vous était jamais refusé, si jamais
quelqu'un de nous était seulement ingrat en pensée, quand ce seraient
nos femmes, nos enfants, ou nous-mêmes, que la malédiction du ciel et
des hommes les punisse de leur lâcheté! mais jamais pareille chose
n'aura lieu; jusque-là du moins, vous êtes le bienvenu dans notre ville et
dans nos maisons.
PÉRICLÈS.--Nous acceptons ce bon accueil; passons ici quelque temps
dans les fêtes jusqu'à ce que nos étoiles daignent nous sourire de
nouveau.
FIN DU PREMIER ACTE.
ACTE DEUXIÈME
Entre GOWER.
GOWER.--Vous venez de voir un puissant roi entraîner sa fille à
l'inceste, et un autre prince meilleur et plus vertueux se rendre
respectable par ses actions et ses paroles. Tranquillisez-vous donc,
jusqu'à ce qu'il ait échappé à la nécessité. Je vous montrerai comment
ceux qui, supportant l'infortune, perdent un grain de sable et gagnent
une montagne. Le prince vertueux, auquel je donne ma bénédiction est
encore à Tharse où chacun écoute ce qu'il dit comme chose sacrée, et,
pour éterniser le souvenir de ses bienfaits, lui décerne une statue d'or;
mais d'autres nouveautés vont être représentées sous vos yeux: qu'ai-je
besoin de parler?--(Spectacle muet.--Périclès entre par une porte,
parlant à Cléon, qui est accompagné d'une suite; par une autre porte
entre un messager avec une lettre pour Périclès; Périclès montre la
lettre à Cléon, ensuite il donne une récompense au messager. Cléon et
Périclès sortent chacun de leur côté.)--Le bon Hélicanus est resté à Tyr,
ne mangeant pas le miel des autres comme un frelon. Tous ses efforts
tendent à tuer les mauvais et à faire vivre les bons. Pour remplir les
instructions de son prince, il l'informe de tout ce qui arrive à Tyr, et lui
apprend que Thaliard était venu avec l'intention secrète de l'assassiner,
et qu'il n'était pas sûr pour lui de rester plus longtemps à Tharse.
Périclès s'est embarqué de nouveau sur les mers, si souvent fatales au
repos de l'homme; le vent commence à souffler, le tonnerre et les flots
font un tel tapage que le vaisseau qui aurait dû lui servir d'asile fait
naufrage et se brise; le bon prince ayant tout perdu est porté de côte en
côte par les vagues; tout l'équipage a péri, lui seul s'échappe; enfin la
fortune, lasse d'être injuste, le jette sur un rivage; il aborde,
heureusement le voici. Excusez le vieux Gower de n'en pas dire
davantage, il a été déjà assez long.
(Il sort.)
SCÈNE I
Pentapolis.--Plaine sur le bord de la mer.
PÉRICLÈS entre tout mouillé.
PÉRICLÈS.--Apaisez votre colère, étoiles furieuses du ciel; vent, pluie
et tonnerre, souvenez-vous que l'homme mortel n'est qu'une substance
qui doit vous céder, et je vous obéis comme ma nature le veut. Hélas! la
mer m'a jeté sur les rochers, après m'avoir transporté sur ses flots de
rivage en rivage et ne me laissant d'autre pensée que celle d'une mort
prochaine. Qu'il suffise à votre puissance d'avoir privé un prince de
toute sa fortune; repoussé de cette tombe humide, tout ce qu'il demande
c'est de mourir ici en paix.
(Entrent trois pêcheurs.)
PREMIER PÊCHEUR.--Holà! Pilch.
SECOND PÊCHEUR.--Holà! viens et apporte les filets.
PREMIER PÊCHEUR.--Moi, vieux rapetasseur, je te dis!
TROISIÈME PÊCHEUR.--Que dites-vous, maître?
PREMIER PÊCHEUR.--Prends garde à ce que tu fais; viens, ou j'irai te
chercher avec un croc.
TROISIÈME PÊCHEUR.--En vérité, maître, je pensais à ces pauvres
gens qui viennent de faire naufrage à nos yeux, tout à l'heure.
PREMIER PÊCHEUR.--Hélas! pauvres âmes! cela me déchirait le
coeur, d'entendre les cris plaintifs qu'ils nous adressaient quand nous
avions peine à nous sauver nous-mêmes.
TROISIÈME PÊCHEUR.--Eh bien! maître, ne l'avais-je pas dit en
voyant ces marsouins[3] bondir. On dit qu'ils sont moitié chair et moitié
poisson. Le diable les emporte! ils ne paraissent jamais que je ne pense
à être noyé; maître, je ne sais pas comment font les poissons pour vivre
dans la mer.
[Note 3: Le docteur Malone considère ce pronostic comme une
superstition des matelots; mais le capitaine Cook, dans son second
voyage aux mers du Sud, dit aussi que les marsouins jouant autour du
vaisseau annonçaient toujours un grand coup de vent.]
PREMIER PÊCHEUR.--Eh! comme les hommes à terre: les gros
mangent les petits. Je ne puis mieux comparer nos riches avares qu'à
une baleine, qui se joue et chasse devant elle les pauvres fretins pour
les dévorer d'une bouchée. J'ai entendu parler de semblables baleines à
terre, qui ne cessent d'ouvrir la bouche qu'elles n'aient avalé toute la
paroisse, église, clochers, cloches et tout.
PÉRICLÈS.--Jolie morale!
TROISIÈME PÊCHEUR.--Mais, notre maître, si j'étais le sacristain, je
me tiendrais ce jour-là dans le beffroi.
SECOND PÊCHEUR.--Pourquoi, mon camarade?
TROISIÈME PÊCHEUR.--Parce qu'elles m'avaleraient aussi, et qu'une
fois dans leur ventre, je branlerais si fort les cloches qu'elle finirait par
tout rejeter, cloches, clochers, église et paroisse. Mais si le bon roi
Simonide était de
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