Macbeth | Page 3

William Shakespeare

mourait avant que ses fils ou descendants en ligne directe fussent assez
âgés pour prendre le maniement des affaires, on élirait à leur place le
plus proche parent du roi défunt. Mais Duncan ayant désigné, avant
l'âge, son fils Malcolm pour prince de Cumberland et son successeur au
trône, Macbeth, qui vit par là ses espérances renversées, se crut en droit
de venger l'injustice qu'il éprouvait. Il y était d'ailleurs sans cesse excité
par Caithness, sa femme, qui, brûlant du désir de se voir reine, «et
impatiente de tout délai, dit Boèce, comme le sont toutes les femmes,»
ne cessait de lui reprocher son manque de courage. Macbeth ayant donc
assemblé à Inverness, d'autres disent à Botgsvane, un grand nombre de

ses amis auxquels il fit part de son projet, tua Duncan, et se rendit avec
son parti à Scone, où il se mit sans difficulté en possession de la
couronne.
La chronique de Hollinshed rapporte sans aucun détail le meurtre de
Duncan. Les incidents qu'a mis en scène Shakspeare sont tirés d'une
autre partie de cette même chronique concernant le meurtre du roi
Duffe, assassiné, plus de soixante ans auparavant, par un seigneur
écossais nommé Donwald. Voici les circonstances de ce meurtre telles
que les rapporte la chronique.
Duffe s'était montré, dès le commencement de son règne, très-occupé
de protéger le peuple contre les malfaiteurs et «personnes oisives qui ne
voulaient vivre que sur les biens des autres.» Il en fit exécuter plusieurs,
força les autres à se retirer en Irlande ou bien à apprendre quelque
métier pour vivre. Bien qu'ils ne tinssent, à ce qu'il paraît, à la haute
noblesse d'Écosse que par des degrés assez «éloignés, les nobles, dit la
chronique, furent très-offensés de cette extrême rigueur, regardant
comme un déshonneur, pour des gens descendus de noble parentage,
d'être contraints de gagner leur vie par le travail de leurs mains, ce qui
n'appartient qu'aux hommes de la glèbe et autres de la basse classe, nés
pour travailler à nourrir la noblesse et pour obéir à ses ordres.» Le roi
fut, en conséquence, regardé par eux comme ennemi des nobles et
indigne de les gouverner, étant, disaient-ils, uniquement dévoué aux
intérêts du peuple et du clergé, qui faisaient, en ce temps, cause
commune contre l'oppression des grands seigneurs. Le mécontentement
s'accroissant tous les jours, il s'éleva plusieurs révoltes, dans l'une
desquelles entrèrent quelques jeunes gentilshommes, parents de
Donwald, lieutenant pour le roi du château de Fores. Ces jeunes gens
furent pris, et Donwald, qui jusqu'alors avait servi fidèlement et
utilement le roi, se flatta d'obtenir leur grâce; mais n'ayant pu y
parvenir, il en conçut un violent ressentiment. Sa femme, que des
causes pareilles irritaient contre le roi, n'épargna rien pour l'aigrir et lui
fit comprendre combien il lui serait facile de se venger lorsque Duffe
viendrait, comme cela lui arrivait souvent, loger à Fores, sans autre
garde que la garnison du château, qui était entièrement à leur dévotion,
et elle lui en indiqua tous les moyens.
Duffe étant venu peu de temps après à Fores, la veille de son départ,
lorsqu'il se fut couché après avoir prié Dieu beaucoup plus tard qu'à

l'ordinaire, Donwald et sa femme se mirent à table avec les deux
chambellans, dont ils avaient préparé avec soin «l'arrière-souper ou
collation,» et les enivrèrent si bien qu'ils les firent tomber dans un
sommeil léthargique. Alors Donwald, «quoique dans son coeur il
abhorrât cette action,» excité par sa femme, appela quatre de ses
domestiques instruits de son projet, et qu'il avait séduits par des
présents. Ils entrèrent dans la chambre de Duffe, le tuèrent, emportèrent
son corps hors du château par une poterne, et, le mettant sur un cheval
préparé à cet effet, le transportèrent à deux milles de là, près d'une
petite rivière qu'ils détournèrent avec l'aide de quelques paysans; puis,
creusant une fosse dans le fond du lit de la rivière, ils y enterrèrent le
cadavre et firent repasser les eaux par-dessus, dans la crainte que s'il
venait à être découvert, ses blessures ne saignassent lorsque Donwald
en approcherait, et ne le fissent ainsi reconnaître comme l'auteur du
meurtre. Donwald, pendant ce temps, avait eu soin de se tenir parmi
ceux qui faisaient la garde, et qu'il ne quitta pas pendant le reste de la
nuit. Les circonstances subséquentes, relatives au meurtre des deux
chambellans, sont telles que Shakspeare les a représentées dans
Macbeth. Il en est de même des prodiges qu'il rapporte et qui eurent
lieu à la mort de Duffe. Le soleil ne parut point durant six mois, jusqu'à
ce qu'enfin les meurtriers ayant été découverts et exécutés, il brilla de
nouveau sur la terre, et les champs se couvrirent de fleurs, bien que ce
ne fût pas la saison.
Pour revenir à Macbeth, les dix premières années de son règne furent
signalées
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