Micah Clarke - Tome I | Page 9

Arthur Conan Doyle
de tels hommes représentassent la religion faisait horreur à
son esprit, et il n'accordait pas même son adhésion à cette forme de

gouvernement ecclésiastique chère aux Presbytériens, et dans laquelle
une assemblée générale des ministres dirige les affaires de leur Église.
Selon son opinion, tous les hommes étaient égaux aux yeux du
Tout-Puissant, et aucun d'eux n'avait le droit de réclamer une place plus
élevée que son voisin dans les questions de religion.
Le Livre avait été écrit pour tous.
Tous étaient également capables de le lire, pourvu que leur esprit fût
éclairé par le Saint-Esprit.
D'un autre côté, ma mère soutenait que l'essence même de toute Église
était la possession d'une hiérarchie, avec une échelle graduée d'autorités
en elle-même, le Roi au sommet, les archevêques au-dessous de lui, et
ayant autorité sur les Évêques, et ainsi de suite on passant par les
ministres pour aboutir aux simples ouailles.
Telle était d'après elle, l'Église dès sa première institution, et aucune
religion dépourvue de ces caractères ne saurait prétendre qu'elle est la
vraie. À ses yeux le rituel avait une importance égale à celle de la
morale.
S'il était permis au premier commerçant, au premier fermier venu,
d'inventer des prières, de modifier le service au gré de sa fantaisie, il
serait impossible de conserver la doctrine chrétienne dans sa pureté.
Elle admettait que la Religion est fondée sur la Bible, mais la Bible est
un livre qui renferme bien de l'obscurité, et à moins que cette obscurité
ne soit dissipée par un serviteur de Dieu élu et consacré selon les règles,
par un homme qui descend en droite ligne des disciples, toute la
sagesse humaine est insuffisante pour l'interpréter droitement.
Ma mère occupait cette position.
Ni discussions ni prières n'étaient capables de l'en déloger.
La seule question de croyance sur laquelle mes deux parents étaient

d'accord et avaient la même ardeur, c'était leur commune aversion et
leur défiance à l'égard des cérémonies du culte de l'Église Romaine, et
sur ce point la femme, disciple fidèle de l'Église, n'était pas moins
décidée que le fanatique Indépendant.
En ces temps de tolérance, il peut vous paraître étrange que les
adhérents de cette vénérable croyance aient été en butte à tant de
malveillance de la part de plusieurs générations successives d'Anglais.
Nous reconnaissons aujourd'hui qu'il n'y a pas de citoyens plus utiles ou
plus loyaux que nos frères catholiques, et Mr Alexandre Pope, ou tout
autre Papiste d'importance n'est pas tenu en plus mince estime à raison
de sa religion que ne le fut William Penn pour son quakerisme, sous le
règne de Jacques.
Nous avons grand-peine à croire que des gentilshommes, comme Lord
Stafford, des ecclésiastiques comme l'archevêque Plunkett, des
membres des Communes comme Langhorne et Pickering aient été
traînés à la mort sur le témoignage des gens les plus vils, sans qu'une
voix se soit élevée en leur faveur, ou à comprendre comment on a pu
regarder comme un acte de patriotisme, pour un Anglais, de porter sous
son manteau un fouet garni de plomb, pour menacer ses paisibles
voisins, qui n'étaient pas de son opinion en matière de doctrine.
Ce fut une longue folie qui heureusement a disparu de nos jours, ou qui
du moins se manifeste plus rarement et sous une forme plus bénigne.
Si sot que cela parût, cela s'expliquait par des raisons de quelque poids.
Vous avez sans doute lu qu'un siècle avant ma naissance le grand
royaume d'Espagne se développa et prospéra.
Ses navires couvraient toutes les mers.
Ses troupes remportaient la victoire partout où-elles se montraient.
Cette nation était à la tête de l'Europe dans les lettres, dans l'érudition,
dans tous les arts de la guerre et de la paix.

Vous avez aussi entendu parler des dispositions hostiles qui existaient
entre cette grande nation et nous-mêmes, et conter comment nos
coureurs d'aventures harassaient ses possessions d'au-delà de
l'Atlantique, et comment elle exerçait des représailles en faisant brûler
par sa diabolique Inquisition tous ceux de nos marins qu'elle pouvait
prendre, en menaçant nos côtes tant de Cadix que de ses provinces des
Pays-Bas.
La querelle s'échauffa tellement que les autres nations se tinrent à
l'écart, ainsi que j'ai vu les gens faire de la place pour les tireurs d'épée
à Hockley-dans-le-Trou, si bien que le géant espagnol et la robuste
petite Angleterre se trouvèrent face à face pour vider leur querelle.
Pendant tout ce temps, ce fut en champion du Pape et en vengeur des
injures de l'Église Romaine que se posa le roi Philippe.
Il est vrai que Lord Howard et bien d'autres gentilshommes de
l'ancienne religion se battirent bravement contre les Castillans, mais il
était impossible au peuple d'oublier que la Réforme avait été le drapeau
sous lequel il avait triomphé, et que le Pape avait donné sa bénédiction
à nos ennemis.
Puis, ce fut la tentative cruelle
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