sujet fut jadis chanté la veille des fêtes: des seigneurs et des dames le lisaient alors comme récréation: son but est de rendre le monde plus vertueux; et quo antiquius eo metius. Si vous, qui êtes nés dans ces temps modernes où l'esprit est plus cultivé, vous acceptiez mes vers, si le chant d'un vieillard pouvait vous donner quelque plaisir, je désirerais jouir encore de la vie pour la consumer pour vous, comme la flamme d'une torche.
La ville que vous voyez fut batie par Antiochus le Grand, pour être sa capitale; c'est la plus belle cité de la Syrie. (Je répète ce que dit mon auteur.) Ce monarque prit une épouse qui en mourant laissa une fille si aimable, si gracieuse, et si belle, qu'il semblait que le ciel l'e?t comblée de tous ses dons. Le père con?ut de l'amour pour elle, et la provoqua à l'inceste. Père coupable! engager son enfant à faire le mal, c'est ce que nul ne devrait faire. La longue habitude leur persuada que ce qu'ils avaient commencé n'était pas un péché. La beauté de cette fille criminelle fit accourir plusieurs princes pour la demander en mariage et jouir de ses charmes. Pour la garder et éloigner d'elle les autres hommes, le père déclara, par une loi, que celui qui la voudrait pour sa femme devinerait une énigme sous peine de la vie. Plusieurs prétendants moururent pour elle, comme l'attestent les têtes exposées à vos regards: ce qui suit va être soumis au jugement de vos yeux, et je leur demande de l'indulgence pour ce spectacle.
(Il sort.)
SCèNE I
Antioche.--Appartement du palais.
ANTIOCHUS entre avec PéRICLèS et sa suite.
ANTIOCHUS.--Jeune prince de Tyr, vous êtes instruit du danger de ce que vous osez entreprendre.
PéRICLèS.--Oui, Antiochus, et mon ame, enhardie par la gloire qui l'attend, compte pour rien la mort que je risque.
(Musique.)
ANTIOCHUS.--Amenez notre fille, parée comme une fiancée, et digne des embrassements de Jupiter lui-même. A sa naissance (où présida Lucine), la nature la combla de ses dons; et toutes les planètes s'assemblèrent pour réunir en elle leurs différentes perfections.
(Entre la fille d'Antiochus.)
PéRICLèS.--Voyez-la venir, parée comme le printemps. Les graces sont ses sujettes, et sa pensée, reine des vertus, dispense la gloire aux mortels. Son visage est le livre des louanges, où l'on ne lit que de rares plaisirs, comme si le chagrin en était expulsé pour toujours, et que la colère farouche ne p?t jamais être la compagne de sa douceur. O vous, dieux qui me créates homme et sujet de l'amour, vous qui avez allumé dans mon sein le désir de go?ter le fruit de cet arbre céleste ou de mourir dans l'aventure, soyez mes soutiens; fils et serviteur de vos volontés, que je puisse obtenir cette félicité infinie.
ANTIOCHUS.--Prince Périclès....
PéRICLèS.--Qui voudrais être fils du grand Antiochus.
ANTIOCHUS.--Devant toi est cette belle Hespéride avec ses fruits d'or qu'il est dangereux de toucher, car des dragons qui donnent la mort sont là pour t'effrayer. Son visage, comme le ciel, t'invite à contempler une gloire inestimable à laquelle le mérite seul peut prétendre, tandis que tout ton corps doit mourir par l'imprudence de ton oeil, si le mérite te manque. Ces princes jadis fameux, amenés ici comme toi par la renommée, et rendus hardis par le désir, avec leur langue muette et leurs pales visages qui n'ont d'autres linceuls que ce champ d'étoiles, t'avertissent qu'ils ont péri martyrs dans la guerre de Cupidon. Leurs joues mortes te dissuadent de te jeter dans le piège inévitable de la mort.
PéRICLèS.--Antiochus, je te remercie: tu as appris à ma nature mortelle à se conna?tre et tu prépares mon corps à ce qu'il sera un jour, par la vue de ces objets hideux. Car le souvenir de la mort devrait être comme un miroir qui nous fait voir que la vie n'est qu'un souffle: s'y fier est une erreur. Je ferai donc mon testament; et comme font ces malades qui connaissent le monde, voient le ciel, mais qui, sentant la douleur, ne tiennent plus comme autrefois aux plaisirs de ce monde. Je te lègue donc une heureuse paix à toi et à tous les hommes vertueux, comme devraient l'être tous les princes: je laisse mes richesses à la terre d'où elles sont sorties.--Et à vous (à la fille d'Antiochus) la pure flamme de mon amour.--Ainsi préparé au voyage de la vie ou de la mort, j'attends le coup fatal, Antiochus, et je méprise tous tes avis.
ANTIOCHUS.--Lis donc cette énigme: si tu ne l'expliques pas, la loi veut que tu périsses comme ceux qui sont devant toi.
LA FILLE D'ANTIOCHUS.--En tout, sauf en cela, puisses-tu être heureux! En tout, sauf en cela, je te souhaite du bonheur.
PéRICLèS.--Comme un vaillant champion, j'entre dans la lice, et je ne demande conseil qu'à ma fidélité et à mon courage.
(Il lit l'énigme.)
Je ne suis pas une vipère, et cependant je me
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