que les choses qui sont exprim��es par le langage, mon amie ne t'aurait offert aucun sens; mais peut-��tre l'eusses-tu jug��e stupide. Car, le plus souvent, ses paroles--que l'ivresse m��me les dictat--ne signifiaient rien, semblables �� des grelots qu'agite un matin de carnaval; et sa cervelle ��tait comme cette mousse qu'on voit se tourner en poussi��re sur les rocs br?lants de l'��t��.
Et pourtant elle a march�� devant moi telle que si ma propre pens��e, ��pousant les nombres o�� la beaut�� est soumise, avait rev��tu un corps glorieux. ��nigme elle-m��me, elle m'a r��v��l�� parfois un peu de la Grande ��nigme: c'est alors qu'elle m'apparaissait comme un microcosme; que ses gestes figuraient �� mes yeux l'ordre m��me et la raison cach��e des apparences o�� nous nous agitons.
En elle j'ai compris que chaque chose contient toutes les autres choses, et qu'elle y est contenue. De m��me que l'ame aromatique de Cern��, un sachet la garde prisonni��re; ou qu'on peut deviner dans un sourire de femme tout le secret de son corps; les objets les plus disparates--Nane me l'enseigna--sont des correspondances; et tout ��tre, une image de cet infini et de ce multiple qui l'accablent de toutes parts.
Car sa chair, o�� tant d'artistes et de voluptueux go?t��rent leur joie, n'est pas ce qui m'a le plus ��pris de Nane la bien model��e. Les courbes de son flanc ou de sa nuque, dont il semble qu'elles aient ob��i au pouce d'un potier sans reproche, la d��licatesse de ses mains, et son front orgueilleusement recourb��, comme aussi ces caresses singuli��res qui inventaient une volupt�� plus vive au milieu m��me de la volupt��, se peuvent d��couvrir en d'autres personnes. Mais Nane ��tait bien plus que cela, un signe ��crit sur la muraille, l'hi��roglyphe m��me de la vie: en elle, j'ai cru contempler le monde.
Non, les ondulations du fleuve Oc��an, ni les noeuds de la vip��re ivre de chaleur qui dort au soleil, toute noire, ne sont plus perfides que ses ��treintes. Du plus beau verger de France, et du plus bel automne, quel fruit te saurait rafra?chir, comme ses baisers d��salt��raient mon coeur? Sache encore que l'architecture de ses membres pr��sente toute l'audace d'une g��om��trie raffin��e; et que, si j'ai observ�� avec soin le rythme de sa d��marche ou de ses abandons, c'��tait pour y embrasser les lois de la sagesse.
Et voici, sous les trois robes du mot, que je te les pr��sente, ? lecteur, pareilles �� des captives d'un grand prix. D��couvre-les, et avec elles le secret de ce livre. Va, ne t'arr��te pas �� la trivialit�� des fables, au vide des paroles, ni �� ce qu'on nomme: l'ironie des opinions. L��ve un voile, un voile encore; il y a toujours, sous un symbole, un autre symbole. Mais pour toi seul qui le savais d��j��, puisqu'on enseigne aux hommes cette v��rit��-l�� seulement que d'avance ils portaient dans leur ame.
S'il t'ennuie toutefois de p��n��trer aussi avant, tu pourras te r��cr��er aux choses qui sont ici ��crites touchant l'amour. Ne crois pas, au moins, que celui-l�� e?t m��rit�� le m��pris, qui aurait aim�� mon amie tout simplement. Car il y a une religion au fond de l'amour, comme du savoir. Et la volupt�� elle-m��me a ses myst��res.
En cas que tu n'y veuilles souscrire, j'��voquerai pour toi,--par un apr��s-midi d'ao?t, tandis que le soleil ��clate et d��vore l'ombre bleue au pied des murs,--l'alc?ve o�� mon amie, lasse de rayons et lasse d'aimer, repose dans le silence. Parfois elle soul��ve les paupi��res; et tu verrais alors palpiter la lumi��re de ses yeux, comme un ��clair de chaleur au fond de la nuit.
I
Les Sir��nes
?At tuba, terribili sonitu, taratantara dixit.?
(ENNIUS, Annal.)
C'��tait des cris dont on demeurait ��tonn��; un airain aigre, retentissant, qui, dans la nuit faisait: Ho?o?o?o?....
A cette ��poque mon amie Nane ��tait presque une inconnue pour moi, bien loin de m'appartenir en propre. A vrai dire, et dans la suite m��me, je n'ai jamais recherch�� le monopole de sa tendresse. N'e?t-ce pas ��t�� de l'��go?sme? Outre qu'il en faudrait avoir les moyens.
A cette ��poque donc, Nane passait pour ��tre la propri��t�� exclusive de B��lesbat, le Hautfournier. Cet industriel, qui crevait sous lui de chiffres et de plans les ing��nieurs les plus endurcis; dont l'ame tout arithm��tique aurait ramen�� aux quatre op��rations la beaut��, l'h��ro?sme, la haine m��me, ne d��daignait pas toujours d'acqu��rir des choses gracieuses, encore qu'inutiles. En fait Nane lui ��tait d'aussi peu de produit qu'un buisson de roses, un hamac, une habanera; et l'on ignorera toujours pourquoi il conservait une employ��e aussi co?teuse. Peut-��tre que cette v��g��tative idole, languissant sous l'��corce des soies et les pierres de ses colliers barbares, le consolait d'��tre lui-m��me aussi fi��vreusement mal v��tu. Peut-��tre qu'il aimait �� voir reluire dans ses yeux mordor��s les reflets inestimables de l'or, et peut-��tre encore qu'il l'avait lou��e simplement comme une enseigne �� sa richesse.
Au moins n'��tait-elle pas son
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.