la nature des
agrégats minéralogiques les plus complexes et les plus variés. Ce coup
d'oeil qui savait embrasser de si vastes horizons, pénètre ici
profondément tous les détails lithologiques. Avec quelle sûreté et
quelle exactitude la structure et la composition des roches ne sont-elles
pas déterminées, l'origine de ces masses minérales déduite et confirmée
par l'étude comparée des manifestations volcaniques d'autres régions;
avec quelle science les relations entre les faits qu'il découvre et ceux
signalés ailleurs par ses devanciers ne sont-elles pas établies, et comme
voici ébranlées les hypothèses régnantes, admises sans preuves, celles,
par exemple, des cratères de soulèvement et de la différenciation
radicale des phénomènes plutoniques et volcaniques! Ce qui achève de
donner à ce livre un incomparable mérite, ce sont les idées nouvelles
qui s'y trouvent en germe et jetées là comme au hasard ainsi qu'un
superflu d'abondance intellectuelle inépuisable.
Et l'impression que j'exprime ici est celle qu'éprouvent tous ceux qui se
sont familiarisés avec les études de Darwin sur les phénomènes
volcaniques. On s'en convaincra dans les pages qui suivent et par
lesquelles M. J. W. Judd a fait précéder l'oeuvre géologique du grand
naturaliste éditée dans _The Minerva Library of famous Books_[5].
Parmi les géologues actuels, personne peut-être n'a mieux connu
Darwin et n'est plus à même de se prononcer sur ses travaux que M.
Judd: ses recherches sur le volcanisme dans ses manifestations à
l'époque présente et aux périodes anciennes de l'histoire du globe sont
si hautement appréciées qu'elles le désignaient pour la mission que lui
ont confiée les éditeurs de cette publication. Je tiens à les remercier ici,
ainsi que mon savant ami M. Judd de l'autorisation qu'ils m'ont si
obligeamment accordée de placer cette Introduction en tête du volume
que je publie aujourd'hui. Elle m'a paru présenter un intérêt très vif en
rappelant, comme elle le fait, les circonstances dans lesquelles fut écrit
ce livre.
Je me suis efforcé de conserver religieusement à cette traduction la
simplicité de l'original et j'ai mis tous mes soins à rendre la pensée de
l'Auteur avec une scrupuleuse exactitude. J'ai maintenu les
dénominations lithologiques qu'il avait adoptées, considérant qu'il
s'agissait en cela d'un aspect historique à conserver.
En publiant cette traduction, mon but n'a pas été seulement de rappeler
la haute valeur et la portée de l'oeuvre géologique de Darwin, de
compléter ainsi pour les lecteurs français la collection des oeuvres de
l'immortel naturaliste: j'ai voulu aussi, par mon modeste travail, rendre
hommage à ce libérateur de la pensée qu'est Darwin, à ce paisible
chercheur qui marcha simplement vers la vérité malgré les cris et les
clameurs dont on essaya d'étouffer sa voix, à ce caractère vraiment
élevé qui n'eut jamais en réponse aux insultes ineptes et haineuses que
des paroles sereines. Mais la vérité marcha cette fois d'un pas rapide, et,
durant les dernières années de sa noble et laborieuse existence, il put
voir le triomphe de l'évolution, et assister à ce mouvement
émancipateur des sciences naturelles qu'avaient provoqué ses doctrines.
Darwin a tracé la route qui menait vers des horizons nouveaux: le
monde intellectuel tout entier s'y est engagé et ceux-là même qui le
déclaraient jadis un esprit faux et superficiel, qui criaient bien haut que
ses théories étaient radicalement inconciliables avec les dogmes et la
morale, se sentant vaincus par l'universalité de la poussée
évolutionniste, en sont réduits à une honteuse capitulation. Pour ceux-
là, la marche triomphale du Darwinisme est une nouvelle et terrible
défaite.
J'estime qu'il est bon de rappeler aux consciences ces héros de la vérité
qui n'eurent d'autres armes que leur intelligence libérée des préjugés,
leur raison éclairée, leur travail opiniâtre et calme et qui surent remplir
au prix d'amertumes sans nombre la si difficile tâche d'avoir fait
accomplir à la pensée humaine un pas en avant. Entre eux, Darwin est
des premiers.
A.-F. RENARD.
Notes:
[1] La mise en oeuvre des observations et des matériaux géologiques
amassés par Darwin pendant l'Expédition du Beagle (décembre 1831 à
octobre 1836) s'étend sur une période de quatre ans, de 1842 à 1846.
Son livre sur les îles volcaniques, commencé en été 1842, fut terminé
en janvier 1844; six mois après, il mettait sur le métier ses observations
sur la géologie de l'Amérique du Sud, qu'il achevait d'écrire en avril
1845. Durant la période qui s'étend de 1846 à 1854, il fit paraître une
série de travaux secondaires se rattachant à la géologie et qui portent
_sur les poussières tombées sur les navires dans l'Océan Atlantique_
(Geol. Soc. Journ. II, 1846, pp. 26-30), _sur la géologie des îles
Falkland_ (Geol. Soc. Journ. II, 1846, pp. 267-274), sur le transport
des blocs erratiques, etc. (Geol. Soc. Journ. IV, 1848, pp. 315-323), sur
_l'analogie de structure de certaines roches volcaniques avec celles des
glaciers_ (Edinb. Roy. Soc. Proc. II, 1851, pp. 17-18). Les deux
volumes de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.