est-elle?"
A ce cri la louve bondit et vint poser son museau noir et pointu sur le bord de la couverture en regardant son ex- nourrissonne avec ses bons yeux d��animal fid��le.
"�� Paix, Nounou! laisse-la en repos. Tu vois bien, petite, ajouta Manon en s��adressant �� la malade, tu vois bien qu��elle n��est pas loin, ta Nounou.
"Quand on pense, ajouta-t-elle comme se parlant �� elle-m��me, quand on pense que tous les petits ont un p��re, une m��re ou un parent pour les dorloter ou les soigner, et que ce pauvre oiseau du bon Dieu n��a qu��une louve pour la prot��ger! Car je ne compte pas Rose, la pauvre idiote du village que Favier prend �� la journ��e pour donner les soins essentiels �� l��enfant et faire le gros du m��nage. Ca fait peine, oui ?a fait peine, et si ce n����tait que tout ce qui vient de l��-haut est bien fait, on se demanderait ce que celle-ci est venue faire dans la vie."
Pendant ce soliloque de la vieille femme, la fillette la regardait curieusement; en fait d����tres humains elle n��avait jamais vu que Favier et Rose l��idiote, car nulle autre cr��ature qu��eux, la Moucheronne et la louve, ne franchissait le seuil du pauvre logis cach�� dans la for��t, et la Moucheronne ne s��en ��loignait jamais; Favier avec ses rapines et Nounou avec sa chasse approvisionnaient seuls le garde- manger; Rose apportait le pain du village et pr��parait grossi��rement les repas. Depuis qu��elle se sentait vivre, la fillette ne connaissait d��autres figures que la face bestiale du colosse, celle aussi m��chante et plus bestiale encore de Rose, et le museau intelligent de la louve.
Quant �� la sienne propre, elle l��avait �� peine entrevue, fuyante, insaisissable, dans le cristal du ruisseau, lorsqu��une absence plus longue de Favier ou un de ses sommeils d��ivresse permettait �� la pauvrette de jouer un instant sous bois.
Aussi sa surprise fut-elle grande en apercevant une femme tr��s vieille, cass��e, au menton branlant, �� laquelle elle trouva une vague ressemblance avec Nounou; et encore Nounou ne parlait pas, elle, mais la Moucheronne la comprenait, tandis que la femme parlait le m��me langage que ce m��chant Favier et que Rose l��idiote.
"�� Ecoute, lui dit Manon en caressant de ses mains rid��es les petites mains brunes de l��enfant, c��est Favier qui t��a fait du mal, n��est-ce pas?
"�� Favier?
"�� Oui, l��homme chez qui tu vis.
"�� C��est lui, r��pondit la fillette avec une sorte de r��signation farouche; il m��en fait toujours, du mal.
"�� Toujours?
"�� Oui, chaque jour il me frappe, except�� une fois, parce qu��il n����tait pas rentr��.
"�� Et tu supportes cela?"
L��enfant la regarda, si ��tonn��e, que Manon vit qu��elle ne comprenait pas sa question. En effet, comment un pauvre ��tre ch��tif et mis��rable comme cette enfant de sept ans, pouvait-il r��sister �� une brute sauvage comme Favier?
"�� Pourquoi restes-tu chez lui? reprit la vieille femme.
"�� Il le faut bien puisque je lui appartiens, r��pondit la Moucheronne, toujours avec cette passivit�� fatale de l��impuissance.
"�� Il ne t��a pas dit qu��il ��tait ton p��re, au moins? s����cria Manon.
"�� Un p��re, qu��est-ce que c��est?
"�� Un p��re est, comme la m��re, un d��fenseur que donne la nature ou plut?t Dieu qui vous cr��e; c��est celui qui, apr��s ce Cr��ateur, vous donne la vie, le bien-��tre, vous prot��ge, vous nourrit, vous aime.
"�� Le p��re, la m��re? fit l��enfant songeuse, c��est tout cela? Alors c��est Nounou."
Et sa petite main maigre toucha instinctivement la grosse t��te de la louve.
"�� C��est plus que Nounou encore, reprit Manon, parce que Nounou n��est qu��une b��te et que le p��re est un homme, la m��re une femme, un ��tre comme toi, non seulement fait de chair et d��os mais poss��dant encore un ame, une intelligence et la parole."
La petite fille roula sa t��te brune avec fatigue sur l��oreiller.
"�� Je ne vous comprends pas, dit-elle lass��e, je ne connais au monde que Nounou qui soit pour moi ce que vous dites. Mais, reprit-elle aussit?t, qui donc m��a amen��e ici? J��ai eu si mal que je ne me souviens plus.
"�� C��est ton amie la louve.
"�� Et o�� suis-je?
"�� Toujours dans la for��t mais loin de chez toi.
"�� Loin de chez le ma?tre, voulez-vous dire. Ah! que va-t-il faire lorsqu��il rentrera et que le feu ne sera pas allum�� et la soupe pas pr��te? Rose me laisse tout faire.
"�� Il fera ce qu��il voudra; il t��a �� moiti�� assomm��e, moi je veux te soigner et je te garde, voil�� tout.
"�� Mon Dieu! fit la fillette avec un soupir de bien-��tre, il me tuera apr��s s��il le veut, mais je suis si bien ici!"
Elle consid��ra de nouveau Manon et dit tout �� coup:
"�� Vous ��tes bonne, tr��s bonne, presque aussi bonne que Nounou; vous lui ressemblez."
Pour elle, la louve repr��sentait l��id��al de la bont�� et du d��vouement; Manon ne parut point froiss��e de la comparaison et un
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