Cook) rempli le monde du
bruit de leurs exploits, mais on conviendra que tous avaient beaucoup
de coeur et beaucoup d'esprit.
C'est en cela surtout qu'ils étaient Français.
* * *
M. R.-L. Desdunes n'a pas eu l'avantage de voir, dans sa jeunesse, les
portes des collèges et des Universités de la Louisiane s'ouvrir devant lui.
Comme les autres Créoles de couleur anxieux de se familiariser avec
les beautés de la langue de Racine, il dut s'instituer son propre
précepteur. Il a montré là du courage; il en montre plus encore
aujourd'hui qu'il consent à braver la critique--la malveillance
peut-être--au point de prendre devant le public la responsabilité d'un
travail littéraire aussi considérable.
Les difficultés qu'il a eu à vaincre se sont encore trouvées accentuées
du fait qu'il souffre de cécité presque complète: ce qui ajoute à la
beauté et au mérite de son effort.
Rien ne l'a arrêté. Il tenait à nous faire connaître les Créoles, ses frères,
convaincu que c'était nous les faire estimer.
L. M. Nouvelle-Orléans, 1er novembre 1911.
NOS HOMMES ET NOTRE HISTOIRE
=Notices biographiques accompagnées de réflexions et de souvenirs
personnels=
CHAPITRE I
=Les Créoles de couleur libres et la Campagne de 1814-15.--Hippolyte
Castra.=
"Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous."
(MONTESQUIEU.)
On ne peut faire mention de la campagne mémorable de 1814-15, sans
se rappeler que les hommes de couleur libres y ont combattu côte à côte
avec les autres soldats du général Jackson.
Il y avait à cette époque trois classes d'hommes de couleur en Louisiane:
les enfants du sol, ceux qui étaient originaires de la Martinique et ceux
qui venaient de Saint-Domingue. Étant tous Créoles, ils vivaient
toutefois en bons termes et s'unissaient en toute circonstance comme
s'ils eussent été du même endroit et de la même famille: comme le font
d'ailleurs toujours les gens nouvellement arrivés dans un pays.
Il y avait entre eux communauté d'origine, de langue et de moeurs, mais
par-dessus tout, ayant à subir le même sort, ils se rencontraient toujours
dans la voie du malheur, et leurs confidences devaient être semblables
en tous points.
À l'approche des Anglais, le général Jackson fit appel à tous les
habitants indistinctement, mais en même temps, il ne manqua pas de
s'adresser particulièrement à l'orgueil patriotique des hommes de
couleur, qu'il invita à prendre les armes.
Les termes flatteurs dans lesquels cet appel était formulé ne laissaient
aucun doute sur les opinions du général en chef. Il était convaincu que
les hommes de couleur avaient le droit de défendre le sol attaqué, et
que le gouvernement américain commettait une grave erreur en refusant
de les recevoir sous les drapeaux.
La déclaration encourageante de l'illustre soldat, acceptée de bonne foi,
provoqua chez tous un vif enthousiasme, car personne ne doutait qu'elle
n'eût été faite avec franchise et sincérité. Les patriotes de couleur
répondirent donc en grand nombre à cet appel. Leurs états de services
dans la campagne de Chalmette furent d'une valeur incontestable au
point de vue de l'intérêt et de l'honneur de la nation. Après la bataille, le
général Jackson les félicita, faisant observer que leur conduite avait
dépassé ses espérances. Mais là s'est arrêtée toute la récompense.
Ces hommes dont la fidélité et les services avaient été reconnus si
solennellement ont cependant continué de vivre dans toutes les
conditions désavantageuses que leur imposait le pays, tout comme s'ils
n'avaient rien accompli pour ce dernier. Ils durent se contenter des
propos mielleux qu'on leur avait prodigués avant l'action et des éloges
pompeux mais vides qu'ils reçurent après la victoire. Plus tard, ces
louanges se changèrent même en lâches insinuations, en malicieuses
calomnies. Il était donc juste que ces héros méconnus se plaignissent de
tant d'ingratitude.
Il est vrai que par une action tardive, le gouvernement leur fit
concession du titre de vétérans et leur accorda une légère pension; mais
leur état civil resta le même: une modification du Code Noir, qui leur
donnait le droit de vivre, de jouir, de posséder, de succéder.
À cause de son état de dépendance même le Créole de couleur ne
pouvait commander le respect; il devenait un objet de haine, de mépris
ou d'injustice selon les caprices du moment. Tous ses droite étaient
précaires, ils étaient modifiables ou révocables selon le bon plaisir de la
classe gouvernante. Hippolyte Castra était du nombre de ces citoyens
méconnus, de ces héros repoussés, il partageait avec eux l'amertume
des déceptions éprouvées.
La population avait besoin d'un chantre; elle l'a trouvé tout justement
dans cet homme qu'on pourrait comparer à Roget et Dubois.
Castra a eu le beau talent de chanter le courage, la vaillance et la
fidélité de cette superbe phalange créole. Il n'a pas oublié de réclamer
pour elle la place d'honneur qu'elle méritait d'occuper au banquet du
triomphe, mais qui lui fut
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