de répression. Mais que vois-je maintenant? Vois-je les
fidèles se retirer tremblants en leurs cachettes, et dressant l'oreille pour
percevoir le bruit des fers des chevaux de leurs oppresseurs? Vois-je
une génération docile aux maîtres du jour, avec le mensonge aux lèvres,
et la vérité ensevelie au fond de son coeur? Non, je vois devant moi des
hommes pieux, qui viennent non seulement de cette belle cité, mais
encore de tout le pays à la ronde, et des comtés de Dorset, et de Wilts,
certains même, à ce qu'on me dit, du Hampshire, tous disposés,
empressés à besogner vigoureusement pour la cause du Seigneur. Et
quand je vois ces hommes fidèles, et quand je pense que chacune des
grosses pièces de monnaie qu'ils ont dans leurs caisses est prête à les
soutenir, et quand je sais que ceux qui, dans le pays, ont survécu aux
persécutions, rivalisent de prières pour nous, j'entends une voix
intérieure qui me dit que nous abattrons les idoles de Dagon et que
nous bâtirons dans cette Angleterre, notre pays, un temple de la vraie
religion tel que ni Papisme, ni Prélatisme, ni idolâtrie, ni aucune autre
invention du Mauvais ne prévaudra jamais contre lui.
Un sourd murmure d'approbation que rien ne pouvait contenir, monta
des rangs compacts de l'infanterie insurgée, en même temps que les
armes ou mousquetons retombaient sur le pavé avec un bruit sonore.
Saxon tourna à demi sa figure farouche, en levant la main d'un signe
d'impatience.
Le grondement rauque s'éteignit parmi nos hommes, pendant que nos
compagnons de droite et de gauche, moins disciplinés, continuaient à
agiter leurs branches vertes et à faire sonner leurs armes.
Les gens de Taunton restaient immobiles, résolus, silencieux, mais
leurs traits contractés, leurs sourcils froncés prouvaient que l'éloquence
de leur concitoyen avait remué jusqu'en ses profondeurs l'esprit
fanatique qui les distinguait.
--J'ai en main, reprit le Maire, en tirant de sa poitrine un papier roulé, la
proclamation dont notre royal chef s'est fait précéder. En sa grande
bonté, en son abnégation, il a, dans le premier appel daté de Lyme, fait
savoir qu'il laisserait le choix d'un monarque aux Communes
d'Angleterre, mais ayant appris que ses ennemis faisaient de cette
déclaration l'usage le plus scandaleux, le plus vil, et assuraient qu'il
avait trop peu de confiance en sa propre cause pour surprendre
publiquement le titre qui lui était dû, il a décidé de mettre fin à ces
mauvais propos.
«Sachez donc que par la présente il est proclamé que James, Duc de
Monmouth, est désormais le Roi légitime d'Angleterre, que Jacques
Stuart, le papiste et le fratricide, est un scélérat usurpateur, qu'il est
promis cinq mille guinées à quiconque le livrera mort ou vif, et que
l'assemblée siégeant actuellement à Westminster et se donnant le nom
de Communes d'Angleterre est une assemblée illégale, que ses actes
sont nuls et non avenus devant la loi. Dieu bénisse le Roi Monmouth et
la Religion protestante!»
Les trompettes sonnèrent une fanfare, et le peuple applaudit, mais le
Maire, levant ses mains maigres et blanches pour réclamer le silence,
reprit:
--Il est arrivé ce matin un message du Roi. Il envoie son salut à ses
fidèles sujets protestants, et ayant fait halte à Axminster, pour se
reposer après sa victoire, il se mettra bientôt en marche, et sera parmi
vous dans deux jours au plus tard.
«Vous serez peinés d'apprendre que le bon Alderman Rider a péri,
frappé au plus fort de la mêlée. Il est mort en homme et en chrétien,
léguant toute sa fortune en ce monde, ainsi que sa fabrique de draps et
ses biens immeubles, pour la continuation de la guerre.
«Parmi les autres morts, il n'y en a pas plus de dix qui soient de
Taunton. Deux vaillants jeunes pères ont été moissonnés, Ohosés et
Ephraïm Hollis, dont la pauvre mère...
--Ne vous désolez pas à mon sujet, bon Maître Timewell, cria une voix
de femme dans la foule. J'ai trois autres fils, aussi solides, que j'offre
tous pour la même querelle.
--Vous êtes une digne femme, Mistress Hollis, répondit le Maire, et vos
enfants ne seront point perdus pour vous. Le nom suivant sur ma liste
est celui de Jessé Tréfail, puis viennent Joseph Millar et Aminadab
Holt...
Un mousquetaire, homme d'un certain âge, se trouvant dans là première
ligne de l'infanterie Taunton, enfonça son chapeau sur ses yeux, et cria
d'une voix forte et ferme:
--Le Seigneur me l'a donné, le Seigneur me l'a ôté. Béni soit le nom du
Seigneur!
--C'est votre fils unique, Maître Holt, dit le Maire, mais le Seigneur a
aussi sacrifié son Fils unique pour que vous et moi nous puissions boire
aux eaux de la vie éternelle... Puis viennent Route-de-lumière-Régan,
James Fletcher, Salut-Smith et Robert Jolinstone.
Le vieux Puritain roula ses papiers d'un air grave, et après être
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