Nicolas Foucquet, surintendant des finances | Page 7

Arthur de Marsy
sur un échafaud devant la Bastille et à ce que ses biens soient confisqués; plusieurs suivent son avis, d'autres, excusant le surintendant, ne réclament que le bannissement ou la relégation, un d'entre eux, voulant le punir par où il avait péché, c'est-à-dire dans son orgueil, propose de raser Vaux, d'en abattre les bois, d'en rompre les fontaines et d'en combler les fossés.
Enfin, malgré une violente pression et les vives sollicitations de ses ennemis, au milieu de décembre 1664, Foucquet ne fut condamné par la Chambre, qu'au bannissement hors du royaume, et à la confiscation de ses biens. Condamné en fait, il était acquitté en droit.
Louis XIV ne cachait pas que, si Foucquet eut été condamné à mort, il l'aurait laissé mourir et Colbert craignait, qu'une fois en liberté, il ne publiat hors de France des écrits, des libellés contre Mazarin et contre lui; aussi suggéra-t-il au roi l'idée de commuer la peine du bannissement en celle de la prison perpétuelle, à cause du danger qu'il y avait à laisser sortir Foucquet du royaume, vu la connaissance particulière qu'il avait des affaires les plus importantes de l'état, singulière commutation, on le voit, que celle qui devait jusqu'à sa mort priver un homme de sa liberté et le faire maintenir pendant de longues années dans le secret le plus étroit, en laissant même pendant longtemps ignorer à sa famille ce qu'il était devenu.
La Chambre de Justice n'avait eu, en réalité, pour objet, que le jugement de Foucquet et s'il lui avait été donné, au civil, de supprimer un million sur les tailles, et d'opérer un petit nombre de réformes utiles, elle n'avait, au criminel, jugé que des contumaces comme Bruant et Gourville et condamné à mort que quelques misérables comme ce Dumont, de Crépy, dont nous avons parlé. Elle n'avait pas su trouver Foucquet assez criminel pour le faire mourir, aussi son épuration fut-elle d'abord décrétée, et plus tard elle ne resta qu'à l'état de fant?me pour enregistrer des décisions imposées et rendre des arrêts faits d'avance chez le contr?leur général.

V
Le 27 décembre 1664, les formalités de la lecture de l'arrêt étaient remplies à la Bastille. Le même jour, un carrosse sortait de la prison aux acclamations du peuple, dans l'esprit duquel un revirement s'était fait en faveur du prisonnier. D'Artagnan conduisait Foucquet à Pignerol, et le 16 janvier 1665, ils arrivaient dans cette petite place du Piémont, cédée à Louis XIII, à la suite d'une négociation à laquelle le père de Foucquet avait pris une part active.
Le gardien qui ne devait le quitter qu'au lit de mort était Louis d'Auvergne, sieur de Saint-Mars, son parent éloigné, ce que tous deux paraissent avoir toujours ignoré.
Peu de temps après sa détention, Foucquet échappa à une terrible explosion qui ébranla le donjon de Pignerol jusque dans ses fondements et Ménage s'autorisait de cet évènement pour solliciter, en vers latins, la grace de Foucquet dans une pièce qu'il adressait à Louis XIV. Le Roi devait rester sourd à cette supplique ainsi qu'à toutes celles qui lui seraient présentées en faveur de son ancien ministre. Cet évènement devait même rendre Foucquet l'objet d'une surveillance plus rigoureuse, car, dans le dossier d'un fauteuil brisé, on avait trouvé des papiers écrits avec une encre sympathique.
La température glaciale de Pignerol pendant l'hiver autant que la chaleur concentrée au milieu des rochers pendant l'été ne tardèrent pas à altérer la santé de Foucquet, et les deux valets qu'on avait placés auprès de lui en souffraient également. En 1670, Laforêt, son ancien serviteur, chercha à s'introduire dans le chateau dans le but de le délivrer, mais sa tentative fut découverte et Foucquet put voir son corps balancé à la potence. Du reste sa résignation était des plus grandes et Saint-Mars pouvait écrire de lui à Louvois ?M. Foucquet est un agneau.?
Il n'en disait pas autant d'un autre prisonnier qui lui avait été envoyé en 1671, Lauzun, dont la principale occupation fut de faire endiabler son gardien. Les ordres les plus sévères avaient été donnés pour empêcher les deux prisonniers de communiquer, et cependant, un jour, Lauzun, dans son esprit inventif, trouva le moyen de pénétrer dans la chambre de Foucquet et chaque jour il y revenait, lui racontant ce qui s'était passé depuis quinze ans qu'il était séparé du monde.
En 1679, Lauzun et Foucquet furent autorisés à communiquer ensemble, mais ce ne fut qu'après la mort de ce dernier que Saint-Mars trouva la cachette qui leur servait de passage pour aller de l'un chez l'autre.
Pendant les quatre dernières années de sa vie, l'existence de l'ex-surintendant devint plus tolérable, bien qu'il fut toujours maintenu dans le secret le plus absolu; il fut autorisé à recevoir des nouvelles de sa femme et de sa mère, et il re?ut papier et encre avec la permission d'écrire à Louvois. Il en profita aussit?t pour rédiger
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