Notre-Dame-dAmour | Page 5

Jean Aicard
n'est-ce pas, Gue?t? n'est-ce pas, Cabasse?... Pas un mot de plus, Mart��gas; ne l'excite pas, toi, Cabrol!
Mart��gas releva sa t��te farouche, sa face velue. L'oeil inject��, le poil h��riss��, le colosse grogna:
--Et si je veux parler, moi! tonnerre de tonnerre de bon Dieu!
Il donnait du front dans son id��e fixe avec une obstination aveugle de taureau collant.
Son gros poing tomba sur la table qui tressaillit. Les verres sales s'entre-choqu��rent, tintant. Une bouteille se renversa, inondant les jupes de la fille d'un liquide rougeatre et douteux.
Et se tournant tout d'une pi��ce vers ce Cabrol qui avait parl��:
--C'est ta faute �� toi, ? ane que tu es! gros animal, c'est ta faute, si aujourd'hui et toujours je regrette ?a en moi-m��me. La nuit, bien des fois, j'y pense et de rage je ne peux pas dormir, je me mords les poings. Le jour, je m'arr��te de travailler, des fois, pour y penser, et rien, je te dis, rien ne me console. Et quand je cours �� cheval, d'autres fois, le remords me revient et si rudement m'attrape que, de col��re, je pique mon cheval et je lui travaille la bouche avec le fer, comme s'il y ��tait pour quelque chose.... Ce n'est pas �� lui, pourtant, pas �� lui la faute, pauvre b��te! C'est �� toi, Cabrol, �� toi, je te dis, ta faute �� toi, mauvais conseil, fain��ant, gueusas! Pourquoi t'ai-je ��cout��! Sainte Vierge! oui, pourquoi! Je serais heureux, maintenant.... Nous boirions heureux!
--N'y pense plus! dit l'autre.
--Que je n'y pense plus! hurla l'ivrogne. Comme si c'��tait possible! soyez t��moins, vous autres, jugez un peu! ��coutez, je vais vous dire.
Les t��tes se rapproch��rent. Les curiosit��s s'allum��rent dans les yeux. Les intelligences des brutes se tendirent et, dans leur regard, rayonn��rent, pr��tes �� jouir du mal... il y eut un gros silence.
--Eh bien quoi? dit un des buveurs. Dis-le ou ne le dis pas,--mais tu es un niais si tu le dis.... Je suis, pas moins, curieux de le savoir!
Mart��gas s'essuya le front d'un revers de main.
--Voil��, dit-il, c'est abominable. Ah! comme j'en ai un, de remords!... Nous ��tions, figurez-vous, �� la guerre, voil�� sept ans, si je compte bien, si Bar��me n'est pas un ane, on s'��tait battu depuis le jour lev��, contre ces Prussiens qui sont des hommes comme vous et moi, n'est-ce pas? Vous dire o�� nous ��tions, par exemple, ?a, je ne le peux pas; c'��tait par l��-haut, dans le nord, pr��s de Dijon, nous avions re?u des coups de fusil de ces Prussiens, et nous leur en avions rendu tout le matin. Nous ��tions, Cabrol qui est l�� et moi, soldats de la m��me compagnie et nous avions tir�� ensemble, que je dis, des coups de fusil tout le matin.... A pr��sent, tout s'en allait, de tous c?t��s, �� la d��bandade, va comme tu voudras, chacun pour soi; on filait, comprenez, comme une manade folle qui s'��parpille de peur, on ne sait pas pourquoi,--parce que le bateau �� vapeur siffle sur le Rh?ne... pour rien, on filait, voil�� tout, on d��talait, on se levait de devant. Ce fain��ant qui maintenant boit l��, bien tranquille �� mon c?t��, comme si rien n'��tait, ce Cabrol que vous voyez ��tait avec moi, oui, pr��s de moi, et nous filions, nous ne voulions pas nous quitter, mais il tra?nait la jambe, et moi aussi, fatigu��s tous deux, oh! oui, un peu trop, �� moiti�� crev��s de fatigue... et voil�� que nous nous arr��tons dans un petit bois, o�� les arbres ��taient serr��s, serr��s comme des soldats �� l'exercice; nous ��tions bien cach��s l��, dans ce fourr��, au beau milieu d'une plaine, au bord d'une route, o��, de temps en temps passaient les derniers tra?nards. Tous avaient d��fil�� ou �� peu pr��s, car il n'en passait plus gu��re. On allait au hasard, devant soi, vers Dijon je pense, et voil�� que nous ��tions seuls tous deux, ce Cabrol et moi, tous deux seuls, ma?tres de nous, ma?tres, vous comprenez, de rester l�� ou de partir, de d��serter.... Et nous y pensions. Tout �� coup, sur la route qui ��tait d��couverte, en plaine, passent quatre soldats et un officier de notre r��giment. Un des soldats et l'officier ��taient bless��s, vous entendez bien, bless��s, un des soldats et l'officier. Cinq en tout, et je dis �� cette b��te brute qui est l��; je dis �� Cabrol:
--Regarde!
Il regarda et vit comme moi, la caisse, comprenez-vous? la caisse de bois, la caisse ferr��e o�� ��tait l'argent, l'argent de la solde pour tout notre r��giment. Elle ��tait lourde, allez! ils la portaient sur un brancard de malade et, �� leur d��marche, on voyait bien qu'elle ��tait lourde... oh lourde! lourde bougrement!
Mart��gas, bourrel�� de remords, essuya de nouveau son front en sueur; il y eut un silence embarrass��.
--Tu es �� temps de ne rien dire, Mart��gas! Tu y es
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