partait pour Nantes où il devait tenir les états de Bretagne; Le Tellier, Colbert, Foucquet et Lionne l'accompagnaient. L'arrestation du surintendant était décidée et, au lendemain du jour où il obtenait des états de Bretagne un don gratuit de trois millions pour le Roi, D'Artagnan, porteur d'ordres signés de Le Tellier, l'arrêtait sur la place de la Cathédrale. Ses papiers étaient saisis à la fois à Paris, à Vaux, à Saint-Mandé, chez ses amis, sa caisse ouverte (mais elle ne renfermait pas un sou vaillant), sa femme exilée à Limoges, et ses enfants quasi jetés sur le pavé, sans la pitié de M. de Brancas.
Huit jours plus tard, la surintendance était supprimée et remplacée par un conseil des finances, une Chambre de Justice était établie le 15 novembre avec mission de poursuivre les abus et malversations commises dans les finances depuis 1635. Elle devait rechercher et punir aussi ?tous les crimes et délits commis à l'occasion d'icelles par quelques personnes et de quelque qualité qu'elles soient?. Denis Talon était désigné pour y remplir les fonctions de procureur général et le chancelier Séguier celles de président. Des magistrats, triés sur le volet dans les divers parlements et dans d'autres juridictions, étaient choisis pour la composer.
Foucquet, transféré d'abord à Angers, puis à Amboise, était prisonnier à Vincennes, soumis au secret le plus absolu, privé de papier, d'encre et de livres. En trois mois ses cheveux naguères bruns avaient complètement blanchi.
Pendant six mois, on ne lui notifie aucun acte de procédure; à ce moment seulement on lui fait subir un premier interrogatoire de forme, dont on refuse de lui laisser copie.
Nous ne pouvons suivre par le menu toute cette procédure, qui ne dure pas moins de trois ans et dans laquelle Foucquet trouve réponse à toutes les questions, prépare une défense qui ne comprend pas moins de seize volumes et qu'il rédige sans notes, sans documents avec ses seuls souvenirs, récusant le chancelier, s'inscrivant en faux contre les procès-verbaux, argumentant contre Chamillart, nommé procureur général à la place de Talon et lui reprochant tant?t de ne pas lui faire voir sa commission, tant?t d'ignorer l'orthographe. Quelques lignes de cet interrogatoire sont curieuses à rapporter. ?Le Roi, dit Chamillart ne m'a choisi que pour faire justice.--Soit, réplique l'accusé, mais je ne suis pas persuadé que ce changement ait été fait pour mon plaisir. C'est assez que mes ennemis vous aient choisi pour motiver quelque suspicion.--Et, à ces mots de Chamillart, qui, précédemment était chargé de poursuivre la réformation des abus des ma?tres des eaux et forêts, Monsieur, je travaillais dans la forêt de Compiègne, quand le Roi m'a nommé sans entremise de personne.--Foucquet, faisant allusion aux récents actes de brigandage qui avaient été commis dans nos environs, termine l'entretien en lui disant: Ce mot de forêt m'est suspect, il suffit à désigner qui vous a mis en votre place.?
Pendant que s'instruisait le procès de Foucquet, quelques autres affaires étaient soumises à la Chambre de Justice. Dans le nombre, il en est une qui concerne des personnages de notre pays et qu'à ce titre nous résumerons en quelques lignes:
?On détenait dans les prisons de Paris, dit M. Lair, un homme appelé Dumont, ancien receveur des tailles à Crépy (en Valois). Arrêté en décembre 1662, il avait été en janvier 1663 jugé et condamné à mort, pour crime de péculat, par un de ces sous-commissaires qui rempla?aient en province la Chambre de Justice. Celui-là se nommait Charmolue, trésorier de France à Soissons, homme non gradué et assisté, pour la forme, d'un juge choisi par lui. L'affaire était depuis lors en appel devant le Parlement. Si l'on parvenait à faire confirmer la sentence, quel préjugé contre Foucquet!?
Sans entrer dans les détails du procès, auquel nous fait assister notre auteur, faisant conna?tre et l'interrogatoire de l'accusé et l'opinion des juges, qu'il nous suffise de dire que Dumont fut condamné, par treize voix contre huit, ?pour crime de péculat et de concussion à être étranglé.? Le soir même, une potence était dressée au carrefour de la Bastille et on y pendait ce malheureux. ?Le receveur des tailles de Crépy avait été pris comme un mannequin qu'on voulait balancer à la potence devant les fenêtres de la prison de Foucquet.?
Au bout de ces trois années, le procès du surintendant était terminé, l'instruction, les interrogatoires, les rapports étaient achevés, les délibérations durèrent cinq jours, pendant lesquels les avis les plus divers furent émis, appuyés sur des textes et des opinions de tout genre, les uns rappelant le procès de Verrès et citant Cicéron et Tite-Live, les autres invoquant les pères de l'église ou le témoignage de saint Louis. Nous n'en citerons que quelques-uns. Sainte-Hélène déclare que Foucquet mérite d'être pendu, mais par concession, eu égard à sa naissance et à ses dignités, il consent à ce qu'on lui tranche la tête
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