la désunion, bien qu'il ait aboli l'esclavage en donnant la liberté à quatre millions de noirs, tous ces bienfaits réunis n'ont pu entourer son nom d'autant de vénération que ne l'a fait le coup de pistolet de l'acteur Wilkes Booth. La raison guide l'homme, la raison veut qu'il s'attendrisse à la vue ou au souvenir de l'infortune:
La sensibilité dans l'ame se retrouve Et la fait compatir au malheur qu'on éprouve.
CHAPITRE II
=Les "Cenelles".--M. Armand Lanusse et son temps.=
=LES "CENELLES"=
Le volume intitulé Les Cenelles est un petit livre de deux-cent-neuf pages, contenant les poésies écrites par dix-sept Créoles de la Louisiane. Il a été publié par ces derniers en 1843. Il se trouve aussi dans ce livre des citations de quelques hommes bien connus comme littérateurs et généralement estimés par les services signalés qu'ils ont rendus à la cause du progrès, de la justice et de l'humanité: Victor Hugo, Lamennais, Lemoine, Lamartine, Mercier, tous des Fran?ais dont le génie et les vues libérales ont contribué puissamment à la gloire et au relèvement des lettres et de la société.
Ce petit volume, très rare aujourd'hui, fait partie de la littérature franco-louisianaise.
Nous donnerons au public les noms de ceux qui ont collaboré à ce recueil et le titre de leurs pièces diverses. De plus, nous citerons in-extenso une production de chacun des poètes, avec l'intention, non seulement de faire honneur à leur talent, mais encore de livrer leurs vers à l'appréciation de leurs descendants.
Il ne faut pas oublier que Les Cenelles ont été écrites et publiées à l'époque de l'esclavage, que ceux qui y ont collaboré ne jouissaient pas des mêmes avantages que d'autres hommes, par suite des lois de restriction et des préjugés sociaux.
Considéré à un point de vue philosophique, l'ouvrage des Cenelles représente le triomphe de l'esprit humain sur les forces de l'obscurantisme. Car, il ne manquait pas de gens, en Louisiane, pour s'opposer à l'instruction et au développement de l'intelligence parmi les masses de couleur.
En face de ces circonstances et des motifs qui ont inspiré nos pères, cette oeuvre littéraire nous vient en ce moment comme un héritage sacré. Ce nous est un devoir de la plus haute portée que de le conserver et de perpétuer la mémoire de ceux qui nous l'ont légué. C'est là la pensée qui nous guide dans notre entreprise. Nous voulons sauver de l'oubli les noms de ces dix-sept Créoles qui, au prix des plus grands sacrifices, se sont donné la peine d'écrire un livre pour notre gloire, alors qu'ils étaient soumis à toutes sortes de privations civiles, politiques et sociales, sans même avoir la liberté de se plaindre.
Nous pouvons ajouter que ceux qui ont collaboré aux Cenelles sont les principaux hommes de lettres sortis de la population créole. En aucun autre temps, cette dernière n'a produit un aussi grand nombre d'esprits cultivés, et jamais il n'a existé une entente si parfaite que celle qui les unissait dans leurs inclinations et leurs travaux. Ils n'étaient point jaloux les uns des autres, et ils ont su s'accorder sur le meilleur moyen à employer pour mettre au jour le fruit de leurs études et de leurs veilles.
Ces penseurs ont été heureux dans le titre qu'ils ont donné à leur ouvrage. La cenelle est le fruit de l'aubépine: son peu de volume dit la modestie de nos écrivains; et l'aubépine, "arbrisseau épineux aux fleurs blanches et colorantes" exprime, nous croyons, la difficulté de l'entreprise pour ceux qui devaient travailler dans un milieu décidément peu propice à leurs tendances poétiques. Confiants dans la pureté de leurs intentions, désirant surtout donner une bonne couleur au mauvais aspect de leur destinée, ils ne pouvaient certes choisir un titre plus approprié: Les Cenelles.
Nous ignorons à qui revient l'honneur d'avoir trouvé ce nom. Nous savons toutefois que c'est à l'instigation de Lanusse que le volume fut publié, mais ce n'est pas là une raison suffisante pour lui attribuer aussi le choix du titre. Cet épigraphe, précédant les vers de A. Mercier, est peut-être, sur ce point, significatif:
Et de ces fruits qu'un Dieu prodigua dans nos bois, Heureux, si j'en ai su faire un aimable choix.
Finalement, si l'esprit du livre doit être déterminé par l'arrangement des matières, le commencement et la fin, pris ensemble, en représentent une morale significative, presqu'une allégorie.
Nous observons que le premier morceau des CENELLES se nomme Chant d'Amour, et le dernier, Désenchantement. Les deux pièces sont du même auteur, mais cette circonstance ne détruit pas la conclusion à tirer de leur contraste significatif.
Ainsi, dans un passage de la première improvisation, le poète, plein d'espoir dans son idéal, s'exprime comme suit:
Car l'amour, l'amour seul d'une vierge adorée, Peut consoler le coeur des maux qu'il a soufferts; C'est la fra?che Oasis, c'est la manne sacrée, C'est la source d'eau pure au milieu des déserts.
Mais plus tard, quand "le rêve", comme l'a dit Lamartine, "tombe
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