ce sera juste et je calcule que vous serez �� peu pr��s les derniers. Le courant est fort au-dessous de la chute, et il a d��j�� plu trois jours.
--Tout le monde dit que la glace durera encore longtemps, r��pliqua sa belle-soeur. Vous avez beau coucher encore icitte �� soir tous les deux, et apr��s souper les jeunes gens du village viendront veiller. C'est bien juste que Maria ait encore un peu de plaisir avant que vous l'emmeniez l��-haut dans le bois.
--Elle a eu suffisamment de plaisir �� Saint-Prime, avec des veill��es de chants et de jeux presque tous les soirs. Nous vous remercions, mais je vais atteler de suite apr��s le d?ner, pour arriver l��-bas �� bonne heure.
Le vieux Nazaire Larouche parla du sermon du matin, qu'il avait trouv�� convaincant et beau; puis, apr��s un intervalle de silence, il demanda brusquement:
--Avez-vous cuit?
Sa belle-soeur, ��tonn��e, le regarda quelques instants, et finit par comprendre qu'il demandait ainsi du pain. Quelques instants plus tard, il interrogea de nouveau:
--Votre pompe, elle marche-t-y bien?
Cela voulait dire qu'il n'y avait pas d'eau sur la table. Azalma se leva pour aller en chercher, et derri��re son dos le vieux adressa �� Maria Chapdelaine un clin d'oeil fac��tieux.
--Je lui conte ?a par paraboles, chuchota-t-il. C'est plus poli.
Les murs de planches de la maison ��taient tapiss��s avec de vieux journaux, orn��s de calendriers distribu��s par les fabricants de machines agricoles ou les marchands de grain, et aussi de gravures pieuses: une reproduction presque sans perspective, en couleurs crues, de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupr��; le portrait du pape Pie X, un chromo o�� la Vierge Marie offrait aux regards avec un sourire pale son coeur �� la fois sanglant et nimb�� d'or.
--C'est plus beau que chez nous, songea Maria.
Nazaire Larouche continuait �� se faire servir par paraboles.
--Votre cochon ��tait-il ben maigre? Demanda-t-il; ou bien:
--Vous aimez ?a, vous, le sucre du pays? Moi, j'aime ?a sans raison...
Azalma lui servait une seconde tranche de lard ou tirait de l'armoire le pain de sucre d'��rable. Quand elle se facha de ses mani��res inusit��es et le somma de se servir lui-m��me comme d'habitude, il l'apaisa avec des excuses pleines de bonne humeur.
--C'est correct. C'est correct. Je ne le ferai plus; mais vous aviez coutume d'entendre la ris��e, Azalma. Il faut entendre la ris��e quand on re?oit �� sa table des jeunesses comme moi.
Maria sourit et songea que son p��re et lui se ressemblaient un peu; tous deux hauts et larges, gris de cheveux, des visages couleur de cuir, et dans leurs yeux vifs la m��me ��ternelle jeunesse que donne souvent aux hommes du pays de Qu��bec leur ��ternelle simplicit��.
Ils partirent presque de suite apr��s la fin du repas. La neige fondue �� la surface par les premi��res pluies et gelant de nouveau sous le froid des nuits ��tait merveilleusement glissante et fuyait sous les patins du tra?neau. Derri��re eux, les hautes collines bleues qui bornaient l'horizon de l'autre c?t�� du lac Saint-Jean disparurent peu �� peu �� mesure qu'ils remontaient la longue courbe de la rivi��re.
En passant devant l'��glise, Samuel Chapdelaine dit pensivement:
--C'est beau la messe. J'ai souvent bien du regret que nous soyons si loin des ��glises. Peut-��tre que de ne pas pouvoir faire notre religion tous les dimanches, ?a nous emp��che d'��tre aussi chanceux que les autres.
--Ce n'est pas notre faute, soupira Maria, nous sommes trop loin!
Son p��re secoua encore la t��te d'un air de regret. Le spectacle magnifique du culte, les chants latins, les cierges allum��s, la solennit�� de la messe du dimanche le remplissaient chaque fois d'une grande ferveur. Un peu plus loin, il commen?a �� chanter:
J'irai la voir un jour, M'asseoir pr��s de son tr?ne, Recevoir ma couronne Et r��gner �� mon tour...
Il avait la voix forte et juste et chantait �� pleine gorge d'un air d'extase; mais bient?t ses yeux se ferm��rent et son menton retomba sur sa poitrine peu �� peu. La voiture ne manquait jamais de l'endormir, et son cheval, devinant l'assoupissement habituel du ma?tre, ralentit et finit par prendre le pas.
--Marche donc, Charles-Eug��ne!
Il s'��tait r��veill�� brusquement et ��tendit la main vers le fouet. Charles-Eug��ne reprit le trot, r��sign��. Plusieurs g��n��rations auparavant, un Chapdelaine avait nourri une longue querelle avec un voisin qui portait ces noms, et il les avait promptement donn��s �� un vieux cheval d��courag�� et un peu boiteux qu'il avait, pour s'accorder la satisfaction de crier tous les jours, tr��s fort, en passant devant la maison de son ennemi:
--Charles-Eug��ne, grand malavenant! Vilaine b��te mal dompt��e! Marche donc, Charles-Eug��ne!
Depuis un si��cle la querelle ��tait finie et oubli��e; mais les Chapdelaine avaient toujours continu�� �� appeler leur cheval Charles-Eug��ne.
De nouveau le cantique s'��leva, sonore, plein de ferveur mystique:
Au ciel, au ciel, au ciel, J'irai la voir un jour...
Puis, une fois de plus, le sommeil fut le plus fort, la voix retomba, et Maria ramassa les
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