exiger un continuel entretien de toilette, non-seulement fort dispendieux pour la bourse du Parisien, mais encore plus d��sagr��able �� la plante des pieds. Il engloutit des oc��ans de cailloux, qu'il ne rend jamais. Le proverbe populaire: Pav�� de bonnes intentions, ne peut mieux s'appliquer qu'au macadam, lorsqu'il est neuf ou qu'on le rempierre: j'en appelle �� tous ceux qui ont travers�� une rue de Paris dans ces dures circonstances. Si l'on ne voulait qu'un terrain ��gal et doux �� la marche, il y aurait mieux que cela, et je conseillerais �� ceux que ce soin regarde d'aller faire un tour en Hollande et d'y ��tudier ce pavage uni et propre comme un parquet, que la pluie m��me ne fait que laver sans le salir. Mais on veut toute autre chose, et la vraie raison est justement celle qu'on ne dit pas. L'administration a des pudeurs de vierge qui nous ��tonnent toujours de sa part.
Ainsi donc, sur ce chapitre des transformations de Paris, il serait bon d��sormais de s'entendre. Qu'on nous parle du r��seau strat��gique des nouvelles rues, qu'on nous les montre savamment trac��es, combin��es avec art, comme autant de parall��les, de sapes et de circonvallations, destin��es �� r��duire une place rebelle; qu'on nous pr��sente le nouveau Paris comme un vaste terrain soumis aux servitudes militaires et abandonn�� aux op��rations des officiers du g��nie,--gens aimables, d'ailleurs, et qui ne demandent pas mieux que d'agr��menter ?�� et l�� leurs travaux par un petit jardin, et de voiler quelquefois leurs tranch��es derri��re un bouquet d'arbres ou un kiosque,--�� la bonne heure, j'admirerai sans restriction. Encore une fois, je comprends et j'admets que le premier droit d'un gouvernement soit de prendre des pr��cautions contre l'��meute. Mais il faudrait avoir le courage du mot propre et ne pas parler d'embellissements plus qu'il ne convient, car alors je n'admire plus du tout.
Ce caract��re math��matique des rues se retrouve dans leurs moindres d��tails. Elles fauchent tout en droite ligne sur le sol comme sur les c?t��s. Pour ��viter une courbe invisible �� l'oeil et insensible au pied, on fait des perc��es �� travers le terrain comme pour les tunnels de chemins de fer. Un beau jour on taillera en pleine butte Montmartre, on ouvrira une voie g��om��trique �� coups de pics et de sondes en creusant la montagne Sainte-Genevi��ve, d?t-on d��molir le Panth��on, ou l'isoler sur une cime, au haut d'un escalier de cinquante

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