n'attendent que votre arrivée pour se présenter.
SIMONIDE.--Allez leur dire que nous sommes prêts, et que notre fille, en l'honneur de qui sont célébrées ces fêtes, est ici assise comme la fille de la beauté que la nature créa pour l'admiration des hommes.
(Un seigneur sort.)
THAISA.--Mon père, vous aimez à mettre ma louange au-dessus de mon mérite.
SIMONIDE.--Cela doit être; car les princes sont un modèle que les dieux font semblable à eux. Comme les bijoux perdent leur éclat si on les néglige, de même les princes perdent leur fleur si l'on cesse de leur rendre hommage. C'est maintenant un honneur qui vous regarde, ma fille, d'expliquer les vues de chaque chevalier dans sa devise.
THAISA.--C'est ce que je ferai pour conserver mon honneur.
(Entre un chevalier. Il passe sur le théatre, et son écuyer offre son écu à la princesse.)
SIMONIDE.--Quel est ce premier qui se présente?
THAISA.--Un chevalier de Sparte, mon illustre père. Et l'emblème qu'il porte sur son bouclier est un noir éthiopien qui regarde le soleil; la devise est: Lux tua vita mihi.
SIMONIDE.--Il vous aime bien celui qui tient la vie de vous. (Un second chevalier passe.) Quel est le second qui se présente?
THAISA.--Un prince de Macédoine, mon noble père! L'emblème de son bouclier est un chevalier armé, vaincu par une dame; la devise est en espagnol: Più per dul?ura que per fuer?a.
(Un troisième chevalier passe.)
SIMONIDE.--Et quel est le troisième?
THAISA.--Le troisième est d'Antioche; son emblème est une guirlande de chevalier, avec cette devise: Me pomp? provehit apex.
(Un quatrième chevalier passe.)
SIMONIDE.--Quel est le quatrième?
THAISA.--Il porte une torche br?lante renversée, avec ces mots: Quod me alit me extinguit.
SIMONIDE.--Ce qui veut dire que la beauté a le pouvoir d'enflammer et de faire périr.
(Un cinquième chevalier passe.)
THAISA.--Le cinquième a une main entourée de nuages, tenant de l'or éprouvé par une pierre de touche. La devise dit: Sic spectanda fides.
(Un sixième chevalier passe.)
SIMONIDE.--Et quel est le sixième et dernier, qui t'a présenté lui-même son bouclier avec tant de grace?
THAISA.--Il para?t étranger; mais son emblème est une branche flétrie qui n'est verte qu'à l'extrémité, avec cette devise: In hac spe vivo.
SIMONIDE.--Charmante devise! Dans l'état de dén?ment où il est, il espère que par vous sa fortune se relèvera.
PREMIER SEIGNEUR.--Il avait besoin de promettre plus qu'on ne doit attendre de son extérieur; car, à son armure rouillée, il semble avoir plus l'usage du fouet que de la lance.
SECOND SEIGNEUR.--Il peut bien être un étranger, car il vient à un noble tournoi avec un étrange appareil.
TROISIèME SEIGNEUR.--C'est à dessein qu'il a laissé jusqu'à ce jour son armure se rouiller, pour la blanchir dans la poussière.
SIMONIDE.--C'est une folle opinion qui nous fait juger l'homme par son extérieur. Mais en voilà assez: les chevaliers s'avancent; pla?ons-nous dans les galeries.
(Il sortent.--Acclamations; cris répétés de: Vive le pauvre chevalier!)
SCèNE III
Salle d'apparat.--Banquet préparé.
SIMONIDE entre avec THAISA, les SEIGNEURS, les CHEVALIERS et suite.
SIMONIDE.--Chevaliers! vous dire que vous êtes les bienvenus, ce serait superflu; exposer tout votre mérite aux yeux comme le titre d'un livre, ce serait impossible, car vos exploits rempliraient un volume, et la valeur se loue elle-même dans ses hauts faits. Apportez ici de la gaieté, car la gaieté convient à un festin. Vous êtes mes h?tes.
THAISA.--Mais vous, mon chevalier et mon h?te, je vous remets ce laurier de victoire, et vous couronne roi de ce jour de bonheur.
PéRICLèS.--Princesse, je dois plus à la fortune qu'à mon mérite.
SIMONIDE.--Dites comme vous voudrez; la journée est à vous, et j'espère qu'il n'est personne ici qui en soit envieux. En formant des artistes, l'art veut qu'il y en ait de bons, mais que d'autres les surpassent tous; vous êtes son élève favori. Venez, reine de la fête (car, ma fille, vous l'êtes): prenez votre place; et que le reste des convives soient placés, selon leur mérite, par le maréchal.
LES CHEVALIERS.--Le bon Simonide nous fait beaucoup d'honneur.
SIMONIDE.--Votre présence nous réjouit: nous aimons l'honneur, car celui qui hait l'honneur hait les dieux.
LE MARéCHAL.--Seigneur, voici votre place.
PéRICLèS.--Une autre me conviendrait mieux.
PREMIER CHEVALIER.--Cédez, seigneur; car nous ne savons ni dans nos coeurs, ni par nos regards envier les grands ni mépriser les petits.
PéRICLèS.--Vous êtes de courtois chevaliers.
SIMONIDE.--Asseyez-vous, asseyez-vous, seigneur, asseyez-vous.
PéRICLèS.--Par Jupiter, dieu des pensées, je m'étonne que je ne puisse pas manger un morceau sans penser à elle!
THAISA.--Par Junon, reine du mariage, tout ce que je mange est sans go?t; je ne désire que lui pour me nourrir. Certainement, c'est un brave chevalier!
SIMONIDE.--Ce n'est qu'un chevalier campagnard: il n'a pas plus fait que les autres; brisé une lance ou deux.--Oubliez cela.
THAISA.--Pour moi, c'est un diamant à c?té d'un morceau de cristal.
PéRICLèS.--Ce roi est pour moi comme le portrait de mon père, et me rappelle sa gloire. Si des princes s'étaient assis autour de son tr?ne comme des étoiles, il en e?t été respecté comme le soleil: nul ne le voyait sans soumettre sa couronne à la suprématie de son astre; tandis qu'aujourd'hui
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