le monde rentra. Deux soldats avaient ��t�� tu��s, et trois autres bless��s par leurs camarades dans l'ardeur de la chasse et l'effarement de cette poursuite nocturne.
On n'avait pas retrouv�� Rachel.
Alors les habitants furent terroris��s, les demeures boulevers��es, toute la contr��e parcourue, battue, retourn��e. La juive ne semblait pas avoir laiss�� une seule trace de son passage.
Le g��n��ral, pr��venu, ordonna d'��touffer l'affaire, pour ne point donner de mauvais exemple dans l'arm��e, et il frappa d'une peine disciplinaire le commandant, qui punit ses inf��rieurs. Le g��n��ral avait dit: ?On ne fait pas la guerre pour s'amuser et caresser des filles publiques.? Et le comte de Farlsberg, exasp��r��, r��solut de se venger sur le pays.
Comme il lui fallait un pr��texte afin de s��vir sans contrainte, il fit venir le cur�� et lui ordonna de sonner la cloche �� l'enterrement du marquis d'Eyrik.
Contre toute attente, le pr��tre se montra docile, humble, plein d'��gards. Et quand le corps de Mlle Fifi, port�� par des soldats, pr��c��d��, entour��, suivi de soldats qui marchaient le fusil charg��, quitta le chateau d'Uville, allant au cimeti��re, pour la premi��re fois la cloche tinta son glas fun��bre avec une allure all��gre, comme si une main amie l'e?t caress��e.
Elle sonna le soir encore, et le lendemain aussi, et tous les jours; elle carillonna tant qu'on voulut. Parfois m��me, la nuit, elle se mettait toute seule en branle, et jetait doucement deux ou trois sons dans l'ombre, prise de ga?t��s singuli��res, r��veill��e on ne sait pourquoi. Tous les paysans du lieu la dirent alors ensorcel��e; et personne, sauf le cur�� et le sacristain, n'approchait plus du clocher.
C'est qu'une pauvre fille vivait l��-haut, dans l'angoisse et la solitude, nourrie en cachette par ces deux hommes.
Elle y resta jusqu'au d��part des troupes allemandes. Puis, un soir, le cur�� ayant emprunt�� le char-��-bancs du boulanger, conduisit lui-m��me sa prisonni��re jusqu'�� la porte de Rouen. Arriv�� l��, le pr��tre l'embrassa; elle descendit et regagna vivement �� pied le logis public, dont la patronne la croyait morte.
Elle en fut tir��e quelque temps apr��s par un patriote sans pr��jug��s qui l'aima pour sa belle action, puis l'ayant ensuite ch��rie pour elle-m��me, l'��pousa, en fit une Dame qui valut autant que beaucoup d'autres.
MADAME BAPTISTE
Quand j'entrai dans la salle des voyageurs de la gare de Loubain, mon premier regard fut pour l'horloge. J'avais �� attendre deux heures dix minutes l'express de Paris.
Je me sentis las soudain comme apr��s dix lieues �� pieds; puis je regardai autour de moi comme si j'allais d��couvrir sur les murs un moyen de tuer le temps; puis je ressortis et m'arr��tai devant la porte de la gare, l'esprit travaill�� par le d��sir d'inventer quelque chose �� faire.
La rue, sorte de boulevard plant�� d'acacias maigres, entre deux rangs de maisons in��gales et diff��rentes, des maisons de petite ville, montait une sorte de colline; et tout au bout on apercevait des arbres comme si un parc l'e?t termin��e.
De temps en temps un chat traversait la chauss��e, enjambant les ruisseaux d'une mani��re d��licate. Un roquet press�� sentait le pied de tous les arbres, cherchant des d��bris de cuisine. Je n'apercevais aucun homme.
Un morne d��couragement m'envahit. Que faire? Que faire? Je songeais d��j�� �� l'interminable et in��vitable s��ance dans le petit caf�� du chemin de fer, devant un bock imbuvable et l'illisible journal du lieu, quand j'aper?us un convoi fun��bre qui tournait une rue lat��rale pour s'engager dans celle o�� je me trouvais.
La vue du corbillard fut un soulagement pour moi. C'��tait au moins dix minutes de gagn��es.
Mais soudain mon attention redoubla. Le mort n'��tait suivi que par huit messieurs dont un pleurait. Les autres causaient amicalement. Aucun pr��tre n'accompagnait. Je pensai: ?Voici un enterrement civil,? puis je r��fl��chis qu'une ville comme Loubain devait contenir au moins une centaine de libre-penseurs qui se seraient fait un devoir de manifester. Alors, quoi? La marche rapide du convoi disait bien pourtant qu'on enterrait ce d��funt-l�� sans c��r��monie, et, par cons��quent, sans religion.
Ma curiosit�� d��soeuvr��e se jeta dans les hypoth��ses les plus compliqu��es; mais, comme la voiture fun��bre passait devant moi, une id��e baroque me vint: c'��tait de suivre avec les huit messieurs. J'avais l�� une heure au moins d'occupation, et je me mis en marche, d'un air triste, derri��re les autres.
Les deux derniers se retourn��rent avec ��tonnement, puis se parl��rent bas. Ils se demandaient certainement si j'��tais de la ville. Puis ils consult��rent les deux pr��c��dents, qui se mirent �� leur tour �� me d��visager. Cette attention investigatrice me g��nait, et, pour y mettre fin, je m'approchai de mes voisins. Les ayant salu��s, je dis: ?Je vous demande bien pardon, messieurs, si j'interromps votre conversation. Mais, apercevant un enterrement civil, je me suis empress�� de le suivre sans conna?tre, d'ailleurs, le mort que vous accompagnez.? Un des messieurs pronon?a: ?C'est une morte.? Je fus surpris et je demandai: ?Cependant c'est bien

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