déconfit, que le roi vit de suite qu'on s'était joué de lui. Il envoya chercher le petit homme gris, qui se présenta avec la sérénité d'un grand coeur.
--C'est toi qui m'as volé mon taureau, dit le roi.
--Majesté, répondit le petit homme, je ne l'ai fait que pour vous obéir.
--Fort bien, dit le roi; voici dix écus d'or pour le rachat de mon taureau; mais, si dans deux jours tu n'as pas volé les draps de mon lit tandis que j'y couche, tu seras pendu.
[Illustration: Voilà le pendu de là-bas qui se trouve ici!]
--Majesté, dit le petit homme, ne me demandez pas une pareille chose. Vous êtes trop bien gardé pour qu'un pauvre homme tel que moi puisse seulement approcher du chateau.
--Si tu ne le fais pas, dit le roi, j'aurai le plaisir de te voir pendu.
Le soir venu, le petit homme gris, qui était rentré dans la chaumière, prit une longue corde et un panier. Dans ce panier garni de mousse, il pla?a avec toute sa nichée une chatte qui venait d'avoir ses petits; puis, marchant au milieu de la plus sombre des nuits, il se glissa dans le chateau et monta sur le toit sans que personne l'aper??t.
Entrer dans un grenier, scier proprement le plancher, et, par cette lucarne, descendre dans la chambre du roi, fut pour notre habile homme l'affaire de peu de temps. Une fois là, il ouvrit délicatement la couche royale et y pla?a la chatte et ses petits; puis, il borda le lit avec soin, et, s'accrochant à la corde, il s'assit sur le baldaquin. C'est de ce poste élevé qu'il attendit les événements.
Onze heures sonnaient à l'horloge du palais, quand le roi et la reine entrèrent dans leur appartement. Une fois déshabillés, tous deux se mirent à genoux et firent leur prière, puis le roi éteignit la lampe, la reine entra dans le lit.
Tout d'un coup elle poussa un cri et se jeta au milieu de la chambre.
--êtes-vous folle? dit le roi. Allez-vous donner l'alarme au chateau?
--Mon ami, dit la reine, n'entrez pas dans ce lit; j'ai senti une chaleur br?lante, et mon pied a touché quelque chose de velu.
--Pourquoi ne pas dire de suite que le diable est dans mon lit? reprit le roi en riant de pitié. Toutes les femmes ont un coeur de lièvre et une tête de linotte.
Sur quoi, en véritable héros, il s'enfon?a bravement sous la couverture et sauta aussit?t en hurlant comme un damné, tra?nant après lui la chatte qui lui avait enfoncé ses quatre griffes dans le mollet.
Aux cris du roi, la sentinelle s'approcha de la porte et frappa trois coups de sa hallebarde, comme pour demander si on avait besoin de secours.
--Silence! dit le prince honteux de sa faiblesse, et qui ne voulait pas se laisser prendre en flagrant délit de peur.
Il battit le briquet, ralluma la lampe et vit au milieu du lit la chatte, qui s'était remise à sa place et qui léchait tendrement ses petits.
--C'est trop fort! s'écria-t-il; sans respect pour notre couronne, cet insolent animal se permet de choisir notre couche royale pour y déposer ses ordures et ses chats! Attends, dr?lesse, je vais te traiter comme tu le mérites!
--Elle va vous mordre, dit la reine; elle peut être enragée.
--Ne craignez rien, chère amie, dit le bon prince; et, relevant les coins du drap de dessous, il enveloppa toute la nichée, puis il roula ce paquet dans la couverture et le drap de dessus, en fit une boule énorme, et la jeta par la fenêtre.
--Maintenant, dit-il à la reine, passons dans votre chambre, et, puisque nous voilà vengés, dormons en paix.
Dors, ? roi! et que des songes heureux bercent ton sommeil; mais, tandis que tu reposes, un homme grimpe sur le toit, y attache une corde et se laisse glisser jusque dans la cour. Il cherche à tatons un objet invisible, il le charge sur son dos, le voilà qui franchit le mur et qui court dans la neige. Si l'on en croit les sentinelles, un fant?me a passé devant elles, et elles ont entendu les gémissements d'un enfant nouveau-né.
Le lendemain, quand le roi s'éveilla, il rassembla ses idées et se mit à réfléchir pour la première fois. Il soup?onna qu'il avait été victime de quelque tricherie et que l'auteur du crime pourrait bien être le petit homme gris. Il l'envoya chercher aussit?t.
Le petit homme arriva, portant sur l'épaule les draps fra?chement repassés; il mit un genou à terre devant la reine, et lui dit d'un ton respectueux:
--Votre Majesté sait que tout ce que j'ai fait n'a été que pour obéir au roi; j'espère qu'elle sera assez bonne pour me pardonner.
--Soit, dit la reine, mais n'y revenez plus. J'en mourrais de frayeur.
--Et, moi, je ne pardonne pas, dit le roi, fort vexé que la reine se perm?t d'être clémente sans consulter son
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.