Oeuvres poétiques Tome I | Page 5

Christine de Pisan
obe?r a autrui et complaire,?Cent balades d'amoureux sentement.?]
Trés excellent, de grant haultesse?Couronnée, poissant princesse,?Trés noble ro?ne de France,?Le corps enclin vers vous m'adresce 4?En saluant par grant humblece;?Pry Dieu qu'il vous tiengne en souffrance?Lonc temps vive, et après l'oultrance?De la mort vous doint la richece 8?De Paradis, qui point ne cesse,?Et au monde sanz decevrance?Paix, joye et toute recouvrance?De quanqu'il affiert a leece. 12
Haulte dame, en qui sont tous biens,?Et ma trés souvraine, je viens?Vers vous, comme vo creature,?Pour ce livre cy que je tiens 16?Vous presenter, ou il n'a riens,?En histoire n'en escripture,?Que n'aye en ma pensée pure?Pris ou stile que je detiens 20?Du seul sentement que retiens?Des dons de Dieu et de nature,?Quoy que mainte aultre creature?En ait plus en fait et maintiens. 24
Et sont ou volume compris?Plusieurs livres es quieulx j'ay pris?A parler en maintes manieres?Differens, et pour ce l'empris 28?Que on en devient plus appris?D'o?r de diverses matieres,?Unes pesans, aultres legieres,?A qui se delitte ou pourpris 32?Des livres, qui maint ont en pris?Fait monter et prendre manieres?Belles; si doit on avoir chieres?Escriptures, non en despris. 36
Car, si que les sages tesmoignent?En leurs escrips, les gens qui songnent?De lire en livres voulentiers,?Ne peut qu'aucunement n'eslongnent 40?Ygnorence, que ceulx ressongnent?Qui de sens suivent les sentiers,?Si en valent mieulx ceulx le tiers,?Voire plus qui s'en embesongnent 44?Et qui la peine ne ressongnent?D'apprendre, il n'est si beaulx mestiers?Ne qui face gens si entiers,?Quoy que les folz, peut estre, en grongnent. 48
Si l'ay fait, ma dame, ordener?Depuis que je sceus qu'assener?Le devoye a vous, si qu'ay sceu?Tout au mieulx et le parfiner 52?D'escripre et bien enluminer,?Dès que vo command en receu,?Selons qu'en mon cuer j'ay conceu?Qu'il faloit des choses finer 56?Pour bien richement l'affiner?A fin que fust apperceü?Que je mets pouoir, force et sceu,?Pour vo bon vueil enteriner. 60
Dont vous plaise, trés haulte et digne,?Le prendre en gré, tout soye indigne?Que mon euvre estre presentée?Vous doye, mais vostre benigne 64?Condicion qui ne decline?D'umilité, trés redoubtée?Dame, tout soiez hault montée,?Ne vous seuffre en fait ne en signe 68?Que ne soyez, comme ro?ne?Doit estre, humaine et arrestée;?Et pour ce ne me suis doubtée?Que vous l'ayés a ce termine. 72
De mon labour et lonc travail?Du livre que mes en vo bail,?Qui contient grant euvre et penible,?Combien que peut estre g'y fail 76?En maint lieux parce que je vail?Trop pou en sens, bien est possible,?Ne vueillez pas, dame sensible,?Pour tant prendre garde au deffail, 80?Mais a ce que je me travail?Voulentiers de ce que possible?M'est a faire en chose loisible,?Qu'a haulte gent voulentiers bail. 84
Si suppli en conclusion,?Haulte dame d'atraction?D'empereurs de digne memoire,?Qu'en benigne devocion 88?Vous plaise mon entencion?Prendre en gré, qui loyale et voire?Est et sera, et si notoire?Ceste mienne posicion 92?Vous soit qu'a tousjours mencion?Soit de moy en vostre memoire,?Si que vostre grace m'avoire?Qu'ayés a moy affection. 96
Le ms. du Musée Britannique contient les mêmes formes de langue que nous rencontrons dans le ms. de la Bibl. Nat. Comme ce dernier il renferme 50 ballades ?de divers propos?, tandis que 29 seulement se trouvent dans les autres mss.; de plus il n'apporte pour ainsi dire pas de variantes au texte du ms. que nous avons reconstitué plus haut et para?t avoir été confectionné sur le même plan ou d'après les mêmes documents, mais à une époque un peu postérieure. Il contient en effet des oeuvres qui ne se trouvent pas dans le ms. du duc de Berry, à c?té duquel nous le jugeons cependant digne à tous égards de prendre place.
Toutefois, malgré les avantages que peut offrir le ms. du Musée britannique, nous n'avons pas eu d'hésitation pour adopter dans cette édition le texte du ms. du duc de Berry et lui donner la préférence pour toutes les poésies qu'il renferme. Il est facile du reste d'invoquer en sa faveur les meilleures considérations, tirées non seulement de son origine bien établie, mais surtout de l'excellence de son texte. Enfin une dernière raison, et elle a bien son importance, il est de tous les mss. que nous ayons retrouvés, celui qui se rapproche le plus de la date de composition des différentes pièces dont il donne le texte[9].
[Note 9: La confection du ms. du Musée britannique ne peut en aucune fa?on être considérée comme antérieure à celle du ms. du duc de Berry. Ces recueils contiennent tous deux les Ep?tres sur le Roman de la Rose renfermant une pièce datée de la fin de l'année 1407, or nous avons vu que notre ms., figurant à l'inventaire de 1413, a d? être composé entre cette dernière date et 1408, on pourrait tout au plus admettre que les deux mss. sont absolument contemporains, mais comme le ms. de Londres se trouve complété de diverses poésies nouvelles, il est logique d'en inférer qu'il est plus jeune de quelques années que son frère de la Bibl. Nat. (Voy.
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