la petite chapelle. On n'y dit plus la messe. Et pourtant, les gens du chateau et de la ferme ne l'abandonnent pas; ordre est donn�� �� Zanette par les ma?tres du chateau, riches n��gociants qui habitent Marseille,--de tirer, aux jours de f��te,--de dessous l'autel qui forme placard,--les v��tements sacerdotaux pr��cieusement enferm��s l��, et de les visiter avec soin, d'en ��loigner les fourmis, les araign��es, les tarentes.
Cette chapelle est consacr��e �� la Vierge, qui porte aussi le nom de Notre-Dame-d'Amour.
H��las! m��me parmi les saints du saint paradis, il y a des humbles et des glorieux! Il y a, h��las! par le monde, des Notre-Dames illustres, v��n��r��es de tous, �� qui on apporte chaque jour des pr��sents magnifiques, des robes de soie, des couronnes de perles, des colliers de diamants! Il y a des Notre-Dames �� Lyon, �� Paris, �� Lourdes, �� la Salette,--l'univers le sait. Et peut-��tre aucune d'elles n'a un si beau nom que la petite Notre-Dame qui, en Camargue, inconnue du monde, d��laiss��e m��me des gens du pays, habite une pauvre chapelle d��cr��pit��e, semblable �� la plus pauvre des cabanes de ce d��sert!... Notre-Dame-d'Amour! c'est sous ce nom charmant que la chapelle est connue de tout le pays. Mais si Notre-Dame-d'Amour est aussi connue que Saint-Trophime d'Arles ou les Saintes-Maries-de-la-Mer, elle n'est pas visit��e comme eux, tant s'en faut! Et dans sa niche de pierre, au-dessus de l'humble autel o�� brillent deux cand��labres de cuivre et un tabernacle de bois dor��, la Notre-Dame, dor��e ��galement, ne voit plus �� ses genoux que Zanette. Du moins est-ce tous les jours, d��s l'aube, que Zanette vient lui adresser sa pri��re, depuis sa petite enfance.
Pauvre Notre-Dame-d'Amour, que son nom adorable ne prot��ge pas contre l'abandon! Elle est pourtant jolie �� voir, grande, oh! grande comme une enfant de dix ans, v��tue, par-dessus la robe de bois dor��, d'une robe en vraie ��toffe, jadis blanche, toute piqu��e de fleurettes bleues. Elle est coiff��e d'un velours d'Arl��se, bleu ��galement, frapp�� de roses pales; elle a, aux oreilles, des pendeloques de cuivre; au cou, un collier de perles de verre, et ses mains et sa figure furent sans doute dor��es bien solidement par un ma?tre-ouvrier, puisque la dorure du visage et des mains reluit au soleil, comme neuve, quand Zanette ouvre la porte, chaque matin. Elle a pourtant plus de cent ans, la douce Notre-Dame-d'Amour, qui sourit aux humbles ex-voto suspendus aux murailles, tableaux na?fs, b��quilles, fusils crev��s offerts par des chasseurs, petits bateaux jadis apport��s par des marins sauv��s du naufrage.
Aussi, pourquoi, ? Notre-Dame-d'Amour, pourquoi ne faites-vous point de miracles? Voyez, aux Saintes-Maries-de-la-Mer--�� cinq lieues d'ici, au sud,--voyez l'��glise cr��nel��e, de six cents ans plus vieille que vous, et voyez comme les p��lerins s'y pressent tous les ans, au 24 mai! Ce jour-l��, les saintes chasses, qui contiennent les os des deux saintes Maries, Jacob�� et Salom��, descendent en grande c��r��monie, du haut de la vo?te. On leur tend les bras. On les supplie, on les touche. Et les Saintes gu��rissent quelquefois les paralys��s. Elles ne sont pas toujours justes. On ne sait pas pourquoi, on ne saura jamais pourquoi elles gu��rissent celui-ci au lieu de celui-l��,--mais �� tous ��galement elles donnent l'esp��rance, c'est-��-dire le meilleur de la vie.
Et c'est pourquoi chaque ann��e, des milliers de p��lerins en caravane, visitent leur ��glise.... Que ne les imitez-vous, pauvre Notre-Dame? Vous ��tes leur reine pourtant, et la propre m��re de Dieu, et c'est elles qu'on visite seules, c'est elles et m��me sainte Sare, qui fut leur servante, et dont les reliques, dans la crypte souterraine de l'��glise, sont v��n��r��es surtout des boh��miens! Et vous, vous, ? Notre-Dame, vous ��tes toute seule ici, dans une toute petite chapelle froide, sans honneur et sans pri��re... sinon celle d'une petite fille. Il est vrai qu'elle est jolie et qu'elle est sage, et peut-��tre l'aimez-vous.... Prot��gez-la donc, ? Notre-Dame-d'Amour! Et donnez-lui l'amour vrai. Qu'elle aime et qu'elle soit aim��e. C'est, des destin��es de la terre, la plus humaine et la plus divine!
Chaque matin, Zanette, avant toute chose, sort de la ferme pour aller dans la chapelle. Elle ouvre la porte. Le rayon horizontal du matin entre bien vite avec elle et fait resplendir le visage d'or de la vierge. Zanette va s'agenouiller au pied de l'autel. Sa coiffe du matin enserre ��troitement son haut chignon au-dessus duquel elle se termine en deux petites cornes pointues, toutes blanches, qui font sourire les anges. Elle fait le signe de la croix et sa main touche un peu au passage la petite croix qui luit sur sa poitrine nue, dans l'entre-baillement de ses fichus arl��siens.... Et elle prie, agenouill��e dans les plis nombreux de sa jupe d'indienne, un peu courte, qui d��couvre ses pattes fines de perdrix de Crau; ses gros bas de fille sage, jadis tricot��s par sa m��re, qui est morte
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