Affaires
étrangères que M. Faugère gardait plus sévèrement encore que le
Cerbère de la Fable. Les minutiers de plusieurs notaires de Paris, les
chroniques manuscrites de ces bourgeois provinciaux, comme les De
Haussy, de Péronne, les terriers et les archives particulières, M. J. Lair
paraît avoir tout vu, tout mis en oeuvre et, si nous avions quelques
chicanes à lui adresser, ce ne pourrait être que pour quelques
interprétations de noms de lieux et encore peut-être craindrions-nous de
nous trouver battus, après l'avoir vu suivre sur les remparts de Nantes
les traces du cardinal de Retz et examiner des hauteurs voisines de
Pignerol les signaux que Foucquet aurait pu recevoir de ses affidés.
I
Nicolas Foucquet appartient à une famille connue depuis le milieu du
XVe siècle en Anjou et dont le premier représentant prit une part active
aux guerres contre les Anglais sous Charles VII. Ses descendants se
fixèrent à Angers, puis en Bretagne et à Paris. À la fin du XVIe siècle,
on les voit siéger dans les parlements de Paris et de Bretagne.
Le père de Nicolas, François, épousa une Maupeou; il devint maître des
requêtes puis conseiller d'État et fut un des collaborateurs de Richelieu
pour la réorganisation de la marine. Il fit partie de cette compagnie des
Cent-Associés qui devint plus tard la compagnie des Îles d'Amérique et
dont, soixante ans après, sa veuve conservait encore les actions depuis
longtemps dépréciées. C'était le Panama du temps.
Au cours d'une mission en Bretagne, François Foucquet fut désigné par
Louis XIII pour faire partie d'une Chambre de Justice, juridiction
exceptionnelle appelée à juger surtout les crimes de lèse-majesté et de
concussion. Celle-ci condamna et fit exécuter le prince de Chalais.
Moins d'un demi-siècle après, une autre Chambre de Justice devait à
son tour condamner Nicolas Foucquet, enlevé à ses juges naturels par
l'hostilité de Colbert et par la haine postume de Mazarin, et «des flots
du sang de Chalais dont Richelieu fut couvert, une goutte retomba sur
François Foucquet et ses enfants!»
Né en 1615, élevé chez les Jésuites et destiné d'abord à entrer dans les
ordres, Nicolas était à dix-huit ans conseiller au parlement de Metz.
Maître des requêtes deux ans plus tard, il appartenait à ce corps à la fois
administratif et judiciaire, dont, à Paris une partie des membres
jugeaient, aux Requêtes de l'Hôtel, les affaires et les questions d'offices,
ou siégeaient au Parlement, tandis que d'autres, vraie pépinière d'une
administration encore en enfance, remplissaient les fonctions
d'intendants de police, justice et finance, dans les provinces ou celles
d'intendants et de commissaires du Roi aux armées.
C'est seulement à la veille de la Fronde que commence réellement le
rôle de Foucquet. Jusque là, envoyé tantôt à Grenoble, tantôt en
Catalogne et en Flandre, ou chargé de présider à Paris des commissions
financières, il n'avait pas été mêlé à la politique générale et n'avait été
appelé à occuper que des postes secondaires.
II
Désigné au début de la Fronde pour remplir les fonctions nouvellement
créées et encore mal définies d'Intendant de Paris, Foucquet se trouva,
par ses origines et par cette nomination, engagé dans le parti royal, bien
qu'il ne cessât pas cependant de siéger à la grande chambre du
Parlement parmi les maîtres des requêtes. Mais la situation ne tarda pas
à s'aggraver, le parlement fit de beaux projets de réforme et notamment
supprima les intendants, mesures auxquelles Mazarin répondit en
proposant de supprimer le paiement des rentes, afin d'avoir plus
d'argent disponible pour faire subsister les services publics.
Il faudrait entrer ici, avec M. Lair, dans un examen détaillé des
procédés financiers mis en oeuvre dans les premières années du règne
de Louis XIV et continués malgré lui par Foucquet, pour expliquer la
disgrâce du surintendant des finances Émery et les précautions prises
par son associé Particelli pour mettre à l'abri des recherches du
Cardinal la cassette aux reçus.
Le roi, ou mieux le gouvernement, quand il avait besoin d'argent,
recourait aux emprunts faits à des particuliers, à la vente anticipée des
fermes ou du revenu des impôts, parfois même à l'engagement des
diamants de la Couronne et subvenait par des assignations, ou ce que
l'on appelle aujourd'hui des bons du trésor, au remboursement des
avances qui lui étaient faites. Seulement le roi n'empruntait pas
lui-même et c'était le surintendant qui, comme nos Sociétés financières
actuelles, souscrivait en quelque sorte d'avance l'emprunt, et pour y
faire face, s'aidait du crédit de ses parents ou de ses amis, auxquels il
donnait en garantie sa signature personnelle ou un engagement sur ses
biens. Plus tard, il se couvrait auprès du souverain, en se faisant allouer
des retenues sur les places disponibles, des parts dans les marchés, des
pots-de-vin, pour appeler les choses par leur nom.
On comprend facilement quels étaient les côtés défectueux de ce
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