Nouvelles lettres dun voyageur | Page 3

George Sand
heure?
L'abandon de ces oiseaux ��trangers, objets de luxe dans la demeure princi��re, ��tait, du reste, tr��s en harmonie avec celui qui se faisait sentir dans le parc. La m��me malpropret�� que dans les rues de Rome, les m��mes souillures sur les fleurs que sur les pav��s de la ville ��ternelle. Cela sent le d��go?t de la vie. Je crois qu'un spleen profond d��vore ici les grandes existences. Je ne sais si elles se l'avouent, mais cela est ��crit sur les pierres de leurs maisons �� formes coquettes et sur les riantes perspectives de leurs all��es abandonn��es. Est-ce la saison encore pluvieuse et incertaine qui fait ce d��sert dans des lieux si beaux? est-ce la d��votion ou l'ennui, ou la tristesse qui retiennent �� Rome ces h?tes ingrats envers le printemps? On dit que toutes les villas sont d��laiss��es ou n��glig��es et que celle-ci est encore une des mieux entretenues. J'ai peine �� le croire.
En quittant le parc pour voir les jardins, je fus frapp�� pourtant de l'activit�� d��ploy��e par un vieux jardinier pour la r��paration d'un singulier objet de go?t horticole. Je n'ai jamais vu rien de semblable. On me dit que c'est usit�� dans plusieurs villas et que cela date de la renaissance. J'aurai de la peine �� vous expliquer ce que c'est. Figurez-vous un tapis �� dessins gigantesques et �� couleurs voyantes, ��tendu sur une terrasse qui tient tout le flanc d'une colline sous les fen��tres du palais. Les dessins sont jolis: ce sont des armoiries de famille, entour��es de guirlandes, de noeuds entrelac��s, de palmes, de chiffres, de couronnes, de croix et de bouquets. L'ensemble en est riche et les couleurs en sont vives. Mais qu'est-ce que cette mosa?que colossale, ou ce tapis fantastique ��tal��, en plein air, sur une si vaste esplanade? Il faut en approcher pour le comprendre. C'est un parterre de plantes basses, entrecoup�� de petits sentiers de marbre, de fa?ence, d'ardoise ou de brique, le tout cass�� en menus morceaux et sem�� comme des drag��es sur un surtout de table du temps de Louis XV; mais on ne marche pas dans ces sentiers, je pense, car ils sont trop durement caillout��s pour des pieds aristocratiques et trop ��troits pour des personnes d'importance. Cela ne sert uniquement qu'�� r��jouir la vue et absorbe toute la vie d'un jardinier ��m��rite. Les compartiments de chaque ��cusson ou rosace sont en fleurs faisant touffe basse et drue. Les plantes de la campagne y sont admises, pourvu qu'elles donnent le ton dont on a besoin. Une petite bordure de buis nain ou de myrte, taill��e bien court, serpente autour de chaque d��tail: c'est d'un effet bizarre et minutieux; c'est un ouvrage de patience, et toute la sym��trie, toute la recherche, toute la propret�� dont les Romains de nos jours sont susceptibles, paraissent s'��tre r��fugi��es et concentr��es dans l'entretien de cette ornementation v��g��tale et gymnoplastique.

II
LES CHANSONS DES BOIS
ET DES RUES
A VICTOR HUGO
Dans une de ses chansons, le po?te dit:
George Sand a la Gargilesse Comme Horace avait l'Anio.
O po��sie! Horace avait beaucoup de choses, et George Sand n'a rien, pas m��me l'eau courante et rieuse de la Gargilesse, c'est-��-dire le don de la chanter dignement; car ces choses qui appartiennent �� Dieu, les flots limpides, les for��ts sombres, les fleurs, les ��toiles, tout le beau domaine de la po��sie, sont conc��d��es par la loi divine a qui sait les voir et les aimer. C'est comme cela que le po?te est riche. Mais, moi, je suis devenu pauvre, et je n'ai plus �� moi qu'une chose inf��conde, le chagrin, champ aride, domaine du silence. J'ai perdu en un an trois ��tres qui remplissaient ma vie d'esp��rance et de force. L'esp��rance, c'��tait un petit enfant qui me repr��sentait l'avenir; la force, c'��taient deux amiti��s, soeurs l'une de l'autre, qui, en se d��vouant �� moi, ravivaient en moi la croyance au d��vouement utile.
Il me reste beaucoup pourtant: des enfants ador��s, des amis parfaits. Mais, quand la mort vient de frapper autour de nous ce qui devait si naturellement et si l��gitimement nous survivre, on se sent pris d'effroi et comme d��nu�� de tout bonheur, parce qu'on tremble pour ce qui est rest�� debout, parce que le n��ant de la vie vous appara?t terrible, parce qu'on en vient �� se dire: ?Pourquoi aimer, s'il faut se quitter tout �� l'heure? Qu'est-ce que le d��vouement, la tendresse, les soins, s'ils ne peuvent retenir pr��s de nous ceux que nous ch��rissons? Pourquoi lutter contre cette implacable loi qui brise toute association et ruine toute f��licit��? A quoi bon vivre, puisque les vrais biens de la vie, les joies du coeur et de la pens��e, sont aussi fragiles que la propri��t�� des choses mat��rielles??
O ma?tre po?te! comme je me sentais, comme je me croyais encore riche, quand, il y a un an et demi, je vous lisais
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 77
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.