Marcof le Malouin | Page 7

Ernest Capendu
r��pondit Marcof. Tu connais la c?te. Prends la barre, gouverne et commande!
--Un moment; j'ai mes conditions �� faire, murmura Keinec. Une fois �� terre, jure-moi, si j'ai fait entrer _le Jean-Louis_ dans la crique, jure-moi de m'accorder ce que je te demanderai.
--Ce n'est rien contre le salut de mon ame?
--Non.
--Eh bien! je le jure! Ce que tu me demanderas je te l'accorderai.
Keinec prit le commandement du lougre. Avec une intr��pidit�� sans bornes et une s?ret�� de coup d'oeil infaillible, il fit courir une nouvelle bord��e au batiment, et il s'avan?a droit vers la passe de Penmarckh.
Malgr�� la violence du vent, malgr�� les vagues, _le Jean-Louis_, gouvern�� par une main ferme et audacieuse, s'engagea dans un v��ritable d��dale de r��cifs et de brisants. Peu �� peu on put distinguer les hautes falaises derri��re lesquelles s'��levait une lune rougeatre toute macul��e de larges taches noires et livides.
Bient?t la population du pays, ��chelonn��e sur le promontoire et sur la gr��ve, fut �� m��me de lancer �� bord un cordage que l'on amarra solidement au cabestan. _Le Jean-Louis_ ��tait sauv��!
Keinec, impassible, n'avait pas prononc�� une parole depuis le peu de mots qu'il avait ��chang��s avec Marcof. Soit hasard, soit intention arr��t��e, il n'avait pas une seule fois non plus laiss�� tomber ses regards sur Yvonne et sur Jahoua. La jeune fille, appuy��e contre le bastingage, semblait absorb��e par une r��verie profonde. Jahoua, lui, serrait convulsivement son pen-bas dans sa main crisp��e.
D��s que les p��cheurs de la c?te eurent hal�� le lougre vers la terre, Bervic s'approcha de Marcof, et se penchant vers lui:
--Avez-vous remarqu�� que Keinec a une tache rouge entre les deux sourcils? demanda-t-il �� voix basse.
--Non! r��pondit Marcof.
--Eh bien, regardez-y! Vrai comme je suis un bon chr��tien, il ne se passera pas vingt-quatre heures avant que le gars n'ait r��pandu du sang!
--Pauvre Yvonne! murmura Marcof.
Il ne put achever sa pens��e. Le navire abordait. Jahoua, saisissant Yvonne et l'enlevant dans ses bras, s'��lan?a �� terre d'un seul bond.
Au moment o�� le couple passait devant Keinec, celui-ci fit un mouvement: ses traits se d��compos��rent, et il porta vivement la main �� sa ceinture, de laquelle il tira un couteau tout ouvert. Peut-��tre allait-il s'��lancer, lorsque la main puissante de Marcof s'appesantit sur son ��paule. Keinec tressaillit.
--C'est toi! fit-il d'une voix sombre.
--Oui, mon gars, c'est moi qui viens te rappeler tes paroles; si je ne me trompe, nous avons �� causer...
Les deux hommes ouvrirent l'��coutille et s'engouffr��rent dans l'entrepont. Arriv��s �� la chambre du commandant, Marcof entra le premier. Keinec le suivit.
--Tu boiras bien un verre de gui-arden (eau-de-vie)? demanda Marcof en s'asseyant.
Keinec, sans r��pondre, attira �� lui une longue caisse plac��e contre une des parois de la cabine.
--C'est dans ce coffre que tu mets tes mousquets et tes carabines? demanda-t-il brusquement.
--Oui.
--Ne m'as-tu pas promis de me donner la premi��re chose que je te demanderais apr��s avoir sauv�� _le Jean-Louis_?
--Sans doute. Que veux-tu?
--Ton meilleur fusil, de la poudre et des balles.
--Keinec! dit lentement Marcof, je vais te donner ce que tu demandes; mais Bervic a raison, tu as une tache rouge entre les yeux, tu vas faire un malheur!...
Keinec, sans r��pondre, frappa du pied avec impatience. Marcof ouvrit la caisse.

III
KEINEC.
Marcof, reculant de quelques pas, laissa Keinec choisir en libert�� une arme �� sa convenance. Le jeune homme prit une carabine �� canon d'acier fondu, courte, l��g��re, et admirablement proportionn��e.
--Voici douze balles de calibre, dit Marcof, et un moule pour en fondre de nouvelles. D��croche cette poire �� poudre plac��e �� la t��te de mon hamac. Elle contient une livre et demie. Tu vois que je tiens religieusement ma parole?
--C'est vrai! Tu ne me dois plus rien.
--Ne veux-tu donc pas de mon amiti��?
--Est-elle franche?
--Ne suis-je pas aussi bon Breton que toi, Keinec?
--Si. Marcof. Pardonne-moi et soyons amis. Tu sais bien que je ne demande pas mieux...
--Et moi, tu sais aussi que je t'aime comme mon matelot, et que j'estime comme il convient ton courage et ton brave coeur! C'est pour cela, vois-tu, mon gars, c'est pour cela que je suis fach�� de ce que tu vas faire!...
--Et que vais-je donc faire?
--Tu vas tuer Yvonne et Jahoua.
--Si je voulais la mort de ceux dont tu parles, je n'aurais eu qu'�� rester �� terre, et, �� cette heure, ils rouleraient noy��s sous les vagues.
--Oui! mais c'est la main de Dieu et non la tienne qui les aurait frapp��s! Tu n'aurais pas assist�� au spectacle de leur agonie; tu n'aurais pas r��pandu toi-m��me ce sang dont ta haine est avide et dont ton amour est jaloux!.....
--Tais-toi, Marcof, tais-toi!... murmura Keinec.
--Est-ce que je ne dis pas la v��rit��?.... Ai-je raison?...
--C'est possible!
--Tu vois bien que, maintenant qu'ils sont �� terre, maintenant qu'ils n'ont plus rien �� craindre de la temp��te, tu vois bien que c'est toi qui les tueras!
--Que t'importe.
--J'aime Yvonne comme si elle ��tait ma fille!...
--C'est un malheur, Marcof, mais
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