Morphine
The Project Gutenberg EBook of Morphine, by Jean-Louis Dubut de Laforest This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org
Title: Morphine
Author: Jean-Louis Dubut de Laforest
Release Date: February 6, 2006 [EBook #17688]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MORPHINE ***
Produced by Carlo Traverso, Eric Vautier and the Online Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica)
DUBUT DE LAFOREST
MORPHINE
PARIS E. DENTU, éDITEUR
1891
AU PROFESSEUR CESARE LOMBROSO,
A l'illustre auteur de l'Uomo delinquente et de Genio e Follia_.
Au ma?tre qui m'a donné la plus grande fortune que puisse souhaiter un écrivain, en commentant mes livres dans ses admirables le?ons sur l'anthropologie criminelle,
Je dédie ce roman._
DUBUT DE LAFOREST.
I
Une nuit de novembre 1889.--Au café de la Paix, dans l'une des petites salles chaudes et moelleuses dont les portes ouvrent sur la place de l'Opéra, la pendule marquait onze heures, lorsque Jean de Fayolle posa le dé de la victoire, en disant: ?Domino!?
Fayolle, capitaine du 15e cuirassiers, un jeune et vert gaillard, moustachu de roux, occupait un coin de la banquette de rouge velours, et à sa droite et devant lui se tenaient ses deux adversaires: le major Edgard Lapouge, grand blondin, aux blondeurs flavescentes, avec de gros yeux bleus très expressifs, derrière un binocle d'or;--Arnould-Castellier, directeur de la Revue militaire, une ancienne et honorable culotte de peau, vieille tête blanchie dans les grades inférieurs, toujours à l'ordonnance, et malgré la bedaine et les joues rubicondes, essayant de lutter contre l'empatement civil et se donnant des allures d'activité par ses gestes brusques, sa voix impérative, ses rudes moustaches neigeuses et coupées en brosse.
--Et Pontaillac, viendra-t-il, oui ou non? demanda le major.
--Il viendra, répondit Fayolle.
--Jamais!... Pas de Pontaillac! intervint de la table voisine, le lieutenant Léon Darcy, brun et gentil cuirassier, également du 15e qui humait un sherry-gobler, en écoutant les histoires dr?les de deux horizontales assises à ses c?tés.
--Qu'en savez-vous, Darcy? fit le capitaine.
--Pontaillac est à l'Opéra, et il ne s'ennuie pas, dans une loge d'entre-colonnes, avec une charmante femme.
--La marquise de Montreu? interrogea Arnould-Castellier.
--Précisément.
Le capitaine de Fayolle alluma un cigare:
--Vous êtes fou, Darcy! Notre brave Pontaillac n'a d'yeux et d'oreilles que pour la Stradowska, et il a bien raison: la grande artiste russe est un morceau de rois, je veux dire de capitaines de cuirassiers.
--Pontaillac est de taille à mener deux amours! insista le lieutenant.
--Trois! gronda le major Lapouge.
--Comment, trois?
--Vous oubliez, messieurs, la plus chère de ses ma?tresses, la plus perfide et la plus dangereuse.
--C'est?
--La morphine.
A ce mot de ?morphine?, les deux femmes qui amusaient Léon Darcy s'approchèrent curieusement des joueurs, mais le major ne voulut donner aucune explication.
Bient?t, la bataille recommen?a, et on n'entendit plus que des voix grêles et potinières, avec le refrain des joueurs et le cliquetis des dominos, sur la table de marbre.
--A vous, la pose.
--J'ai le patard.
--Du quatre.
--Et du re-quatre.
Entre les deux horizontales de haute marque, Léon Darcy luttait de propos galants pour la joie de la brune Thérèse de Roselmont et de la blonde Luce Molday, très gentilles et capiteuses, la première en rouge, la seconde en bleu, toutes deux étincelantes de diamants.
Le jeune officier et les dames parlèrent de la Stradowska dont tous les journaux affirmaient le succès de femme et d'artiste. Elle arrivait de Pétersbourg, son pays: là-bas, elle venait d'ensorceler bo?ards et princes, de ruiner un des grands-ducs, et elle possédait des trésors inestimables, en son h?tel de la Villa Sa?d: telle était la légende parisienne.
--Et le capitaine de Pontaillac est l'amant de cette femme? minauda Thérèse à l'oreille de Léon.
--Mais oui!
--Il est donc bien riche? dit Luce.
--Assez... Deux cent mille livres de rentes.
--Joli gar?on?
--Regarde, chère, conclut Darcy, en désignant l'homme qui entrait.
--Ah! voilà Pontaillac! s'écrièrent Fayolle et Arnould-Castellier.
Et tandis que le comte Raymond de Pontaillac serrait les mains des amis, les deux horizontales le regardèrent, prises d'une sensation inédite qui les secouait de leur torpeur de commer?antes blasées, les piquait d'un désir luxurieux, les jetait hors d'elles-mêmes.
Il avait trente ans; il était de haute taille, avec de larges épaules, une poitrine solide, un visage bronzé, des cheveux bruns et courts, de noires et voluptueuses moustaches, un nez évoquant le souvenir des Valois, des lèvres de chair rose, de jolies dents et des extrémités fort délicates pour une académie si robuste: sous des sourcils épais, ses grands yeux chatains, frangés de longs cils, brillaient tant?t de doux éclats et tant?t ils s'immobilisaient en ce rayon ardent et fixe, en cette presque surnaturelle lumière que l'on observe chez les hypnotisés. Par la pelisse entrebaillée, par la riche fourrure, l'habit, le gilet à coeur et le pantalon noir
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.