�� temps!
Pourtant, les t��tes des auditeurs se rapproch��rent encore.... La convoitise fit reluire tous les yeux; ils la voyaient, la caisse! D��j�� ils ne comprenaient plus les remords de Mart��gas.... Eh bien quoi? apr��s? il avait attaqu�� les soldats et l'officier? n'est-ce pas? il avait un peu vol�� la caisse; ce Mart��gas, et--pour cela--tu�� un peu; tu�� un ou deux hommes tout au plus!... eh! mon Dieu, �� la guerre! un de plus, un de moins! Ils le regardaient avec un peu d'admiration et d'envie.
--Il devait y avoir au moins... cent mille francs! dit une voix.
Cent mille francs est, pour les gens de ce bas peuple, le chiffre qui repr��sente les grosses fortunes. Apr��s cent mille francs, tout de suite apr��s, il y a ?des millions?.
--Pour s?r, gronda Mart��gas! Pour s?r, ils y ��taient, les cent mille francs!... Et je lui dis:
--Regarde!
Il regarda et me comprit. Les gens allaient passer pr��s de nous, �� trente pas, la bonne port��e, ils ne nous voyaient pas, ils ne se m��fiaient de rien.
Mon camarade me comprit. Je vis tr��s bien qu'il me comprenait parce qu'il devenait pale, tout blanc comme un mort, l'imb��cile. Et �� voix basse je lui dis:
--Deux que nous en tuons et les autres vont d��taler, et vite! Je me charge de l'officier. Choisis ton homme, et tirons ensemble....
Alors, j'��paulai mon fusil....
Les auditeurs haletaient. La fille rapprocha sa chaise de la table.
--Ah! quel remords! quel remords, g��mit Mart��gas, tout �� fait ivre, et de plus en plus obstin�� �� r��p��ter son cri de regret poignant... quel remords, mes amis!...
--Mais alors, Mart��gas, tu es riche? s'��cria tout �� coup la fille. Tu ne me disais pas ?a!...
Et elle posa sa main sur le bras de l'homme.
--Riche! pleura Mart��gas, d��cid��ment d��sesp��r��, voil�� bien tout justement mon remords! riche! c'est que j'aurais pu l'��tre, sans celui-ci! sans toi, sans toi! hurla-t-il �� tue-t��te, en tendant contre son voisin un poing furieux.... Figurez-vous, les amis, que, au moment o�� j'allais tirer... (et je l'avais, croyez-moi, au bout du fusil, le gibier! et je ne manque pas plus un perdreau en l'air qu'on ne peut manquer un boeuf dans un corridor)... cette b��te mauvaise que Dieu pr��fonde, oui, toi! toi! que le tonnerre du bon Dieu te br?le et te vide!... cet animal malfaisant m'emp��cha de tirer:
--Ne fais pas ?a, qu'il dit, Mart��gas! ne fais pas ?a! Pour l'amour de Dieu, pas ?a!
Et il d��tourna mon fusil avec sa main.
--Voil��. Les gens ��taient pass��s, le coup manqu�� pour toujours! Il ��tait trop tard... jamais, non, jamais, je ne m'en consolerai! un coup si s?r! si beau!... cent mille francs au moins, comme vous dites!... une occasion comme un homme dans sa vie n'en trouve qu'une! La guerre, oui, la d��bandade, qui nous favorisait; oui, tout ��tait embrouill��, l'ennemi par l��, autour de nous, on ne savait pas bien o��.... Personne pour nous accuser, pour deviner!... Ah! quel remords, coll��gues! quel remords d'avoir manqu�� ce coup-l��! De ma vie, je vous dis, je ne m'en consolerai! Et sur mon lit de mort, je la reverrai encore, cette caisse mal gard��e, qu'on n'avait qu'�� prendre! Pourquoi t'ai-je ��cout��, imb��cile! je serais riche �� pr��sent! Mis��re de moi! malheur! malheur! quel remords!
Et sinistrement comique, Mart��gas se d��solait. Les auditeurs partageaient son chagrin, comprenaient sa peine, fraternellement, en ivrognes.
--Je comprends, disaient-ils, chacun �� son tour--c'��tait un beau coup,--?a ne se retrouve pas, non!--J'ai cru d'abord que tu regrettais d'avoir fait un beau coup, c'est tout au contraire. Tu as le regret de l'avoir manqu��....--C'est malheureux, Mart��gas, bien malheureux....
Il ��tait inconsolable, ce Mart��gas.
On ne pouvait donc pas dire qu'il n'e?t pas de conscience. Seulement, sa conscience travaillait �� l'envers. Le diable en personne doit avoir des remords pareils, quand il a, par sa faute, manqu�� une occasion favorable de bien mal faire!
IV
A QUI LE CHEVAL?
Un peu avant le lever du jour, �� l'heure blafarde, Mart��gas sortit du bouge avec Cabrol.
Tous deux mont��rent sur la digue, et s'en all��rent longeant le parapet, le cerveau lourd, suivant des yeux le Rh?ne orageux, dont on devinait la couleur de terre, sous le ciel violac��, vineux.
Ils avaient dormi un instant, lourdement, les bras sur la table, la t��te au pli de leurs bras, parmi les bouteilles et les verres visqueux.
Une bise qui, par caprice, remontait le Rh?ne, fouettait leurs visages terreux, ��nergiques et jaunes comme le Rh?ne m��me. Ce coup de fouet les r��veilla.
D��gris��s, ils marchaient droit, sans rien dire, ��clair��s parfois d'une clart�� brusque par un des r��verb��res accroch��s aux maisons du quai; ils avaient l'air de deux mauvais fant?mes.
Et Cabrol tout �� coup, r��pondant aux lamentations par lesquelles Mart��gas, toute la nuit, avait d��couvert le fond de son ame obscure, il dit, ce Cabrol:
--Marie-toi avec Zanette, la Zanette de ma?tre Augias. Son p��re a un peu de bien et d'argent et la
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