un travail sans répit. Les manuscrits qui datent de cette époque, et qui furent publiés plus tard, sont tous de la plus haute importance, et contiennent la preuve suffisante que les grandes lignes d'à peu près toutes les plus grandes découvertes d'Abel étaient alors déjà établies. Il raisonnait sans doute à ce moment comme sur les bancs de l'école, lorsqu'il s'agissait de la composition latine de Riddervold, et, parmi les ? sciences accessoires ?, il n'y avait guère que le fran?ais auquel il accordat quelque attention. Vers l'automne de 1825, le désir de voyager le reprit fortement, et il demanda lui-même alors une bourse de voyage de deux ans. Il dit dans sa pétition:
Dès mes premières années d'école j'ai étudié les mathématiques avec grand plaisir, et j'ai continué cette étude pendant les deux premières années que j'ai passées à l'Université. Mes progrès non sans succès ont amené le conseil académique à me recommander pour la subvention qu'il a plu gracieusement à Votre Majesté de m'accorder sur le Trésor, pour que je puisse continuer mes études à l'Université norvégienne, et en même temps cultiver davantage les langues savantes. Depuis lors j'ai, du mieux que j'ai pu, conjointement aux sciences mathématiques, étudié les langues anciennes et modernes, parmi ces dernières particulièrement le fran?ais. Après m'être ainsi efforcé grace aux ressources actuelles dans le pays, de me rapprocher du but assigné, il me serait extrêmement utile, par un séjour à l'étranger près de plusieurs universités, surtout à Paris, où il se trouve aujourd'hui tant de mathématiciens éminents, d'apprendre à conna?tre les productions les plus récentes de la science, et de profiter des indications des hommes qui l'ont portée de notre temps à une si grande hauteur. J'ose donc, en raison de ce qui précède, et des attestations ci-jointes de mes supérieurs, prier très humblement Votre Majesté qu'il me soit accordé gracieusement une bourse de voyage de 600 species (3.360 francs) d'argent par an, pour continuer pendant deux ans, à Paris et à G?ttingen, à cultiver les sciences mathématiques.
Hansteen ajoute sa recommandation à la pétition d'Abel:
... Pendant le temps qu'il a ainsi, et surtout grace à la subvention de Votre Majesté, passé à l'Université, il a, dans plusieurs mémoires publiés dans le Magasin pour les Sciences physiques et naturelles, qui est édité ici, et plus encore par un travail plus important, non encore imprimé, relatif à un perfectionnement de méthode dans le calcul intégral, donné des preuves d'une ardeur et d'une puissance de travail rares, en même temps que de capacités exceptionnelles. Son caractère et sa moralité méritent un éloge égal, ce dont j'ai eu occasion de me convaincre par mes relations personnelles avec lui. Comme quelques indications des hommes les plus éminents dans une science ont souvent plus d'influence que la lecture prolongée des livres, je crois qu'un séjour de deux ans parmi les mathématiciens les plus éminents de notre temps serait pour M. le candidat [Note: Titre qui désigne l'étudiant ayant passé l'examen philosophicum.] Abel extrêmement profitable, et que la patrie, dans ces conditions, aura l'espoir le plus fondé de gagner en lui un savant dont elle aura honneur et profit.
Par une résolution royale du 27 ao?t 1825, la demande d'Abel fut accordée. Il y a peu d'actes gouvernementaux, dans l'histoire des pays scandinaves, dont les conséquences aient été plus grandes pour la science.
Bjerknes décrit de la manière suivante l'aspect extérieur d'Abel, lorsqu'il quitta son pays:
Abel avait des traits réguliers, on peut même dire vraiment beaux; son regard et ses yeux étaient d'une beauté peu commune; mais un teint pale, sans fra?cheur et sans éclat, ternissait l'agrément de sa figure. On était frappé de la conformation particulière de la tête avec son ovale saillant; le crane fortement développé semblait témoigner d'une intelligence extraordinaire. Sur son front haut et large, caché en partie par sa chevelure tombante, régnait une expression méditative. Un sentiment de bienveillance était empreint sur son visage.
Il existe un seul portrait original d'Abel certain. C'est un dessin à l'encre de Chine et au crayon, fait à Paris en 1826 par l'ami d'Abel, le peintre norvégien Goerbitz [Note: L'original est la propriété de Mme Thekla Lange, nièce d'Abel. Il a été photographié en 1882 à Stockholm, et une reproduction de cette photographie figure en tête de la revue mathématique scandinave, Acta mathematica, qui ainsi, quatre-vingts ans après la mort d'Abel, fit son entrée dans le monde sous son égide. L'original a été gravement ab?mé par des taches d'humidité, qui s'étendent de plus en plus.]. Personne, en voyant le dessin de Goerbitz, ne peut méconna?tre qu'il représente un jeune homme très exceptionnellement doué. De stature, Abel ressemblait, para?t-il, à son père, et il est par suite intéressant, pour le sculpteur qui sera chargé d'exécuter sa statue, qu'il existe une silhouette du père en pied.
Les amis de jeunesse d'Abel le dépeignent, à partir
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