Notre-Dame de Paris -- 1482 | Page 4

Victor Hugo
Gr��ve, plantation de mai �� la chapelle de Braque et myst��re au Palais de Justice. Le cri en avait ��t�� fait la veille �� son de trompe dans les carrefours, par les gens de M. le pr��v?t, en beaux hoquetons de camelot violet, avec de grandes croix blanches sur la poitrine.
La foule des bourgeois et des bourgeoises s'acheminait donc de toutes parts d��s le matin, maisons et boutiques ferm��es, vers l'un des trois endroits d��sign��s. Chacun avait pris parti, qui pour le feu de joie, qui pour le mai, qui pour le myst��re. Il faut dire, �� l'��loge de l'antique bon sens des badauds de Paris, que la plus grande partie de cette foule se dirigeait vers le feu de joie, lequel ��tait tout �� fait de saison, ou vers le myst��re, qui devait ��tre repr��sent�� dans la grand-salle du Palais bien couverte et bien close, et que les curieux s'accordaient �� laisser le pauvre mai mal fleuri grelotter tout seul sous le ciel de janvier dans le cimeti��re de la chapelle de Braque.
Le peuple affluait surtout dans les avenues du Palais de Justice, parce qu'on savait que les ambassadeurs flamands, arriv��s de la surveille, se proposaient d'assister �� la repr��sentation du myst��re et �� l'��lection du pape des fous, laquelle devait se faire ��galement dans la grand-salle.
Ce n'��tait pas chose ais��e de p��n��trer ce jour-l�� dans cette grand-salle, r��put��e cependant alors la plus grande enceinte couverte qui f?t au monde (il est vrai que Sauval n'avait pas encore mesur�� la grande salle du chateau de Montargis[2]). La place du Palais, encombr��e de peuple, offrait aux curieux des fen��tres l'aspect d'une mer, dans laquelle cinq ou six rues, comme autant d'embouchures de fleuves, d��gorgeaient �� chaque instant de nouveaux flots de t��tes. Les ondes de cette foule, sans cesse grossies, se heurtaient aux angles des maisons qui s'avan?aient ?�� et l��, comme autant de promontoires, dans le bassin irr��gulier de la place. Au centre de la haute fa?ade gothique[3] du Palais, le grand escalier, sans relache remont�� et descendu par un double courant qui, apr��s s'��tre bris�� sous le perron interm��diaire, s'��pandait �� larges vagues sur ses deux pentes lat��rales, le grand escalier, dis-je, ruisselait incessamment dans la place comme une cascade dans un lac. Les cris, les rires, le tr��pignement de ces mille pieds faisaient un grand bruit et une grande clameur. De temps en temps cette clameur et ce bruit redoublaient, le courant qui poussait toute cette foule vers le grand escalier rebroussait, se troublait, tourbillonnait. C'��tait une bourrade d'un archer ou le cheval d'un sergent de la pr��v?t�� qui ruait pour r��tablir l'ordre; admirable tradition que la pr��v?t�� a l��gu��e �� la conn��tablie, la conn��tablie �� la mar��chauss��e, et la mar��chauss��e �� notre gendarmerie de Paris.
Aux portes, aux fen��tres, aux lucarnes, sur les toits, fourmillaient des milliers de bonnes figures bourgeoises, calmes et honn��tes, regardant le palais, regardant la cohue, et n'en demandant pas davantage; car bien des gens �� Paris se contentent du spectacle des spectateurs, et c'est d��j�� pour nous une chose tr��s curieuse qu'une muraille derri��re laquelle il se passe quelque chose.
S'il pouvait nous ��tre donn�� �� nous, hommes de 1830, de nous m��ler en pens��e �� ces Parisiens du quinzi��me si��cle et d'entrer avec eux, tiraill��s, coudoy��s, culbut��s, dans cette immense salle du Palais, si ��troite le 6 janvier 1482, le spectacle ne serait ni sans int��r��t ni sans charme, et nous n'aurions autour de nous que des choses si vieilles qu'elles nous sembleraient toutes neuves.
Si le lecteur y consent, nous essaierons de retrouver par la pens��e l'impression qu'il e?t ��prouv��e avec nous en franchissant le seuil de cette grand-salle au milieu de cette cohue en surcot, en hoqueton et en cotte-hardie.
Et d'abord, bourdonnement dans les oreilles, ��blouissement dans les yeux. Au-dessus de nos t��tes une double vo?te en ogive, lambriss��e en sculptures de bois, peinte d'azur, fleurdelys��e en or; sous nos pieds, un pav�� alternatif de marbre blanc et noir. �� quelques pas de nous, un ��norme pilier, puis un autre, puis un autre; en tout sept piliers dans la longueur de la salle, soutenant au milieu de sa largeur les retomb��es de la double vo?te. Autour des quatre premiers piliers, des boutiques de marchands, tout ��tincelantes de verre et de clinquants; autour des trois derniers, des bancs de bois de ch��ne, us��s et polis par le haut-de-chausses des plaideurs et la robe des procureurs. �� l'entour de la salle, le long de la haute muraille, entre les portes, entre les crois��es, entre les piliers, l'interminable rang��e des statues de tous les rois de France depuis Pharamond; les rois fain��ants, les bras pendants et les yeux baiss��s; les rois vaillants et bataillards, la t��te et les mains hardiment lev��es au ciel. Puis, aux longues fen��tres ogives, des vitraux de mille couleurs; aux
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