à l’homélie; on se défend de l’une et de l’autre en ne sortant qu’en voiture et en relisant Pantagruel entre sa bouteille et sa pipe.
Mon doux Jésus! quel décha?nement! quelle furie!
-- Qui vous a mordu? qui vous a piqué? que diable avez-vous donc pour crier si haut, et que vous a fait ce pauvre vice pour lui en tant vouloir, lui qui est si bon homme, si facile à vivre, et qui ne demande qu’à s’amuser lui-même et à ne pas ennuyer les autres, si faire se peut? -- Agissez avec le vice comme Serre avec le gendarme: embrassez-vous, et que tout cela finisse. -- Croyez- m’en, vous vous en trouverez bien. -- Eh! mon Dieu! messieurs les prédicateurs, que feriez-vous donc sans le vice? -- Vous seriez réduits, dès demain, à la mendicité, si l’on devenait vertueux aujourd’hui.
Les théatres seraient fermés ce soir. -- Sur quoi feriez-vous votre feuilleton? -- Plus de bals de l’Opéra pour remplir vos colonnes, -- plus de romans à disséquer; car bals, romans, comédies, sont les vraies pompes de Satan, si l’on en croit notre sainte Mère l’église. -- L’actrice renverrait son entreteneur, et ne pourrait plus vous payer son éloge. -- On ne s’abonnerait plus à vos journaux; on lirait saint Augustin, on irait à l’église, on dirait son rosaire. Cela serait peut-être très bien; mais, à coup s?r, vous n’y gagneriez pas. -- Si l’on était vertueux, où placeriez-vous vos articles sur l’immoralité du siècle? Vous voyez bien que le vice est bon à quelque chose.
Mais c’est la mode maintenant d’être vertueux et chrétien, c’est une tournure qu’on se donne; on se pose en saint Jér?me, comme autrefois en don Juan; l’on est pale et macéré, l’on porte les cheveux à l’ap?tre, l’on marche les mains jointes et les yeux fichés en terre; on prend un petit air confit en perfection; on a une Bible ouverte sur sa cheminée, un crucifix et du buis bénit à son lit; l’on ne jure plus, l’on fume peu, et l’on chique à peine. -- Alors on est chrétien, l’on parle de la sainteté de l’art, de la haute mission de l’artiste, de la poésie du catholicisme, de M. de Lamennais, des peintres de l’école angélique, du concile de Trente, de l’humanité progressive et de mille autres belles choses. -- Quelques-uns font infuser dans leur religion un peu de républicanisme; ce ne sont pas les moins curieux. Ils accouplent Robespierre et Jésus-Christ de la fa?on la plus joviale, et amalgament avec un sérieux digne d’éloges les Actes des Ap?tres et les décrets de la sainte convention, c’est l’épithète sacramentelle; d’autres y ajoutent, pour dernier ingrédient, quelques idées saint-simoniennes. -- Ceux-là sont complets et carrés par la base; après eux, il faut tirer l’échelle. Il n’est pas donné au ridicule humain d’aller plus loin, -- _has ultra metas..., _etc. Ce sont les colonnes d’Hercule du burlesque.
Le christianisme est tellement en vogue par la tartuferie qui court que le néo-christianisme lui-même jouit d’une certaine faveur. On dit qu’il compte jusqu’à un adepte, y compris M. Drouineau.
Une variété extrêmement curieuse du journaliste proprement dit moral, c’est le journaliste à famille féminine.
Celui-là pousse la susceptibilité pudique jusqu’à l’anthropophagie, ou peu s’en faut.
Sa manière de procéder, pour être simple et facile au premier coup d’oeil, n’en est pas moins bouffonne et superlativement récréative, et je crois qu’elle vaut qu’on la conserve à la postérité, -- à nos derniers neveux, comme disaient les perruques du prétendu grand siècle.
D’abord pour se poser en journaliste de cette espèce, il faut quelques petits ustensiles préparatoires, -- tels que deux ou trois femmes légitimes, quelques mères, le plus de soeurs possible, un assortiment de filles complet et des cousines innombrablement. -- Ensuite il faut une pièce de théatre ou un roman quelconque, une plume, de l’encre, du papier et un imprimeur. Il faudrait peut-être bien une idée et plusieurs abonnés; mais on s’en passe avec beaucoup de philosophie et l’argent des actionnaires.
Quand on a tout cela, l’on peut s’établir journaliste moral. Les deux recettes suivantes, convenablement variées, suffisent à la rédaction.
Modèles d’articles vertueux sur une première représentation.
?Après la littérature de sang, la littérature de fange; après la Morgue et le bagne, l’alc?ve et le lupanar; après les guenilles tachées par le meurtre, les guenilles tachées par la débauche; après, etc. (selon le besoin et l’espace, on peut continuer sur ce ton depuis six lignes jusqu’à cinquante et au-delà), -- c’est justice. -- Voilà où mènent l’oubli des saines doctrines et le dévergondage romantique: le théatre est devenu une école de prostitution où l’on n’ose se hasarder qu’en tremblant avec une femme qu’on respecte. Vous venez sur la foi d’un nom illustre, et vous êtes obligé de vous retirer au troisième acte avec votre jeune fille toute troublée et toute décontenancée. Votre femme cache sa rougeur derrière
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