pas toutefois, comme il arrive si souvent en pareil cas, être rattachée par deux ou trois générations à la classe des paysans-propriétaires. Le grand-père paternel, Hans Mathias Abel, était aussi prêtre, et descendait d'une famille considérée de fonctionnaires dano-norvégiens, probablement originaire du Slesvig danois, dont le premier membre norvégien, Mathias Abel, mourut comme employé dans l'administration préfectorale à Trondhjem en 1664. La femme de celui-ci, Karen fille de Rasmus, descendait de vieilles familles nobles norvégiennes. La mère d'Abel, Anna Marie Simonsen, appartenait à une famille norvégienne de négociants aisés.
La famille d'Abel compte de nombreux membres qui se sont distingués par leurs talents et leur intérêt pour les choses d'ordre intellectuel. L'aspect extérieur d'Abel est un héritage ancien dans la famille Abel, et ne vient pas du c?té maternel, comme le prouve la ressemblance frappante entre Abel lui-même et le frère cadet de son père, le sous-préfet (lensmand) M. C. Abel. Celui-ci, malgré son intelligence, qui a d? dépasser de beaucoup, si son apparence ne trompe pas, la mesure ordinaire, n'a guère acquis de célébrité, sinon que, lorsqu'il passa de la sous- préfecture d'Onsoe à celle d'Aremark, il re?ut un sucrier d'argent et un pot à crème avec l'inscription: ? En reconnaissance de quatorze années de bons services comme sous-préfet d'Onsoe, de la part d'une partie de la population ?, et qu'il épousa une femme très bien douée. Le grand- père paternel d'Abel était un homme énergique et remarquable, dont l'oeuvre principale para?t avoir été une action efficace contre le vice de l'époque, l'ivrognerie. Lui-même, afin de pouvoir poursuivre cette lutte avec un plus grand succès, devint un abstentionniste absolu, et a sans doute été un des premiers précurseurs de ce mouvement dans le Nord.
Le père d'Abel, s'il ne possédait pas la force de caractère du grand-père, a été manifestement un homme très distingué à beaucoup d'égards, ayant du go?t pour l'action et pour les intérêts généraux, et d'une capacité peu commune. Il fut membre du Storting extraordinaire qui se réunit le 7 octobre 1814, et il y prit place dans l'odelsting. [Note: L'Odelsting est formé de membres du Storting, élus par leurs collègues. Les lois sont discutées publiquement, en Norvège, d'abord dans l'Odelsting, puis dans les séances plénières du Storting.] Il parla en faveur de l'union avec la Suède, mais soutint que les Norvégiens étaient encore un peuple libre et indépendant, et devaient agir comme tel sous tous les rapports:
La Suède n'avait donc aucun droit d'attendre, continuait-il, que nous adoptions ses principes fondamentaux pour une union éventuelle; c'est à nous qu'il appartenait de proposer à ce royaume les conditions dans lesquelles les libres Norvégiens pourraient appeler les Suédois leurs frères. Lorsque par ces résolutions nous aurons pris les précautions convenables pour notre honneur national, notre liberté et nos droits civiques; lorsque nous aurons ainsi pris garde que toute oppression possible de quelque manière que ce soit, devienne impossible pour quelque régent que ce soit; alors soyons les premiers à tendre au peuple suédois une loyale main fraternelle; alors, comme une nation libre, offrons à Charles XIII le sceptre qui jusqu'alors ne lui était pas destiné. Oublions tout ce qui s'est passé, et souvenons-nous qu'à celui qui pardonne il sera pardonné. Si la constitution, pour la rédaction de laquelle nul n'a qualité, plus que les citoyens du pays qui doivent lui obéir, est rejetée par un régent en ce cas manifestement despotique, alors toute la puissance de la Norvège demeure: avec elle nous pouvons vaincre, avec elle nous pouvons mourir, et dans les deux cas nous pourrons par elle recouvrer notre honneur.
Dans le Storting de 1818, il fut un des rares qui luttèrent en faveur de l'enseignement de la langue maternelle et des sciences naturelles concurremment avec les langues classiques. Il trouvait ? singulier que l'on voul?t indéfiniment exclure la matière d'enseignement qui intéresse le plus les jeunes gens, les sciences naturelles ou la description de la nature ?.
La mère d'Abel était louée pour son exceptionnelle beauté. Elle était née dans une famille qui menait vie joyeuse et large, et elle se laissa aller, dès l'age de quinze ans, à l'abus de l'alcool. La conséquence fut une grande faiblesse de caractère et une vie de ménage malheureuse. Le père intelligent lutta longtemps contre l'ivrognerie, mais finit, sous l'influence de la mère, par en devenir lui-même une victime. Ainsi la maison du fils devint un foyer de ce vice que le père avait consacré sa vie à combattre. Ce vice fut transmis aux frères d'Abel, qui semblent tous avoir succombé à l'ivrognerie. Trois des frères moururent célibataires, déchus, et l'esprit plus ou moins égaré. Le quatrième frère, qui fut le camarade d'études d'Abel à l'université, et pour lequel il manifesta toujours une amitié attentive, devint prêtre comme le père et le grand- père, et laissa une descendance nombreuse. Lui aussi para?t avoir
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