tête à toutes les dames de la cour quand
Charles II, jaloux de la Castlemaine, le maria à une riche héritière
d'Écosse, Anna Scott, duchesse de Buccleuch. Cela n'arrêta pas le
cours de ses bonnes fortunes qui ne l'empêchaient pas de devenir le
champion de la cause protestante. À ce titre, il paraissait doué de
toutes les vertus et de toutes les perfections. «La grâce, dit le poète
Dryden, accompagnait tous ses mouvements et le paradis se révélait
sur sa figure».
On prend goût à ce jeu de la popularité. Monmouth commit
imprudence sur imprudence et passa pour s'être associé au complot
whig avec Essex, Sydney et Russell, au moment où la conjuration de
Rye-House se proposait comme but, non plus de soulever la nation
contre le gouvernement, mais d'assassiner le roi et son frère. Alors il
dut s'exiler et vivre en Hollande dans une oisiveté plus ou moins
honorable. En même temps qu'il s'était brouillé avec la cour, il avait
cessé de vivre avec sa femme. Sa maîtresse, Lady Henriette Wentworth,
était riche. Dans le parti catholique, on murmurait qu'elle pourvoyait à
ses besoins, les secours que lui fournissait le roi ne suffisant point à
payer ses caprices. Le roi vieilli gardait pourtant, à travers son
égoïsme quinteux, un faible pour ce fils de sa jeunesse et de ses belles
amours. Tant que vécut Charles II, il y eut donc pour Monmouth espoir
de rappel. En octobre 1684, le prince d'Orange qui le recevait à Leyde
et à La Haye le traitait en hôte princier. Peu de mois avant la mort de
Charles II (en novembre 1684) Monmouth faisait un voyage rapide en
Angleterre. Allait-il rentrer en faveur? On le crut. Le duc d'York lui fit,
on le remarqua, un accueil cordial, comme s'il voulait démentir ainsi
les bruits qui commençaient à courir et qui peignaient Monmouth
comme un prétendant à la couronne. Mais bientôt le fils rebelle et
ingrat, repartit pour l'exil.
Alors les rumeurs, d'abord vagues, prirent de la consistance et de la
cohésion. On prétendait parmi les exilés que John Cosin, évêque de
Durham, avait remis un coffret, qui contenait le contrat de mariage de
Charles II et de Lucy Walters, à son gendre Gilbert Gérard, capitaine
des gardes du roi. On en jasait à Londres, dans la Cité, à la cour.
Gilbert Gérard nia devant le Conseil privé avoir connaissance et de la
boîte et du mariage. Beaucoup continuèrent à douter. La légende de la
cassette subsista: elle devait prendre une nouvelle force quand les
avancés du parti protestant auraient intérêt à opposer leur prétendant
à un roi catholique.
À la mort de Charles II, la situation de Monmouth changea
brusquement. Il était maintenant un exilé dans toute l'acception du
terme. Consentirait-il à mener sur le sol de la Hollande une existence
inactive et presque honteuse sous la surveillance des polices
continentales? L'ambition de sa maîtresse ne paraissait pas devoir s'en
contenter pour lui: elle voulait le voir roi. Stimulé par elle, Monmouth
annonça d'abord l'intention de se rendre en Suède et d'y vivre de
l'existence d'un particulier auprès de la chère maîtresse qui avait
sacrifié pour le suivre la splendeur d'un grand nom et ses droits à un
riche héritage. Mais il ne partait point.
C'est à ce point d'hésitation que le prirent les avances des exilés. Eux
aussi ne savaient pas se résigner à avoir été et à ne plus être. Certes
Monmouth leur était suspect à plus d'un titre. Qu'y avait-il de commun
entre ce paillard, séducteur de femmes et sceptique au point, lui
protestant, d'avoir versé leur sang, et les pieux et fanatiques martyrs de
leur foi et de leur haine pour les partisans masqués de Rome? Ils
reprochaient à Monmouth sa vie de plaisir, sa liaison extra-conjugale,
ses désordres et ses folies. Mais la nécessité fit plus que le goût. Les
exaltés cédèrent aux objurgations des plus politiques. Ils consentirent à
ce que Monmouth fut sondé par des émissaires sûrs. Il se montra froid,
peu désireux de se lancer dans les aventures. Alors les travaux
d'approche visèrent un autre but. Sur l'invite de Ferguson, lord Grey
agit auprès de Lady Henriette. Il lui montra le trône comme fruit d'une
alliance à laquelle il faudrait momentanément sacrifier les droits de
son amour. La maîtresse de Monmouth n'était pas une amoureuse
banale: elle se jura de lui donner les moyens, tous les moyens, de
conquérir une couronne. Pedro Ronquillas, ambassadeur d'Espagne,
qui voyait le fait sans en comprendre le but, fit alors des gorges
chaudes de ce prince qui vivait aux crochets de sa maîtresse et vendait
son amour pour ses subsides. Ce n'était pas par là cependant que
Monmouth péchait. La pensée de Lady Henriette était devenue la
sienne.
À son passage à Rotterdam, il se rencontra avec quelques-uns des chefs
de l'émigration.
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