Nos Hommes et Notre Histoire | Page 3

Rodolphe Lucien Desdunes
beau ciel tu crois voir ta patrie: De ton erreur, reviens, mon tendre fils, Et crois surtout en ta m��re ch��rie... Ici, tu n'es qu'un objet de m��pris."
Dix ans apr��s, sur nos vastes fronti��res, On entendit le canon des Anglais, Et puis ces mots: "Courons vaincre, mes fr��res, Nous sommes tous n��s du sang Louisianais". �� ces doux mots, en embrassant ma m��re, Je vous suivis en r��p��tant vos cris, Ne pensant pas, dans ma course guerri��re, Que je n'��tais qu'un objet de m��pris.
En arrivant sur le champ de bataille, Je combattis comme un brave guerrier: Ni les boulets non plus que la mitraille, Jamais, jamais, ne purent m'effrayer. Je me battais avec cette vaillance Dans l'espoir seul de servir mon pays, Ne pensant pas que pour ma r��compense, Je ne serais qu'un objet de m��pris.
Apr��s avoir remport�� la victoire, Dans ce terrible et glorieux combat, Vous m'avez tous, dans vos coupes, fait boire. En m'appelant un valeureux soldat. Moi, sans regret, avec un coeur sinc��re, H��las! j'ai bu, vous croyant mes amis, Ne pensant pas, dans ma joie ��ph��m��re, Que je n'��tais qu'un objet de m��pris.
Mais, aujourd'hui tristement je soupire, Car j'aper?ois en vous un changement; Je ne vois plus ce gracieux sourire Qui se montrait, autrefois, si souvent, Avec ��clat sur vos mielleuses bouches. Devenez-vous pour moi des ennemis?... Ah! je le vois dans vos regards farouches Je ne suis plus qu'un objet de m��pris.
Quelques Cr��oles de bonne foi voudraient attribuer ces vers �� la plume de Nicol Riquet, un de nos po��tes des Cenelles, mais nous n'avons aucune raison de croire que semblable source ait pu produire une composition aussi gravement con?ue.
M. Riquet nous a laiss�� le Rondeau Redoubl��, un morceau farci de pu��rilit��s. D'apr��s toute apparence, ce po��te avait le style enjou��, plus enclin �� faire rire qu'�� faire penser. Il ��tait lui-m��me un de ces "satisfaits" dont le caract��re ��tait de s'��loigner des soucis, pour ��tre mieux pr��par�� �� jouir des plaisirs de la vie mat��rielle. Il est donc invraisemblable de lui attribuer la pi��ce que nous venons de citer.
=HIPPOLYTE CASTRA=
D'ailleurs, les hommes qui ont connu Hippolyte Castra et qui ont pris connaissance de son oeuvre affirment que c'est ce grand Louisianais qui nous a fait don de cette composition noble et s��rieuse. Il est vraiment regrettable que cette derni��re n'ait pas trouv�� sa place dans le cadre des Cenelles. Cette production valait la peine d'��tre conserv��e comme l'expression vraie, digne et tendre d'un peuple d��sappoint�� d'une fa?on aussi cruelle qu'inattendue.
Il n'y a rien de plus naturel que le d��but par lequel l'auteur rappelle la proph��tie de sa m��re: "Sous ce beau ciel tu crois voir ta patrie". Nos coeurs sentent bien l'��-propos de ces paroles touchantes.
Et puis, parlant des souvenirs de son enfance, avec quelle sublime na?vet�� il rapporte ces mots qu'il avait entendus: "Courons vaincre, mes fr��res!" Oh! n'est-ce pas ce que nous avons entendu en 1861, en 1865, en 1898, et ce que nous entendons encore dans les moments difficiles? Nous sommes tous fr��res quand le danger nous menace, mais nous devenons des ennemis au retour de la s��curit��.
��coutez Castra dans le troisi��me couplet:
"Je combattis comme un brave guerrier".
On le dit dans toutes les histoires, et malgr�� le fait constat��, il n'y a pas de r��compense pour les services ni pour le courage du h��ros de couleur. Mais ce n'��tait pas tout. Le combat ��tait terrible, et il a "remport�� la victoire".
Castra a eu le talent d'��tablir ses titres en faisant conna?tre ses succ��s. Mais la reconnaissance du pays s'est born��e �� lui dire qu'il ��tait un "valeureux soldat" et �� le faire boire dans les coupes de la victoire.
Tout-��-coup, tristement il soupire, parce qu'il s'aper?oit d'un "changement". Il ne rencontre que des "regards farouches" et se voit devenu un "objet de m��pris": c'est la r��compense de ses triomphes et de ses sacrifices.
Il n'y a pas �� douter de la valeur de cette pi��ce.
Castra a chant�� l'infortune de ses compatriotes, et ses strophes path��tiques seront toujours pour nous un sujet palpitant �� cause des grandes circonstances qui les ont dict��es, �� cause surtout des profondes amertumes qui les ont inspir��es. Le sort d'Og�� et de l'Ouverture attire plus l'attention que la couleur de leur front ou que la nature de leurs p��rilleuses entreprises. Il en est de m��me de P��tion, fondateur de la R��publique d'Ha?ti: on oubliera chez ce dernier le jeune homme qui a ��tonn�� le monde par sa sagesse, son g��nie et ses actions, pour se rappeler celui qui ne fit verser des larmes qu'�� sa mort, lorsqu'il succomba au chagrin en se voyant incapable de r��aliser ses esp��rances �� l'��gard de son peuple tout fra?chement sorti de la r��volution.
Le martyre d'Abraham Lincoln l'a rendu la seconde idole du peuple am��ricain. Bien qu'il ait sauv�� la nation des p��rils de
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