Monsieur Parent | Page 2

Guy de Maupassant
et quand on l'attend, tant pis, un r?ti ne doit pas ��tre br?l��!
M. Parent feignait de ne point ��couter. Il murmura: ?C'est bon, c'est bon. Il faut laver les mains de Georges qui a fait des pat��s de sable. Moi, je vais me changer. Recommande �� la femme de chambre de bien nettoyer le petit.?
Et il entra dans son appartement. D��s qu'il y fut, il poussa le verrou pour ��tre seul, bien seul, tout seul. Il ��tait tellement habitu��, maintenant, �� se voir malmen�� et rudoy�� qu'il ne se jugeait en s?ret�� que sous la protection des serrures. Il n'osait m��me plus penser, r��fl��chir, raisonner avec lui-m��me, s'il ne se sentait garanti par un tour de clef contre les regards et les suppositions. S'��tant affaiss�� sur une chaise pour se reposer un peu avant de mettre du linge propre, il songea que Julie commen?ait �� devenir un danger nouveau dans la maison. Elle ha?ssait sa femme, c'��tait visible; elle ha?ssait surtout son camarade Paul Limousin rest��, chose rare, l'ami intime et familier du m��nage, apr��s avoir ��t�� l'ins��parable compagnon de sa vie de gar?on.
C'��tait Limousin qui servait d'huile et de tampon entre Henriette et lui, qui le d��fendait, m��me vivement, m��me s��v��rement, contre les reproches imm��rit��s, contre les sc��nes harcelantes, contre tontes les mis��res quotidiennes de son existence.
Mais voil�� que, depuis bient?t six mois, Julie se permettait sans cesse sur sa ma?tresse des remarques et des appr��ciations malveillantes. Elle la jugeait �� tout moment, d��clarait vingt fois par jour: ?Si j'��tais Monsieur, c'est moi qui ne me laisserais pas mener comme ?a par le nez. Enfin, enfin... Voil��... chacun suivant sa nature.?
Un jour m��me elle avait ��t�� insolente avec Henriette, qui s'��tait content��e de dire, le soir, �� son mari: ?Tu sais, �� la premi��re parole vive de cette fille, je la flanque dehors, moi.? Elle semblait cependant, elle qui ne craignait rien, redouter la vieille servante; et Parent attribuait cette mansu��tude �� une consid��ration pour la bonne qui l'avait ��lev��, et qui avait ferm�� les yeux de sa m��re.
Mais c'��tait fini, les choses ne pourraient tra?ner plus longtemps; et il s'��pouvantait a l'id��e de ce qui allait arriver. Que ferait-il? Renvoyer Julie lui apparaissait comme une r��solution si redoutable, qu'il n'osait y arr��ter sa pens��e. Lui donner raison contre sa femme, ��tait ��galement impossible; et il ne se passerait pas un mois maintenant, avant que la situation devint insoutenable entre les deux.
Il restait assis, les bras ballants, cherchant vaguement des moyens de tout concilier, et ne trouvant rien. Alors il murmura: ?Heureusement que j'ai Georges... Sans lui, je serais bien malheureux.?
Puis l'id��e lui vint de consulter Limousin; il s'y r��solut; mais aussit?t le souvenir de l'inimiti�� n��e entre sa bonne et son ami lui fit craindre que celui-ci ne conseillat l'expulsion; et il demeurait de nouveau perdu dans ses angoisses et ses incertitudes.
La pendule sonna sept heures. Il eut un sursaut. Sept heures, et il n'avait pas encore chang�� de linge! Alors, effar��, essouffl��, il se d��v��tit, se lava, mit une chemise blanche, et se rev��tit avec pr��cipitation, comme si on l'e?t attendu dans la pi��ce voisine pour un ��v��nement d'une importance extr��me.
Puis il entra dans le salon, heureux de n'avoir plus rien �� redouter.
Il jeta un coup d'oeil sur le journal, alla regarder dans la rue, revint s'asseoir sur le canap��; mais une porte s'ouvrit, et son fils entra, nettoy��, peign��, souriant. Parent le saisit dans ses bras et le baisa avec passion. Il l'embrassa d'abord dans les cheveux, puis sur les yeux, puis sur les joues, puis sur la bouche, puis sur les mains. Puis il le fit sauter en l'air, l'��levant jusqu'au plafond, au bout de ses poignets. Puis il s'assit, fatigu�� par cet effort; et prenant Georges sur un genou, il lui fit faire ?�� dada?.
L'enfant riait enchant��, agitait ses bras, poussait des cris de plaisir, et le p��re aussi riait et criait de contentement, secouant son gros ventre, s'amusant plus encore que le petit.
Il l'aimait de tout son bon coeur de faible, de r��sign��, de meurtri. Il l'aimait avec des ��lans fous, de grandes caresses emport��es, avec toute la tendresse honteuse cach��e en lui, qui n'avait jamais pu sortir, s'��pandre, m��me aux premi��res heures de son mariage, sa femme s'��tant toujours montr��e s��che et r��serv��e.
Julie parut sur la porte, le visage pale, l'oeil brillant, et elle annon?a d'une voix tremblante d'exasp��ration:
--Il est sept heures et demie, Monsieur.
Parent jeta sur la pendule un regard inquiet et r��sign��, et murmura:
--En effet, il est sept heures et demie.
--Voil��, mon d?ner est pr��t, maintenant.
Voyant l'orage, il s'effor?a de l'��carter:
--Mais ne m'as-tu pas dit, quand je suis rentr��, que tu ne le ferais que pour huit heures?
--Pour huit heures!... Vous n'y pensez pas, bien s?r! Vous n'allez pas vouloir faire manger le petit �� huit heures maintenant: On dit
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