ténor effaré?Lan?ant dans l'air bruni son cri désespéré,?Son cri qui se lamente, et se prolonge, et crie,?éclate en quelque coin l'orgue de Barbarie:?Il brame un de ces airs, romances ou polkas,?Qu'enfants nous tapotions sur nos harmonicas?Et qui font, lents ou vifs, réjouissants ou tristes,?Vibrer l'ame aux proscrits, aux femmes, aux artistes.?C'est écorché, c'est faux, c'est horrible, c'est dur,?Et donnerait la fièvre à Rossini, pour s?r;?Ces rires sont tra?nés, ces plaintes sont hachées;?Sur une clef de sol impossible juchées,?Les notes ont un rhume et les do_ sont des _la,?Mais qu'importe! l'on pleure en entendant cela!?Mais l'esprit, transporté dans le pays des rêves,?Sent à ces vieux accords couler en lui des sèves;?La pitié monte au coeur et les larmes aux yeux,?Et l'on voudrait pouvoir go?ter la paix des cieux,?Et dans une harmonie étrange et fantastique?Qui tient de la musique et tient de la plastique,?L'ame, les inondant de lumière et de chant,?Mêle les sons de l'orgue aux rayons du couchant!
--Et puis l'orgue s'éloigne, et puis c'est le silence,?Et la nuit terne arrive et Vénus se balance?Sur une molle nue au fond des cieux obscurs:?On allume les becs de gaz le long des murs.?Et l'astre et les flambeaux font des zigzags fantasques?Dans le fleuve plus noir que le velours des masques;?Et le contemplateur sur le haut garde-fou?Par l'air et par les ans rouillé comme un vieux sou?Se penche, en proie aux vents néfastes de l'ab?me.?Pensée, espoir serein, ambition sublime,?Tout, jusqu'au souvenir, tout s'envole, tout fuit,?Et l'on est seul avec Paris, l'Onde et la Nuit!
--Sinistre trinité! De l'ombre dures portes!?Mané-Thécel-Pharès des illusions mortes!?Vous êtes toutes trois, ? Goules de malheur,?Si terribles, que l'Homme, ivre de la douleur?Que lui font en per?ant sa chair vos doigts de spectre,?L'Homme, espèce d'Oreste à qui manque une électre,?Sous la fatalité de votre regard creux?Ne peut rien et va droit au précipice affreux;?Et vous êtes aussi toutes trois si jalouses?De tuer et d'offrir au grand Ver des épouses?Qu'on ne sait que choisir entre vos trois horreurs,?Et si l'on craindrait moins périr par les terreurs?Des Ténèbres que sous l'Eau sourde, l'Eau profonde,?Ou dans tes bras fardés, Paris, reine du monde!
--Et tu coules toujours, Seine, et, tout en rampant,?Tu tra?nes dans Paris ton cours de vieux serpent,?De vieux serpent boueux, emportant vers tes havres?Tes cargaisons de bois, de houille et de cadavres!
MARCO[1]
[Note 1: L'auteur prévient que le rythme et le dessin de cette ritournelle sont empruntés à un poème faisant partie du recueil de M. J.-T. de Saint-Germain: _les Roses de No?l_ (Mignon). Il a cru intéressant d'exploiter au profit d'un tout autre ordre d'idées une forme lyrique un peu na?ve peut-être, mais assez harmonieuse toutefois dans sa maladresse même, et qui n'a point trop mal réussi, ce semble, à son inventeur, poète aimable.]
Quand Marco passait, tous les jeunes hommes?Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes?Où les feux d'Amour br?laient sans pitié?Ta pauvre cahute, ? froide Amitié;?Tout autour dansaient des parfums mystiques?Où l'ame, en pleurant, s'anéantissait.?Sur ses cheveux roux un charme glissait;?Sa robe rendait d'étranges musiques
Quand Marco passait.
Quand Marco chantait, ses mains, sur l'ivoire,?évoquaient souvent la profondeur noire?Des airs primitifs que nul n'a redits,?Et sa voix montait dans les paradis?De la symphonie immense des rêves,?Et l'enthousiasme alors transportait?Vers des cieux connus quiconque écoutait?Ce timbre d'argent qui vibrait sans trèves,
Quand Marco chantait.
Quand Marco pleurait, ses terribles larmes?Défiaient l'éclat des plus belles armes;?Ses lèvres de sang fon?aient leur carmin?Et son désespoir n'avait rien d'humain;?Pareil au foyer que l'huile exaspère,?Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait?Dit d'une lionne à l'apre forêt?Communiquant sa terrible colère,
Quand Marco pleurait.
Quand Marco dansait, sa jupe moirée?Allait et venait comme une marée,?Et, tel qu'un bambou flexible, son flanc?Se tordait, faisant saillir son sein blanc;?Un éclair partait. Sa jambe de marbre,?Emphatiquement cynique, haussait?Ses mates splendeurs, et cela faisait?Le bruit du vent de la nuit dans un arbre,
Quand Marco dansait.
Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre?Et de chair mêlés opprimaient la chambre!?Sous les draps la ligne exquise du dos?Ondulait, et dans l'ombre des rideaux?L'haleine montait, rhythmique et légère;?Un sommeil heureux et calme fermait?Ses yeux, et ce doux mystère charmait?Les vagues objets parmi l'étagère,
Quand Marco dormait.
Mais quand elle aimait, des flots de luxure?Débordaient, ainsi que d'une blessure?Sort un sang vermeil qui fume et qui bout,?De ce corps cruel que son crime absout:?Le torrent rompait les digues de l'ame,?Noyait la pensée, et bouleversait?Tout sur son passage, et rebondissait?Souple et dévorant comme de la flamme,
Et puis se gla?ait.
CESAR BORGIA
PORTRAIT EN PIED
Sur fond sombre noyant un riche vestibule?Où le buste d'Horace et celui de Tibulle?Lointain et de profil rêvent en marbre blanc,?La main gauche au poignard et la main droite au flanc,?Tandis qu'un rire doux redresse la moustache,?Le duc CéSAR, un grand costume, se détache.?Les yeux noirs, les cheveux noirs et le velours noir?Vont contrastant, parmi l'or somptueux d'un soir,?Avec la paleur mate et belle du visage?Vu de trois quarts et très ombré, suivant l'usage?Des Espagnols
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