Périclès | Page 9

William Shakespeare

PÉRICLÈS.--Je montrerai mon courage exercé à la guerre.
PREMIER PÊCHEUR.--Prends donc cette armure, et que les dieux te
secondent.
SECOND PÊCHEUR.--Mais, écoutez-nous, l'ami, c'est nous qui avons
tiré cet habit du fond de la mer; il est certaines indemnités. Si vous
prospérez, j'espère que vous vous souviendrez de ceux à qui vous le
devez.
PÉRICLÈS.--Oui, crois-moi. Maintenant, grâce à vous, je suis vêtu
d'acier; et, en dépit de la fureur des vagues, ce joyau a repris sa place à
mon bras. Il me servira à me procurer un coursier dont le pas joyeux
réjouira tous ceux qui le verront. Seulement, mon ami, il me manque
encore un haut-de-chausse.
SECOND PÊCHEUR.--Nous vous en trouverons; je vous donnerai
mon meilleur manteau pour vous en faire un, et je vous conduirai
moi-même à la cour.
PÉRICLÈS.--Que l'honneur serve de but à ma volonté. Je me relèverai
aujourd'hui, ou j'accumulerai malheur sur malheur.

(Ils sortent.)
SCÈNE II
Place publique, ou plate-forme conduisant aux lices. Sur un des côtés
de la place est un pavillon pour la réception du roi, de la princesse, et
des seigneurs.
Entrent SIMONIDE, THAISA, des seigneurs; suite.
SIMONIDE.--Les chevaliers sont-ils prêts à commencer le spectacle?
PREMIER SEIGNEUR.--Ils sont prêts, seigneur, et n'attendent que
votre arrivée pour se présenter.
SIMONIDE.--Allez leur dire que nous sommes prêts, et que notre fille,
en l'honneur de qui sont célébrées ces fêtes, est ici assise comme la fille
de la beauté que la nature créa pour l'admiration des hommes.
(Un seigneur sort.)
THAISA.--Mon père, vous aimez à mettre ma louange au-dessus de
mon mérite.
SIMONIDE.--Cela doit être; car les princes sont un modèle que les
dieux font semblable à eux. Comme les bijoux perdent leur éclat si on
les néglige, de même les princes perdent leur fleur si l'on cesse de leur
rendre hommage. C'est maintenant un honneur qui vous regarde, ma
fille, d'expliquer les vues de chaque chevalier dans sa devise.
THAISA.--C'est ce que je ferai pour conserver mon honneur.
(Entre un chevalier. Il passe sur le théâtre, et son écuyer offre son écu à
la princesse.)
SIMONIDE.--Quel est ce premier qui se présente?
THAISA.--Un chevalier de Sparte, mon illustre père. Et l'emblème qu'il
porte sur son bouclier est un noir Éthiopien qui regarde le soleil; la

devise est: Lux tua vita mihi.
SIMONIDE.--Il vous aime bien celui qui tient la vie de vous. (Un
second chevalier passe.) Quel est le second qui se présente?
THAISA.--Un prince de Macédoine, mon noble père! L'emblème de
son bouclier est un chevalier armé, vaincu par une dame; la devise est
en espagnol: Più per dulçura que per fuerça.
(Un troisième chevalier passe.)
SIMONIDE.--Et quel est le troisième?
THAISA.--Le troisième est d'Antioche; son emblème est une guirlande
de chevalier, avec cette devise: Me pompæ provehit apex.
(Un quatrième chevalier passe.)
SIMONIDE.--Quel est le quatrième?
THAISA.--Il porte une torche brûlante renversée, avec ces mots: Quod
me alit me extinguit.
SIMONIDE.--Ce qui veut dire que la beauté a le pouvoir d'enflammer
et de faire périr.
(Un cinquième chevalier passe.)
THAISA.--Le cinquième a une main entourée de nuages, tenant de l'or
éprouvé par une pierre de touche. La devise dit: Sic spectanda fides.
(Un sixième chevalier passe.)
SIMONIDE.--Et quel est le sixième et dernier, qui t'a présenté
lui-même son bouclier avec tant de grâce?
THAISA.--Il paraît étranger; mais son emblème est une branche flétrie
qui n'est verte qu'à l'extrémité, avec cette devise: In hac spe vivo.

SIMONIDE.--Charmante devise! Dans l'état de dénûment où il est, il
espère que par vous sa fortune se relèvera.
PREMIER SEIGNEUR.--Il avait besoin de promettre plus qu'on ne doit
attendre de son extérieur; car, à son armure rouillée, il semble avoir
plus l'usage du fouet que de la lance.
SECOND SEIGNEUR.--Il peut bien être un étranger, car il vient à un
noble tournoi avec un étrange appareil.
TROISIÈME SEIGNEUR.--C'est à dessein qu'il a laissé jusqu'à ce jour
son armure se rouiller, pour la blanchir dans la poussière.
SIMONIDE.--C'est une folle opinion qui nous fait juger l'homme par
son extérieur. Mais en voilà assez: les chevaliers s'avancent;
plaçons-nous dans les galeries.
(Il sortent.--Acclamations; cris répétés de: Vive le pauvre chevalier!)
SCÈNE III
Salle d'apparat.--Banquet préparé.
SIMONIDE entre avec THAISA, les SEIGNEURS, les CHEVALIERS
et suite.
SIMONIDE.--Chevaliers! vous dire que vous êtes les bienvenus, ce
serait superflu; exposer tout votre mérite aux yeux comme le titre d'un
livre, ce serait impossible, car vos exploits rempliraient un volume, et
la valeur se loue elle-même dans ses hauts faits. Apportez ici de la
gaieté, car la gaieté convient à un festin. Vous êtes mes hôtes.
THAISA.--Mais vous, mon chevalier et mon hôte, je vous remets ce
laurier de victoire, et vous couronne roi de ce jour de bonheur.
PÉRICLÈS.--Princesse, je dois plus à la fortune qu'à mon mérite.
SIMONIDE.--Dites comme vous voudrez; la journée est à vous, et
j'espère qu'il n'est personne ici
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