Macbeth | Page 9

William Shakespeare

revêtir de vêtements empruntés?
ANGUS.--Celui qui fut thane de Cawdor vit encore; mais sous le poids
d'un jugement auquel est soumise cette vie qu'il a mérité de perdre. S'il
était d'intelligence avec le roi de Norwége, ou s'il prêtait aux rebelles
une aide et des secours clandestins, ou si, de concert avec tous deux, il
travaillait à la ruine de son pays, c'est ce que j'ignore; mais des
trahisons capitales, avouées et prouvées, l'ont perdu sans ressource.

MACBETH.--Thane de Glamis et thane de Cawdor! le plus grand est
encore à venir.--Merci de votre peine.--N'espérez-vous pas à présent
que vos enfants seront rois, puisque celles qui m'ont salué thane de
Cawdor ne leur ont rien moins promis?
BANQUO.--Si vous le croyez sincèrement, cela pourrait bien aussi
vous faire aspirer à obtenir la couronne, outre le titre de thane de
Cawdor; mais c'est étrange; et souvent, pour nous attirer à notre perte,
les ministres des ténèbres nous disent la vérité: ils nous amorcent par
des bagatelles permises, pour nous précipiter ensuite dans les
conséquences les plus funestes.--Mes cousins, un mot, je vous prie.
MACBETH.--Deux vérités m'ont été dites[13], favorables prologues de
la grande scène de ce royal sujet.--Je vous remercie, messieurs.--Cette
instigation surnaturelle ne peut être mauvaise, ne peut être bonne. Si
elle est mauvaise, pourquoi me donnerait-elle un gage de succès, en
commençant ainsi par une vérité? Je suis thane de Cawdor. Si elle est
bonne, pourquoi est-ce que je cède à cette suggestion, dont l'horrible
image agite mes cheveux et fait que mon coeur, retenu à sa place, va
frapper mes côtes par un mouvement contraire aux lois de la nature?
Les craintes présentes sont moins terribles que d'horribles pensées.
Mon esprit, où le meurtre n'est encore qu'un fantôme, ébranle tellement
mon individu que toutes les fonctions en sont absorbées par les
conjectures; et rien n'y existe que ce qui n'est pas.
BANQUO.--Voyez dans quelles réflexions est plongé notre
compagnon.
MACBETH.--Si le hasard veut me faire roi, eh bien! le hasard peut me
couronner sans que je m'en mêlé.
BANQUO.--Ces nouveaux honneurs lui font l'effet de nos habits neufs:
ils ne collent au corps qu'avec un peu d'usage.
MACBETH.--Arrive ce qui pourra; le temps et les heures avancent à
travers la plus mauvaise journée.
BANQUO.--Digne Macbeth, nous attendons votre bon plaisir.

MACBETH.--Pardonnez-moi: ma mauvaise tête se travaillait à
retrouver des choses oubliées.--Nobles seigneurs, vos services sont
consignés dans un registre dont chaque jour je tournerai la feuille pour
les relire.--Allons trouver le roi. (_A Banquo._) Réfléchissez à ce qui
est arrivé; et, plus à loisir, après avoir tout bien pesé, dans l'intervalle,
nous en parlerons à coeur ouvert.
BANQUO.--Très-volontiers.
MACBETH.--Jusque-là c'est assez.--Allons, mes amis....
(Ils sortent.)
[Note 7: Killing swine. C'était une des grandes occupations des
sorcières de faire mourir les cochons de ceux qui leur avaient déplu
d'une façon quelconque.]
[Note 8: La sorcière insulte ici la pauvreté de son ennemie qui vivait,
disait-elle, des restes qu'on distribuait à la porte des couvents et des
maisons opulentes.]
[Note 9: Lorsqu'une sorcière prenait la forme d'un animal, la queue lui
manquait toujours, parce que, disait-on, il n'y a pas dans le corps
humain de partie correspondante dont on puisse façonner une queue,
comme on fait du nez le museau, des pieds et des mains les pattes, etc.]
[Note 10: The weird sisters. La chronique d'Hollinshed, en rapportant
l'apparition des trois figures étranges qui prédirent à Macbeth sa future
grandeur, dit que, d'après l'accomplissement de leurs prophéties, on fut
généralement d'opinion que c'étaient ou _the weird sisters_, «comme
qui dirait les déesses de la destinée, ou quelques nymphes ou fées que
leurs connaissances nécromantiques douaient de la science de
prophétie.» Warburton les prend pour les _walkyries_, nymphes du
paradis d'Odin, chargées de conduire les âmes des morts et de verser à
boire aux guerriers; et les fonctions que s'attribuent, dans leur chant
magique, les sorcières de Shakspeare, étaient aussi, selon quelques
auteurs, celles que la mythologie scandinave attribuait aux walkyries.
Mais on oppose à cette opinion de Warburton, que les walkyries étaient

très-belles, et ne peuvent être représentées par les sorcières de
Shakspeare avec _leurs barbes_; que, d'ailleurs, les walkyries étaient
plus de trois, ce qui paraît être le nombre fixe des weird sisters. Il y a
lieu de croire que ces divinités avaient du rapport avec les Parques; et
un ancien auteur anglais (Gawin Douglas), qui a donné une traduction
de Virgile, y rend en effet le nom de _Parcæ_ par ceux _weird sisters_,
et on trouve le mot wierd ou weird employé dans le même sens par
d'autres auteurs. D'autres en ont fait un substantif, et l'ont employé dans
le sens de _prophétie_, d'après la signification du mot anglo-saxon
_wyrd_, d'où il est dérivé. Ce qui paraît clair, c'est que Shakspeare, de
même que dans _la Tempête_, au lieu de s'astreindre à
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