Nouvelles lettres d'un voyageur
Project Gutenberg's Nouvelles lettres d'un voyageur, by George Sand
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Title: Nouvelles lettres d'un voyageur
Author: George Sand
Release Date: August 17, 2004 [EBook #13198]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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NOUVELLES LETTRES D'UN VOYAGEUR ***
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NOUVELLES LETTRES
D'UN
VOYAGEUR
PAR
GEORGE SAND
1877
I
LA VILLA PAMPHILI
A***
Rome, 25 mars 185...
La villa Pamphili n'a pas été abîmée dans les derniers événements,
comme on l'a dit. Ni Garibaldi, ni les Français n'y ont laissé de traces
de dévastation sérieuse. Ses pins gigantesques sont, en grande partie,
encore debout. Elle est bien plus menacée de périr par l'abandon que
par la guerre, car elle porte l'empreinte de cette indifférence et de ce
dégoût qui sont, à ce que l'on me dit, le cachet général de toutes les
habitations princières de la ville et des environs.
C'est un bel endroit, une vue magnifique sur Rome, l'Agro-Romano et
la mer. De petites collines un peu plantées, chose rare ici, font un
premier plan agréable. Le palais est encore de ceux qui résolvent le
problème d'être très-vastes à l'intérieur et très-petits d'aspect extérieur.
En général, tout me paraît trop petit ou trop grand, depuis que je suis à
Rome. Quant à la végétation, cela est certain, les arbres de nos climats
y sont pauvres, et les essences intermédiaires n'y atteignent pas la santé
et l'ampleur qu'elles ont dans nos campagnes et dans nos jardins.
En revanche, les plantes indigènes sont d'une taille démesurée, et le
même contraste pénible que l'on remarque dans les édifices se fait
sentir dans la nature. On dirait que cette dernière est aristocrate comme
la société et qu'elle ne veut pas souffrir de milieu entre les géants et les
pygmées, sur cette terre de la papauté. Ces ruines de la ville des
empereurs au milieu des petites bâtisses de la ville moderne, et ces
énormes pins d'Italie au milieu des humbles bosquets et des courts
buissons de la villégiature, me font l'effet de magnifiques cardinaux
entourés de misérables capucins. Et puis, quels que soient les
repoussoirs, il y a un manque constant de proportion entre eux et l'arène
désolée qu'ils dominent. Cette campagne de Rome, vue de haut et
terminée par une autre immensité, la mer, est effrayante d'étendue et de
nudité. Rome elle-même, toute vaste qu'elle est, s'y perd. Ses lignes,
tant vantées par les artistes italianomanes, sont courtes et crues, crues
surtout; et ce soleil, que l'on me disait devoir tout enchanter, un beau et
chaud soleil, en effet! accuse plus durement encore ces contours déjà si
secs. Je comprends maintenant les ingristes, que je trouvais un peu trop
livrés à la convention, au style, comme ils disent. Je vois qu'ils ont, au
contraire, trop de conscience et d'exactitude, et que la réalité prend ici
cette physionomie de froide âpreté qui me gênait chez eux. Il faudrait
adoucir ce caractère au lieu de le faire prédominer, car ce n'est pas là sa
beauté, c'est son défaut.
Le séjour de Rome doit nécessairement entraîner à cette manière de
traduire la nature. L'oeil s'y fait, l'âme s'en éprend. C'est pour cela,
indépendamment de son grand savoir, que M. Ingres a eu une école
homogène. Mais, si on ne se défend pas de cette impression, on risque
de tomber dans les tons froids ou criards, dans les modelés insuffisants,
dans les contours incrustés au mur, de la fresque primitive.
«Eh bien, et les fresques de Raphaël, et celles de Michel-Ange, les
avez-vous vues? pourquoi n'en parlez-vous pas?»
Je vous entends d'ici. Permettez-moi de ne pas vous répondre encore.
Nous sommes à la villa Pamphili, dans la région des fleurs. Oh! ici, les
fleurs se plaisent; ici, elles jonchent littéralement le sol, aussitôt qu'un
peu de culture remue cette terre excellente abandonnée de l'homme.
Dans les champs, autour des bassins, sur les revers des fossés, partout
où elles peuvent trouver un peu de nourriture assainie par la pioche, les
fleurs sauvages s'en donnent à coeur-joie et prennent des ébats
ravissants. A la villa Pamphili, une vaste prairie est diaprée d'anémones
de toutes couleurs. Je ne sais quelle tradition attribue ce semis
d'anémones à la Béatrix Cenci. Je ne vous oblige pas d'y croire. Dans
nos pays de la Gaule, les traditions ont de la valeur. Nos paysans ne
sont pas gascons, même en Gascogne. Ils répètent naïvement,
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