Noël dans les pays étrangers | Page 7

Alphonse Chabot
pudding de No?l.
Toute famille anglaise qui ne re?oit pas, à l'occasion de No?l, des nouvelles des absents, en éprouve un profond chagrin, et s'il s'agit de proches parents ou d'amis intimes, toute la famille est en deuil.
Le lendemain de No?l s'appelle Boxing-day, à cause des boxes (bo?tes, tirelires) que font circuler les facteurs, les laitiers, les porteuses de pain, et tant d'autres amis inconnus qui viennent vous souhaiter ?un joyeux No?l et une bonne année?, souhaits auxquels vous ne pouvez mieux répondre qu'en donnant des étrennes. Ce jour-là, la populace profite des trains à bon marché (cheap trains), envahit les endroits où l'on s'amuse et semble oublier tout à fait que No?l est une fête religieuse.
L'Anglais porte partout avec lui le souvenir de No?l. Dans ses colonies les plus lointaines, sur les sables d'Afrique ou dans les terres glacées du Nord, il réunit ses compatriotes comme s'ils ne formaient qu'une famille. Tous ensemble ils célèbrent le Christmas: debout, le verre à la main, ils envoient un salut fraternel et leurs voeux de bonheur aux être chéris qu'ils ont laissés au-delà de l'Océan.
Pendant la guerre de Crimée, les dames anglaises furent émues de compassion pour leurs frères malheureux qui, devant Sébastopol, au milieu d'un hiver exceptionnel, faisaient l'admiration de toute l'Europe, par leur courage et leur endurance. Une souscription nationale fut ouverte dans tout le Royaume-Uni. Quelques jours avant No?l, des navires chargés de volailles, de puddings et de liqueurs partaient pour la mer Noire. Le vingt-cinq Décembre, les soldats anglais célébraient joyeusement leur Christmas et buvaient au triomphe et à la prospérité de la vieille Angleterre.
Un journal de Londres représentait naguères le Christmas dans un corps de garde anglais: la scène est des plus pittoresques: elle se passe au Transvaal. ?Les fusils sont dressés en faisceaux, une guirlande de verdure court à travers les canons, une chandelle allumée br?le au bout de chaque ba?onnette, et les soldats choquent gaiement les verres autour de cet arbre de No?l d'un nouveau genre, qui leur rappelle à tous les joies de la Patrie absente.?[19].
[Note 19: Desclées, No?l, page 67. ]
N'importe où il se trouve, sur le pont d'un navire, sous la tente ou la hutte grossière de l'explorateur, perdu dans les glaces polaires, l'Anglais, oubliant un instant ses peines, ses fatigues, ses dangers, ne manque jamais de donner au vieux Christmas la bienvenue de joie et d'espérance à laquelle il a droit.
Les catholiques anglais donnent à la fête religieuse de No?l la plus grande solennité: il faut aller dans la belle et riche église de l'Oratoire, à Londres, pour y entendre la magistrale musique de Palestrina.
En Irlande, le soir de No?l, d'une multitude de maisons sortent les familles catholiques, chacun tenant à la main une torche de résine allumée. C'est un spectacle d'une étrange beauté. On dirait des flots de lumières ondulant dans les ténèbres. Toutes ces pieuses communautés se réunissent au centre de la paroisse autour d'un cercle de flambeaux immobiles.
Citons, en finissant, une page ravissante du vicomte Walsh, qui raconte une Messe de minuit en exil:
?C'était dans le nord de l'Angleterre, dans un joli chateau, à Standen-Hall, chez lord Southwell, fervent catholique qui, pendant les mauvais jours, avait offert l'hospitalité à ses parents et amis de France.
?Nous y étions un jour de No?l. Dès la veille, on avait mis des bouquets de houx bien verdoyants, avec leurs baies ressemblant à des perles de corail.
?... Dans la chapelle, l'autel, le tabernacle, les gradins, les flambeaux étaient en bois d'acajou poli, avec des ornements dorés, un épais tapis aux plus vives couleurs couvrait les marches du petit sanctuaire; la neige, le froid étaient au dehors, et dans cet intérieur béni, tout était propre, chaud et confortable.
?Dans la tribune, en face de l'autel, des places réservées étaient entourées d'un rideau de soie cramoisie; derrière ce voile était le piano-orgue et les personnes qui devaient chanter. Lady Southwell (soeur de ma mère), lady Gormanston, sa fille, Mesdemoiselles de Choiseul, ses nièces, formaient ce choeur de famille.
?Il y a bien longtemps de cela. Depuis cette fête de No?l, j'ai compté bien des lendemains de la Toussaint, bien des Jours des Morts. Parmi celles qui chantaient alors devant l'autel de Standen Hall, il y en a qui chantent aujourd'hui devant Dieu, dans le ciel. Bien des années, bien des fortunes diverses me sont survenues depuis le merry Christmas time (ce gai temps de No?l); j'ai entendu depuis les messes en musique de Mozart et de Rossini, et toutes ces années, toutes ces fortunes diverses, tous ces grands talents n'ont pu effacer dans ma mémoire la Messe de No?l chantée dans l'exil.?
Les ritualistes Anglais sont excusables jusqu'à un certain point de s'imaginer qu'ils sont catholiques, puisqu'on célèbre encore dans leurs églises des cérémonies qui remontent à huit siècles et ont survécu à tous les changements que le protestantisme
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