Mistress Branican | Page 9

Jules Verne
que Len Burker n'avait pas: la droiture des sentiments, la justesse des id��es, l'honn��tet�� de l'intelligence.
Il importe d'insister sur ce point: c'est que ni John Branican ni M. William Andrew, ni personne ne soup?onnaient rien des affaires de Len Burker. Dans le monde de l'industrie et du commerce, on ignorait que cet aventurier -- et pl?t au ciel qu'il n'e?t m��rit�� que ce nom! -- courait �� un d��sastre prochain. Et, m��me, quand se produirait la catastrophe, peut-��tre ne verrait-on en lui qu'un homme peu favoris�� de la fortune, et non l'un de ces personnages sans moralit�� �� qui tous les moyens sont bons pour s'enrichir. Aussi, sans avoir ressenti pour lui une sympathie profonde, John Branican n'avait-il �� aucun moment con?u la moindre d��fiance �� son ��gard. C'��tait donc en pleine s��curit�� que, pendant son absence, il comptait sur les bons offices des Burker envers sa femme. S'il se pr��sentait quelque circonstance o�� Dolly serait forc��e de recourir �� eux, elle ne le ferait pas en vain. Leur maison lui ��tait ouverte, et elle y trouverait l'accueil d?, non seulement �� une amie, mais �� une soeur.
�� ce sujet, d'ailleurs, il n'y avait pas lieu de suspecter les sentiments de Jane Burker. L'affection qu'elle ��prouvait pour sa cousine ��tait sans restrictions comme sans calculs. Loin de blamer la sinc��re amiti�� qui unissait ces deux jeunes femmes, Len Burker l'avait encourag��e, sans doute dans une vision confuse de l'avenir et des avantages que cette liaison pourrait lui rapporter. Il savait, d'ailleurs, que Jane ne dirait jamais rien de ce qu'elle ne devait pas dire, qu'elle garderait une prudente r��serve sur sa situation personnelle, sur ce qu'elle ne pouvait ignorer des blamables affaires o�� il s'��tait engag��, sur les difficult��s au milieu desquelles son m��nage commen?ait �� se d��battre. L��-dessus, Jane se tairait, et il ne lui ��chapperait pas m��me une r��crimination. On le r��p��te, enti��rement domin��e par son mari, elle en subissait l'absolue influence bien qu'elle le conn?t pour un homme sans conscience, ayant perdu tout reste de sens moral, capable de s'abandonner aux actes les plus impardonnables. Et, apr��s tant de d��sillusions, comment aurait-elle pu lui conserver la moindre estime? Mais -- on ne saurait trop revenir sur ce point essentiel -- elle le redoutait, elle ��tait entre ses mains comme un enfant, et, rien que sur un signe de lui, elle le suivrait encore, si sa s��curit�� l'obligeait �� s'enfuir, en n'importe quelle partie du monde. Enfin, ne f?t-ce que par respect d'elle-m��me, elle n'e?t rien voulu laisser voir des mis��res qu'elle endurait, m��me �� sa cousine Dolly, qui les soup?onnait peut-��tre, sans en avoir jamais re?u confidence.
�� pr��sent, la situation de John et de Dolly Branican, d'une part, celle de Len et de Jane Burker, de l'autre, sont suffisamment ��tablies pour l'intelligence des faits qui vont ��tre relat��s. Dans quelle mesure ces situations allaient-elles ��tre modifi��es par les ��v��nements inattendus qui devaient, si prochainement et si soudainement, se produire? Personne n'e?t jamais put le pr��voir.

III
Prospect-House
Voil�� trente ans, la basse Californie -- un tiers environ de l'��tat de Californie -- ne comptait encore que trente-cinq mille habitants. Actuellement, c'est par cent cinquante mille que se chiffre sa population. �� cette ��poque, les territoires de cette province, recul��e aux confins de l'Ouest-Am��rique, ��taient tout �� fait incultes, et ne semblaient propres qu'�� l'��levage du b��tail. Qui aurait pu deviner quel avenir ��tait r��serv�� �� une r��gion si abandonn��e, alors que les moyens de communication se r��duisaient, par terre, �� de rares voies fray��es sous la roue des chariots; par mer, �� une seule ligne de paquebots, qui faisaient les escales de la c?te.
Et cependant, depuis l'ann��e 1769, un embryon de ville existait �� quelques milles dans l'int��rieur, au nord de la baie de San-Di��go. Aussi la ville actuelle peut-elle r��clamer dans l'histoire du pays l'honneur d'avoir ��t�� le plus ancien ��tablissement de la contr��e californienne.
Lorsque le nouveau continent, rattach�� �� la vieille Europe par de simples liens coloniaux que le Royaume-Uni s'opiniatrait �� tenir trop serr��s, eut donn�� une violente secousse, ces liens se rompirent. L'union des ��tats du Nord-Am��rique se fonda sous le drapeau de l'ind��pendance. L'Angleterre n'en conserva plus que des lambeaux, le Dominion et la Colombie, dont le retour est assur�� �� la conf��d��ration dans un temps peu ��loign�� sans doute. Quant au mouvement s��paratiste, il s'��tait propag�� �� travers les populations du centre qui n'eurent plus qu'une pens��e, un but: se d��livrer de leurs entraves quelles qu'elles fussent.
Ce n'��tait point sous le joug anglo-saxon que pliait alors la Californie. Elle appartenait aux Mexicains, et leur appartint jusqu'en 1846. Cette ann��e-l��, apr��s s'��tre affranchie pour entrer dans la r��publique f��d��rale, la municipalit�� de San-Di��go, cr����e onze ans auparavant, devint ce qu'elle aurait toujours d? ��tre -- am��ricaine.
La baie de San-Di��go est magnifique. On a pu la
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