pour un Abyssinien, étaient partagés en trois parties qui tombaient sur son cou en trois longues tresses. Vers la fin de sa vie, sa chevelure avait été fort négligée; depuis des mois, elle n'avait pas été tressée. C'était pour témoigner la douleur qu'il ressentait à cause de la méchanceté de son peuple; il ne voulut jamais se laisser enduire les cheveux de beurre, ce qui fait les délices des Abyssiniens. Un jour, il s'excusa de la simplicité de sa toilette. Il nous dit que pendant le peu d'années de paix qui avaient suivi la conquête du pays, il avait l'habitude de para?tre en public comme un roi doit le faire; mais depuis qu'il avait été forcé, par le mauvais vouloir de son peuple, à être en guerre constante avec ses sujets, il avait adopté le costume des soldats, comme étant plus en rapport avec sa mauvaise fortune. Cependant, après même que sa chute fut devenue imminente dans plusieurs circonstances, il se montra magnifiquement vêtu d'une chemise et d'un manteau de soie richement brodés, enrichis de velours et chamarrés d'or. Il agissait ainsi, je pense, pour éblouir son peuple. Celui-ci savait qu'il était pauvre, et quoique Théodoros détestat la pompe on elle-même, il désirait laisser cette impression sur ce qui lui restait de compagnons, que, quoique bien déchu, il était toujours--le roi.
Tout le temps que vécut sa première femme, Théodoros non-seulement eut une conduite exemplaire, mais il ne souffrit jamais qu'aucun des officiers de sa maison ni des chefs qui étaient auprès de lui vécussent dans le concubinage. Un jour, au commencement de 1860, Théodoros aper?ut, dans une église, une belle jeune fille, priant silencieusement sa patronne, la Vierge Marie. Frappé de sa modestie et de sa beauté, il s'enquit d'elle et apprit qu'elle était la fille unique de Dejatch Oubié, prince du Tigré, son ancien rival, qu'il avait détr?né et qui était en ce moment son prisonnier. Il demanda sa main et re?ut un refus poli. La jeune fille désirait se retirer dans un couvent et se consacrer au service de Dieu. Théodoros n'était pas un homme à se laisser facilement contrarier dans ses désirs. Il proposa à Oubié de le mettre en liberté, à la seule condition qu'il le retiendrait comme officier, et que le prince userait de son influence pour décider sa fille à accepter la main de Théodoros. A la fin, Waizero Terunish (tu es pure) se sacrifia pour le bien de son vieux père, et accepta la main d'un homme qu'elle ne pouvait pas aimer. Cette union fut malheureuse; Théodoros, à son grand désappointement, ne trouva pas, dans cette seconde femme, la fervente affection, l'aveugle dévouement qu'il avait rencontré dans la compagne de sa jeunesse. Waizero Terunish était fière, et elle considéra toujours son mari comme un parvenu. Elle ne lui témoigna jamais ni respect ni affection. Théodoros, ainsi qu'il en avait l'habitude du vivant de sa première femme, se retirait toutes les après-midi, lorsqu'il était ennuyé et fatigué, dans la tente de la reine, mais il n'y trouva pas un cordial accueil. Le regard de sa femme était froid et plein d'arrogance, et elle alla jusqu'à le recevoir sans la courtoisie ordinaire due à son rang. Un jour même elle eut l'air de ne pas l'apercevoir, ne lui offrit pas de siège, et lorsqu'il s'informa de sa santé, elle ne daigna pas lui répondre. Elle tenait, en ce moment, un livre de Psaumes dans ses mains, et lorsque Théodoros lui demanda pourquoi elle ne lui répondait pas, elle répliqua avec calme et sans détourner les yeux de dessus son livre: ?Parce que je suis en conversation avec un homme bien plus grand et bien meilleur que vous, le pieux roi David.?
Théodoros finit par l'envoyer à Magdala avec son nouveau-né, Alamayou (j'ai vu le monde), et il prit pour sa favorite une veuve de Yedjou, nommée Waizero Tamagno, femme grossière, aux regards lascifs et mère de cinq enfants. Elle prit un tel ascendant sur l'esprit de Théodoros, que celui-ci déclara publiquement qu'il répudiait Terunish et divor?ait avec elle, et que, désormais, Tamagno devait être considérée par tous comme la reine. Cependant Tamagno eut bient?t de nombreuses rivales; mais en femme habile, au lieu de se plaindre, elle poussa Théodoros dans ses débauches, et le re?ut toujours avec un gracieux sourire. Elle répondit on jour à son volage seigneur, qui s'étonnait de sa _complaisance:_ ?Pourquoi serais-je jalouse? Je sais bien que vous n'aimez que moi; qu'est-ce que cela peut me faire que vous vous arrêtiez, de temps en temps, auprès des quelques fleurs, que vous embaumez de votre souffle??
Bien que Théodoros ait eu plusieurs enfants, Alamayou est le seul légitime. Le plus agé de tous ses enfants est un gar?on d'environ vingt-deux ans, appelé le prince Meshisho; il est gros, méchant et paresseux. Quoique Théodoros nous l'ait
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