Monsieur Parent | Page 6

Guy de Maupassant
fr��missait de l'envie violente de lui arracher la barbe et les joues avec ses ongles. Dans la voix, dans le ton, dans l'allure, elle sentait bien la r��volte, quoiqu'elle ne p?t rien r��pondre; et elle cherchait �� reprendre l'offensive par quelque mot direct et blessant.
--Tu as d?n��? dit-elle.
--Non, j'ai attendu.
Elle haussa les ��paules avec impatience.
--C'est stupide d'attendre apr��s sept heures et demie. Tu aurais d? comprendre que j'avais ��t�� retenue, que j'avais eu des affaires, des courses.
Puis, tout �� coup, un besoin lui vint d'expliquer l'emploi de son temps, et elle raconta, avec des paroles br��ves, hautaines, qu'ayant eu des objets de mobilier �� choisir tr��s loin, tr��s loin, rue de Rennes, elle avait rencontr�� Limousin �� sept heures pass��es, boulevard Saint-Germain, en revenant, et qu'alors elle lui avait demand�� son bras pour entrer manger un morceau dans un restaurant o�� elle n'osait p��n��trer seule, bien qu'elle se sent?t d��faillir de faim. Voil�� comment elle avait d?n��, avec Limousin, si on pouvait appeler cela d?ner; car ils n'avaient pris qu'un bouillon et un demi-poulet, tant ils avaient bate de revenir.
Parent r��pondit simplement:--Mais tu as bien fait. Je ne t'adresse pas de reproches.
Alors Limousin, rest�� jusque-l�� muet, presque cach�� derri��re Henriette, s'approcha et tendit sa main en murmurant:
--Tu vas bien?
Parent prit cette main offerte, et, la serrant mollement:--Oui, tr��s bien.
Mais la jeune femme avait saisi un mot dans la derni��re phrase de son mari.
--Des reproches... pourquoi parles-tu de reproches?... On dirait que tu as une intention.
Il s'excusa:--Non, pas du tout. Je voulais simplement te r��pondre que je ne m'��tais pas inqui��t�� de ton retard et que je ne t'en faisais point un crime.
Elle le prit de haut, cherchant un pr��texte �� querelle:--De mon retard?... On dirait vraiment qu'il est une heure du matin et que je passe la nuit dehors.
--Mais non, ma ch��re amie. J'ai dit ?retard? parce que je n'ai pas d'autre mot. Tu devais rentrer �� six heures et demie, tu rentres �� huit heures et demie. C'est un retard, ?a! Je le comprends tr��s bien; je ne... ne... ne m'en ��tonne m��me pas... Mais... mais... il m'est difficile d'employer un autre mot.
--C'est que tu le prononces comme si j'avais d��couch��...
--Mais non... mais non...
Elle vit qu'il c��derait toujours, et elle allait entrer dans sa chambre, quand elle s'aper?ut enfin que Georges hurlait. Alors elle demanda, avec un visage ��mu:
--Qu'a donc le petit?
--Je t'ai dit que Julie l'avait un peu maltrait��.
--Qu'est-ce qu'elle lui a fait, cette gueuse?
--Oh! presque rien. Elle l'a pouss�� et il est tomb��.
Elle voulut voir son enfant et s'��lan?a dans la salle �� manger, puis s'arr��ta net devant la table couverte de vin r��pandu, de carafes et de verres bris��s, et de sali��res renvers��es.
--Qu'est-ce que c'est que ce ravage-l��?
--C'est Julie qui...
Mais elle lui coupa la parole avec fureur:
--C'est trop fort, �� la fin! Julie me traite de d��vergond��e, bat mon enfant, casse ma vaisselle, bouleverse ma maison, et il semble que tu trouves cela tout naturel.
--Mais non... puisque je l'ai renvoy��e.
--Vraiment!... Tu l'as renvoy��e!... Mais il fallait la faire arr��ter. C'est le commissaire de police qu'on appelle dans ces cas-l��!
Il balbutia:--Mais... ma ch��re amie... je ne pouvais pourtant pas... il n'y avait point de raison... Vraiment, il ��tait bien difficile...
Elle haussa les ��paules avec un infini d��dain.
--Tiens, tu ne seras jamais qu'une loque, un pauvre sire, un pauvre homme sans volont��, sans fermet��, sans ��nergie. Ah! elle a d? t'en dire de raides, ta Julie, pour que tu te sois d��cid�� �� la mettre dehors. J'aurais voulu ��tre l�� une minute, rien qu'une minute.
Ayant ouvert la porte du salon, elle courut �� Georges, le releva, le serra dans ses bras en l'embrassant: ?Georget, qu'est-ce que tu as, mon chat, mon mignon, mon poulet??
Caress�� par sa m��re, il se tut. Elle r��p��ta:
--Qu'est-ce que tu as?
Il r��pondit, ayant vu trouble avec ses yeux d'enfant effray��:
--C'est Zulie qu'a battu papa.
Henriette se retourna vers son mari, stup��faite d'abord. Puis une folle envie de rire s'��veilla dans son regard, passa comme un frisson sur ses joues fines, releva sa l��vre, retroussa les ailes de ses narines, et enfin jaillit de sa bouche en une claire fus��e de joie, en une cascade de gaiet��, sonore et vive comme une roulade d'oiseau. Elle r��p��tait, avec de petits cris m��chants qui passaient entre ses dents blanches et d��chiraient Parent ainsi que des morsures: ?Ah!... ah!... ah!... ah!... elle t'a ba... ba... battu... Ah!,., ah!... ah!... que c'est dr?le... que c'est dr?le... Vous entendez, Limousin. Julie l'a battu... battu... Julie a battu mon mari... Ah!... ah!... ah!... que c'est dr?le!...
Parent balbutiait:
--Mais non... mais non... ce n'est pas vrai... ce n'est pas vrai... C'est moi, au contraire, qui l'ai jet��e dans la salle �� manger, si fort qu'elle a boulevers�� la table. L'enfant a mal vu. C'est moi qui l'ai battue!
Henriette disait �� son fils:--R��p��te, mon poulet.
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 60
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.