avec son peigne d’écaille sa belle chevelure blondine, et rajuste ses canons qui sont du grand volume. Son pourpoint et son haut-de-chausses disparaissent sous les aiguillettes et les noeuds de ruban, son rabat est de la bonne faiseuse; ses gants flairent mieux que benjoin et civette; ses plumes ont co?té un louis le brin.
Comme son oeil est en feu et sa joue en fleur! que sa bouche est souriante! que ses dents sont blanches! comme sa main est douce et bien lavée.
Il parle, ce ne sont que madrigaux, galanteries parfumées en beau style précieux et du meilleur air; il a lu les romans et sait la poésie, il est vaillant et prompt à dégainer, il sème l’or à pleines mains. -- Aussi Angélique, Agnès, Isabelle se peuvent à peine tenir de lui sauter au cou, si bien élevées et si grandes dames qu’elles soient; aussi le mari est-il régulièrement trompé au cinquième acte, bien heureux quand ce n’est pas dès le premier.
Voilà comme le mariage est traité par Molière, l’un des plus hauts et des plus graves génies qui jamais aient été. -- Croit-on qu’il y ait rien de plus fort dans les réquisitoires d’Indiana et de Valentine?
La paternité est encore moins respectée, s’il est possible. Voyez Orgon, voyez Géronte, voyez-les tous.
Comme ils sont volés par leurs fils, battus par leurs valets! Comme on met à nu, sans pitié pour leur age, et leur avarice, et leur entêtement, et leur imbécillité! -- Quelles plaisanteries! quelles mystifications!
Comme on les pousse par les épaules hors de la vie, ces pauvres vieux qui sont longs à mourir, et qui ne veulent point donner leur argent! comme on parle de l’éternité des parents! quels plaidoyers contre l’hérédité, et comme cela est plus convaincant que toutes les déclamations saint-simoniennes!
Un père, c’est un ogre, c’est un Argus, c’est un ge?lier, un tyran, quelque chose qui n’est bon tout au plus qu’à retarder un mariage pendant trois jusqu’à la reconnaissance finale. -- Un père est le mari ridicule au grand complet. -- Jamais un fils n’est ridicule dans Molière; car Molière, comme tous les auteurs de tous les temps possibles, faisait sa cour à la jeune génération aux dépens de l’ancienne.
Et les Scapins, avec leur cape rayée à la napolitaine, et leur bonnet sur l’oreille, et leur plume balayant les bandes d’air, ne sont-ils pas des gens bien pieux, bien chastes et bien dignes d’être canonisés? -- Les bagnes sont pleins d’honnêtes gens qui n’ont pas fait le quart de ce qu’ils font. Les roueries de Trialph sont de pauvres roueries en comparaison des leurs. Et les Lisettes et les Martons, quelles gaillardes, tudieu! -- Les courtisanes des rues sont loin d’être aussi délurées, aussi promptes à la riposte grivoise. Comme elles s’entendent à remettre un billet! comme elles font bien la garde pendant les rendez-vous! -- Ce sont, sur ma parole, de précieuses filles, serviables et de bon conseil.
C’est une charmante société qui s’agite et se promène à travers ces comédies et ces imbroglios. -- Tuteurs dupés, maris cocus, suivantes libertines, valets aigrefins, demoiselles folles d’amour, fils débauchés, femmes adultères; cela ne vaut-il pas bien les jeunes beaux mélancoliques et les pauvres faibles femmes opprimées et passionnées des drames et des romans de nos faiseurs en vogue?
Et tout cela, moins le coup de dague final, moins la tasse de poison obligée: les dénouements sont aussi heureux que les dénouements des contes de fées, et tout le monde, jusqu’au mari, est on ne peut plus satisfait. Dans Molière, la vertu est toujours honnie et rossée; c’est elle qui porte les cornes, et tend le dos à Mascarille; à peine si la moralité appara?t une fois à la fin de la pièce sous la personnification un peu bourgeoise de l’exempt Loyal.
Tout ce que nous venons de dire ici n’est pas pour écorner le piédestal de Molière; nous ne sommes pas assez fou pour aller secouer ce colosse de bronze avec nos petits bras; nous voulions simplement démontrer aux pieux feuilletonistes, qu’effarouchent les ouvrages nouveaux et romantiques, que les classiques anciens, dont ils recommandent chaque jour la lecture et l’imitation, les surpassent de beaucoup en gaillardise et en immoralité.
à Molière nous pourrions aisément joindre et Marivaux et La Fontaine, ces deux expressions si opposées de l’esprit fran?ais, et Régnier, et Rabelais, et Marot, et bien d’autres. Mais notre intention n’est pas de faire ici, à propos de morale, un cours de littérature à l’usage des vierges du feuilleton.
Il me semble que l’on ne devrait pas faire tant de tapage à propos de si peu. Nous ne sommes heureusement plus au temps d’ève la blonde, et nous ne pouvons, en bonne conscience, être aussi primitifs et aussi patriarcaux que l’on était dans l’arche. Nous ne sommes pas des petites filles se préparant à leur première communion; et, quand nous jouons
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