depuis trois ans.
--Prot��gez mon p��re, bonne Notre-Dame! Je n'ai plus que lui sur cette terre. Gardez-moi de tout mal, bonne vierge d'amour. Gardez-moi du mauvais amour. Et quelque jour, si je le m��rite, accordez moi d'avoir un amoureux que j'aime.... Ce Jean Pastorel peut-��tre, qui aux derni��res courses des plaines de Meyran, vint,--comme s'il m'e?t connue et aim��e,--m'offrir la cocarde qu'il avait prise, si hardiment, au front du taureau en col��re!
* * * * *
Or, voici comment il se faisait que la d��votion de Zanette �� Notre-Dame d'Amour ��tait si fervente; sa foi, si enti��re.
Quand elle ��tait toute enfant, �� six ans, Zanette avait un chien qu'elle aimait beaucoup, d'un de ces amours passionn��s des tous petits pour les b��tes. Ce chien, dans l'��curie, o�� il couchait, fut bless�� d'une ruade par un cheval malade. Zanette parvint �� p��n��trer, toute seule, dans la chapelle du chateau, et elle supplia Notre-Dame de la prot��ger, en cette circonstance, de tout son divin pouvoir, en sauvant le chien bien-aim��. H��las! il arriva que juste �� l'heure o�� elle venait de faire cette pri��re, le chien mourut, et l'enfant r��volt��e d��clara qu'elle ne demanderait plus rien �� une Notre-Dame si m��chante!... Elle s'exaltait dans cette id��e, quand le v��t��rinaire, arriv�� d'Arles pour voir le cheval, ayant demand�� �� examiner le chien mort, d��clara que l'accident du coup de pied mortel ��tait une chance heureuse, le chien ��tant bien et d?ment enrag�� quoique l'horrible maladie ne se f?t pas d��clar��e encore.... L'apparente malice de Notre-Dame ��tait donc un miracle de bont��....
C'est de ce jour-l�� que Zanette ne jurait plus que par Notre-Dame-d'Amour.
II
LA TARDARASSE GUETTE LA CAILLE.
Pour bien comprendre pourquoi le gardian Mart��gas n'avait pas le droit, v��ritablement, d'aimer Zanette, il faut savoir quel ?marrias?, quel homme de rien ��tait ce grand diable de vingt-six ans, �� grosse barbe noire et inculte, carr�� d'��paules, puissant comme un taureau, de haute mine sous son feutre aux bords plats et larges. Avec sa figure de franchise, c'��tait un tra?tre, un homme dont on ne savait jamais l'id��e. Oui, il avait une figure ouverte qui, au premier abord, vous trompait, mais ceux qui savent lire dans les yeux, voyaient dans les siens (des yeux gris piquet��s de petits points d'or comme ceux des chats) un trouble mauvais pareil au brouillard qui, en Camargue, se tra?ne au-dessus des marais, cachant les trous, les fondri��res, les pi��ges....
Quelque chose sortait de ces yeux-l�� d'implacablement malin; mais de malin sans esprit, sans clart��.... Ce n'��tait pas un ��clair de mal, oh non! une fum��e plut?t, comme celle qui sort des ?lorons?, ces trous myst��rieux, ouverts ?a et l�� parmi les mar��cages de Camargue, et qui exhalent sans cesse une bu��e, la chaleur des dangereux ferments de dessous, le souffle des enfers fi��vreux, faits de moisissure croupissante. Il avait une mauvaise ame, bien s?r, ce Mart��gas, et vraiment c'��tait effrayant de penser qu'il essayait de faire sa cour �� Zanette, qu'il r��vait d'en faire sa femme, ?le gueux!?--ou m��me sa ma?tresse! Voyez-vous cela, la mignonne fermi��re du mas de la Sir��ne, ��pousant ce lourd coquin! une petite caille mari��e �� la lardarasse, l'oiseau de proie, le faux aigle des Alpilles, au front bas, aux grosses serres dures, au bec fait pour d��chirer les proies mortes et corrompues.... Ce pesant animal, avoir �� lui cette jolie poulette de chaume!
On ne voyait pas ?a, non, pour s?r! Ni au physique ni au moral, ces deux ��tres ne se pourraient rapprocher. On tremblait �� l'id��e d'un tel sacril��ge. Et pourtant il s'��tait mis ce projet en t��te,--?le gueux!?--de plaire �� Zanette! ou de la prendre sans lui plaire, de ruse ou de force!
Zanette, jolie comme un coeur, avec sa coiffe arl��sienne, avec son fichu aux mille plis qui s'ouvrait galamment pour montrer un peu de sa poitrine naissante, avait seize ans et demi. C'��tait une petite cr��ature brune, un sage petit coeur, aimant son p��re, Dieu et saint Trophime, patron des Arl��ses,--et d��vote, chacun le savait, �� Notre-Dame-d'Amour.
Et afin de vous montrer que Mart��gas n'��tait point fait pour l'honneur et la joie de tenir entre ses lourdes pattes la menotte fine de l'enfant, entre ses bras d'hercule la taille l��g��re de la mignonne, ni de presser sur son poitrail de fauve la petite poitrine o�� battait ce bon petit coeur, il n'y a qu'�� savoir o�� il passait ses soir��es depuis quelque temps, le bouvier Mart��gas, aux yeux troubles.
III
LE REMORDS DE MART��GAS.
Ses soir��es, il les passait en des bouges qu'on trouve, �� Arles, le long du Rh?ne, dans les ruelles douteuses, en contre-bas de la digue du Rh?ne. Sinistres le soir, ces ruelles pav��es en galets roul��s de Crau, dress��s sur leurs pointes. Elles aboutissent �� la digue de pierre qui semble les barrer d'une muraille de forteresse, en fait des culs-de-sac, leur donne des airs de
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