prendre encore dans le Lochaber. Les habitants se
récrièrent hautement contre cette violation de la foi promise, et les
injures qu'ils proférèrent contre lui, à cette occasion, irritèrent tellement
Macbeth qu'il fut près de passer dans les îles avec une armée pour se
venger; mais il fut détourné de ce projet par les conseils de ses amis, et
surtout par les présents au moyen desquels les insulaires achetèrent une
seconde fois leur pardon.
[Note 1: Soldats d'infanterie, armés les premiers à la légère, les seconds
d'armes pesantes.]
Peu de temps après, Suénon, roi de Norwége, ayant fait une descente en
Écosse, Duncan, pour lui résister, se mit à la tête de la portion la plus
considérable de son armée, dont il confia le reste à Macbeth et à
Banquo. Duncan, battu et près de s'enfuir, se réfugia dans le château de
Perth, où Suénon vint l'assiéger. Duncan ayant secrètement instruit
Macbeth de ses intentions, feignit de vouloir traiter et traîna la chose en
longueur jusqu'à ce qu'enfin, averti que Macbeth avait réuni des forces
suffisantes, il indiqua un jour pour livrer la place, et en attendant il
offrit aux Norwégiens de leur envoyer des provisions de bouche, qu'ils
acceptèrent avec d'autant plus d'empressement que depuis plusieurs
jours ils souffraient beaucoup de la disette. Le pain et la bière qu'on
leur livra avaient été mêlés du jus d'une baie extrêmement narcotique,
en sorte que, s'en étant rassasiés avec avidité, ils tombèrent dans un
sommeil dont il fut impossible de les tirer. Alors Duncan fit avertir
Macbeth, qui, arrivant en diligence et entrant sans obstacle dans le
camp, massacra tous les Norwégiens, dont la plupart ne se réveillèrent
pas, et dont les autres se trouvèrent tellement étourdis par l'effet du
soporifique qu'ils ne purent faire aucune défense. Un grand nombre de
mariniers de la flotte norwégienne, qui étaient venus pour prendre leur
part de l'abondance répandue dans le camp, partagèrent le sort de leurs
compatriotes, et Suénon, qui se sauva, lui onzième, de cette boucherie,
trouva à peine assez d'hommes pour conduire le vaisseau sur lequel il
s'enfuit en Norwége. Ceux qu'il laissa derrière furent, trois jours après,
tellement battus par un vent d'est qu'ils se brisèrent les uns contre les
autres et s'enfoncèrent dans la mer, dans un lieu appelé les sables de
Drownelow, où ils sont encore aujourd'hui (1574), dit la chronique, «au
grand danger des vaisseaux qui viennent sur la côte, la mer les couvrant
entièrement pendant le flux, tandis que le reflux en laisse paraître
quelques parties au-dessus de l'eau.» Ce désastre causa une telle
consternation en Norwége qu'encore plusieurs années après on n'y
armait point un chevalier sans lui faire jurer de venger ses compatriotes
tués en Écosse. Duncan, pour célébrer sa délivrance, ordonna de
grandes processions; mais, pendant qu'on les célébrait, on apprit le
débarquement d'une armée de Danois, sous les ordres de Canut, roi
d'Angleterre, qui venait venger son frère Suénon. Macbeth et Banquo
allerent au-devant d'eux, les défirent, les forcèrent à se rembarquer et à
payer une somme considérable pour obtenir la permission d'enterrer
leurs morts à Saint-Colmes-Inch, où, dit la chronique, on voit encore un
grand nombre de vieux tombeaux sur lesquels sont gravés les armes des
Danois.
Tels sont, dans les exploits de Macbeth et de Banquo, ceux dont
Shakspeare, d'après Hollinshed, a fait usage dans sa tragédie. Ce fut
peu de temps après que Macbeth et Banquo, se rendant à Fores, où était
le roi, et chassant en chemin à travers les bois et les champs, «sans
autre compagnie que seulement eux-mêmes,» furent soudainement
accostés, au milieu d'une lande, par trois femmes bizarrement vêtues et
«semblables à des créatures de l'ancien monde» (_elder world_), qui
saluèrent Macbeth précisément comme on le voit dans la tragédie. Sur
quoi Banquo: «Quelle manière de femmes êtes-vous donc, dit-il, de
vous montrer si peu favorables envers moi que vous assigniez à mon
compagnon non-seulement de grands emplois, mais encore un royaume,
tandis qu'à moi vous ne me donnez rien du tout?--Vraiment, dit la
première d'entre elles, nous te promettons de plus grands biens qu'à lui,
car il régnera en effet, mais avec une fin malheureuse, et il ne laissera
aucune postérité pour lui succéder; tandis qu'au contraire toi, à la vérité,
ne régneras pas du tout, mais de toi sortiront ceux qui gouverneront
l'Écosse par une longue suite de postérité non interrompue.» Aussitôt
elles disparurent. Quelque temps après, le thane de Cawdor ayant été
mis à mort pour cause de trahison, son titre fut conféré à Macbeth, qui
commença, ainsi que Banquo, à ajouter grande foi aux prédictions des
sorcières et à rêver aux moyens de parvenir à la couronne.
Il avait des chances d'y arriver légitimement, les fils de Duncan n'étant
pas encore en âge de régner et la loi d'Écosse portant que si le roi
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